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lundi, 25 septembre 2006

‎"Caricatures" papales ?‎

medium_Massacre_saint_barthelemy.jpg.. Je ne le pense pas. Car un discours pontifical est forcément plus sérieux qu'une caricature ‎danoise. D'autant plus que c'était le même Pape qui avait disconvenu ces caricatures.. Je ‎constate aussi cette retenue relative des masses musulmanes dont les protestations contre les ‎caricatures avaient été plus virulentes. Si les caricatures danoises étaient tendancieusement ‎provocantes, la conférence de sa sainteté Benoît XVI, était benoîtement blessante... ‎
Cette conférence, donnée par le Pape le 12 septembre courant à l'université de Ratisbonne en ‎Allemagne, avait pour thème central "Foi et raison". Selon lui, l'une ne va pas sans l'autre. Il ‎précise : «Agir de manière déraisonnable (en matière de foi) est contraire à la nature de Dieu», de ‎même qu'«une raison qui est sourde face au divin et repousse la religion au niveau des sous-‎cultures est incapable de s'insérer dans le dialogue des cultures.»... Énoncé inoffensif si son ‎auteur n'avait fait le parallèle qui a miné son discours: En face de la raison (la raison moderne) qui ‎flanche devant la foi, il y a la foi (islamique) qui échappe à la Raison. Entre les deux, cette ‎théologie (catholique) qui réunit message biblique et pensée grecque.. ‎
Pour comprendre les réactions musulmanes aux propos du Pape, propos que le New York Times ‎‎ qualifie de «tragiques et ‎dangereux», je vous propose ici une lecture de l'exposé pontifical comprenant des remarques ‎essentiellement sur la forme.‎
Le fait de citer à trois reprises (au début, au milieu et à la fin de son exposé), l'empereur byzantin ‎Manuel II Paléologue qui, au XIVe siècle, accusait Mahomet d'avoir semé le Mal et l'inhumanité ‎pour avoir prôné la diffusion de son message par l'épée, ceci prouve que cette citation n'était pas ‎fortuite mais au contraire, ça a servi de référence polémique (très byzantine d'ailleurs) pour arriver ‎à l'affirmation de base suivante:‎

Partant véritablement de la nature intime de la foi chrétienne et, dans le même temps, de la nature ‎de la pensée grecque désormais fondue dans la foi, Manuel II pouvait dire : Ne pas agir " avec le ‎logos " est contraire à la nature de Dieu.‎

Et le souverain pontife d’ajouter en guise de conclusion :‎
" Ne pas agir selon la raison, ne pas agir avec le logos est contraire à la nature de Dieu ", a ‎déclaré Manuel II à son interlocuteur persan à partir de son image chrétienne de Dieu. C'est à ce ‎grand logos, à cette immensité de la raison, que nous invitons nos interlocuteurs dans le dialogue ‎des cultures. La retrouver nous mêmes à nouveau et toujours, c'est la grande tâche de ‎l'université.‎

D'où par ailleurs le très mince alibi de Benoît XVI qui, après coup, avance que «Ces (propos) ‎étaient en fait extraits d'un texte médiéval qui n'exprime en aucune façon ma pensée ‎personnelle». Surprenant non ! Quand, méthodiquement parlant, on sait qu'à l'opposé des ‎enquêtes ou reportages, l'emploi des citations dans une conférence, exposé, thèse ou étude, doit ‎être justifié, pourquoi le Pape a-t-il donc recouru à ce texte impérial qui "n'exprime en aucune ‎façon" sa "pensée personnelle"? Mais d'abord peut-on admettre cette allégation tardive? ‎Difficilement. Et c'est bien son texte à lui qui contredit ici ses dires. Commentant la première partie ‎de l'extrait, le Pape écrit: ‎
Je n'ai pas l'intention de développer ce thème au cours de cette leçon ; je voudrai m'arrêter sur un ‎seul point plutôt marginal dans la construction du dialogue dans son entier – qui dans le contexte ‎du thème " foi et raison " m'a le plus fasciné et qui servira de départ à mes réflexions sur ce ‎thème.

Certes, "départ" ne veut pas dire postulat. Il peut être contradictoire ou juste une occurrence. Mais ‎lorsqu'en fin de citation, le Pape conclut par:‎
La phrase décisive dans cette argumentation contre la conversion forcée est la suivante : agir de ‎manière déraisonnable est contraire à la nature de Dieu.‎

Là, il persiste et signe qu'il s'agit bien d'un extrait concordant, puisque l'argumentation de ‎l'empereur a bien servi de départ à ses réflexions sur le thème de son exposé. Si non, sa ‎conférence en entier n'exprimerait en aucune façon sa pensée personnelle! Du moment que ladite ‎phrase était "décisive dans cette argumentation" pourquoi le Pape ne s'est-il pas contenté d'elle ou ‎du moins, ne s'est-il pas démarqué des propos de l'empereur on y apportant ses réserves? ‎Voudrait-il cautionner indirectement le jugement abrupt de Manuel II envers Mahomet?! ‎
Sur ce point précis, certains ont lu l'extrait d'un œil politique et non pas théologique. Selon eux, ‎Benoît XVI est le Pape mais aussi un chef d'État, dès lors, il aurait bien voulu lancer un double ‎message, l'un à l'Iran (l'interlocuteur musulman de l'empereur est Perse) qui se trouve sur la ‎sellette pour son dossier nucléaire, et l'autre à la Turquie (anciennement Byzance) qui réclame ‎l'appartenance à l'Europe et à laquelle le Pape se rendra prochainement. De ma part je n'exclus ‎pas la dimension politique dans tout message spirituel, qu'il soit ancien ou récent. ‎
Méthodiquement encore, je dirais que Benoît XVI a écarté l'islam de son approche historique: En ‎face d'une chrétienté qui sans cesse évolue, l'Islam, dans son exposé, est figé dans sa période ‎initiale. L'exposé abonde de références historiques. J'en cite le passage suivant, où le Pape exalte ‎une entité géopolitique (l'Europe) fruit d'un long processus historique du christianisme :‎
Ce rapprochement intérieur mutuel qui s'est opéré entre la foi biblique et le questionnement ‎philosophique de la pensée grecque, est un fait d'une importance décisive non seulement du point ‎de vue de l'histoire des religions, mais aussi de celui de l'histoire universelle – un fait qui nous crée ‎encore aujourd'hui des obligations. Quand on constate cette rencontre, on ne peut guère s'étonner ‎que le christianisme, en dépit de son origine et de son important développement en Orient, ait fini ‎par trouver en Europe le lieu de son empreinte historique décisive. Nous pouvons dire à l'inverse : ‎cette rencontre, à laquelle s'est ajouté par la suite l'héritage romain, a créé l'Europe et reste le ‎fondement de ce qu'on peut avec raison appeler Europe.‎

Comme si le train de l'histoire ne s'arrête pas à toutes les stations de telle sorte qu'une théologie ‎peut cacher une autre. Certes le Pape n'est pas sensé lire l'histoire telle qu'elle est, mais telle que ‎son idéal spirituel l'exige. Mais encore, à partir du moment ou il établie un parallèle entre les ‎messages islamique et chrétien, comment néglige t-il l'évolution historique de l'islam ne serait-ce ‎que pour rendre à césar ce qui est à césar..‎
Est-ce que seulement avec "le droit de défendre par l'épée la foi qu'il (Mahomet) prêchait", droit ‎que l'empereur juge comme "chose mauvaise et inhumaine", que l'Islam avait pu durer 14 siècles ‎et cueillir près d'un milliard et demi d'adeptes?! Je n'ai pas l'intention de m'engager ici dans une ‎lecture comparative entre les théologies chrétienne et Islamique. Je laisse cela aux théologiens les ‎plus experts. Tout en restant dans le cadre historique, je dirais seulement qu'en face de l'époque ‎hellénistique, très chère au Pape, l'Islam était passé par des périodes non moins florissantes, non ‎seulement spirituellement mais aussi et surtout rationnellement. . ‎
À l'instar du contact hellénique entre chrétienté et pensée grecque, l'époque abbasside ‎‎ avait connu un contact similaire entre l'islam et cette même ‎pensée grecque. Où on a vu naître le mutazilisme qui s'est développé sur la logique et la ‎rationalité, et combine la foi islamique avec celles-ci, en montrant ainsi leur compatibilité. Ce ‎même contact s'était étendu à l'époque andalouse où ‎grâce à Averroès (Ibn Ruschd), penseur de la foi et de la ‎raison, l'Europe médiévale avait pu découvrir et comprendre Aristote. ‎
Avant de conclure, faut-il rappeler qu'à travers l'Histoire, pratiquement toutes les religions et les ‎idéologies, se sont servies de l'épée pour se maintenir, s'imposer et se propager. Le Pape connaît ‎surement très bien les guerres menées par l'empire byzantin sous l'empereur Julien contre la ‎Perse et sous Justinien Ier, contre les Vandales en Afrique du nord et contre les Ostrogoths; les ‎fameuses croisades; les massacres de la Saint-Barthélemy (voir photo) perpétrés par les ‎catholiques sur les protestants dans une période baptisée "guerres des religions"; l'inquisition; la conquête du ‎nouveau monde, où le fusil et la bible font bon ménage pour soumettre et christianiser les indiens ‎ou les décimer. Qui par ailleurs ne connaît pas les guerres menées par le communisme, en tant ‎qu'idéologie? ‎
Ceci dit, je ne cautionne aucunement le recours à la violence pour imposer telle ou telle doctrine.. ‎Mais l'exposé du Pape aurait pu éviter un paradoxe flagrant qui n'aiderait pas à réactiver un ‎dialogue islamo-chrétien longtemps entretenu par son prédécesseur Jean Paul II ‎
Enfin, parmi les plusieurs dizaines d'articles sur cet événement, j'ai repéré deux articles dans le ‎journal canadien Le Devoir, le premier est ‎intitulé "Contradictions papales et distanciations musulmanes", le deuxième, "Le pape a-t-il tort?"; je vous propose de les lire pour leur ‎pertinence.‎
RAFRAFI

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jeudi, 26 janvier 2006

La cage

medium_le_martinet_noir.3.jpgConduit sciemment d'urgence pour une hospitalisation heureusement de courte durée et de résultats qualifiés positivement (selon le jargon médical) de négatifs, un déroulement plus ou moins cohérent d'images, de paroles et de situations, m'escortait sous la vigilance de la douce main de ma compagne.
Pur hasard ou causalité sous-jacente, ce déroulement incluait un lien surprenant entre mon thorax (source de l'ennui escamoté) et une bribe à Victor Hugo, passée, juste la veille, sous mes yeux, disant: L'âme est le seul oiseau qui soutienne sa cage.
Et là, c'est bien ma cage thoracique qui allait flancher et traîner toute ma cage hugolienne vers une délivrance volatile...
Sans coq ni âne, le déroulement continue son allure intermittente, m'invitant, entre un feu rouge et un feu vert, à ruminer en bribes, quelques lectures et de la veille et de quelques mois passés; lectures, elles aussi étrangement non moins circonstancielles.
Comme pour éviter une vérité atrocement flagrante et navrante, cette rumination mentale ressemble à une sorte de gymnastique d'esprit ayant pour but de revivre pleinement l'instant, mais vraiment pleinement, avant de disparaître on ne sait ni comment ni pourquoi!!
Ainsi entre une prise de sang et une radio, l'image d'un Don Quichotte gisant par terre à côté de son compagnon Sancho, à la suite d'une "bataille" inégale contre des brigands, m'est revenue à maintes reprises. Certes, l'ardent souci de terminer le deuxième volume de cette saga épique de Cervantès, est revenu en plus fort dans ces moments de grande défaite individuelle, mais cette noblesse d'esprit chez Don Quichotte, contre toute force brute et aveugle, est aussi pour beaucoup dans cette rumination fortuite.
Vu la complexité des moments vécus entre un masque d'oxygène et un stéthoscope indiscret, d'autres lectures plus récentes et plus actuelles me sont revenues à l'esprit en fractions disparates mais paradoxalement cohérentes: une note très intéressante sur le référencement que j'ai lu la veille sur Le blog d'abondance. Là encore un souci virtuel de lieu, autrement dit, un souci d'exister sur une toile d'araignée planétaire, au moment où l'on risque sérieusement de la quitter pour toujours. Un autre souci, pour lequel j'ai entamé l'année dernière une série de sketchs (encore inachevés) pour un brillant one man show tunisien, m'est revenu là aussi par une note de Marc Griffon que j'ai lu récemment, sur son Blogabrac autour d'un thème qui m'est précieux : le Temps, en tant que notion très agréablement posée et inspirée à partir d'un tableau de Dali, intitulé: Les montres molles.
Outre les mots, lus ici et là, il y a les évènements qui en disent long sur l'état de l'oiseau et de la cage cette fois-ci planétaire. Comment au moment où, torse nu, je me colle contre la fraiche plaque radiographique, je m'empêche de penser à la vague de froid qui sévit depuis plusieurs jours à l'Est de l'Europe, faisant près de 300 morts et qui vient envelopper progressivement la France? Comment éviter par transition logique de penser à d'autres calamités qui naguère avaient démontré la triste fragilité humaine: Tsunami d'une allure biblique et séisme pakistanais dévastateur?!!
Entre les mots savamment accomplis par les écrivains, les bloggeurs et les écrivains-bloggeurs, d'une part, et le dernier mot dont dispose notre imprévisible globe, viennent les paroles qui font froid au dos et cette fois-ci de la part des plus grands d'entre nous les mortels: en me rhabillant pour quitter les urgences, un journal délaissé sur un banc m'interpelle par sa manchette parlant du discours Chiraquien sur la dissuasion nucléaire contre un éventuel ennemi terroriste, avec le titre sensationnel: la bombe de Chirac; comme si l'humanité n'a pas eu déjà son lot de champignons apocalyptiques!! Du coup un autre discours est venu s'y superposer, je l'ai entendu la veille dans un reportage américain reproduit par Al-jazeera, tenu par des dirigeants israéliens discutant du poids (en plusieurs centaines de kilogrammes) nécessaire pour tuer tel ou tel dirigeant palestinien avec un minimum de risque (inéluctable) de tuer en même temps, enfants, femmes et vieillards!! Le même reportage montre un dirigeant palestinien raconter sa rencontre avec le président américain Bush qui lui dit texto:

le Bon Dieu m'a dit: Georges, va en Afghanistan pour en finir avec les terroristes, et je l'ai fait avec succès, Georges va en Irak pour en finir avec le tyran de Bagdad, et je l'ai fait aussi avec succès, Georges va en Moyen Orient pour régler le problème palestinien, je finirai par y aller et je réussirai, soyez certains...

Je rève ou quoi?! dans quelle cage animalière vivons- nous, avant de m'inquiéter sur ma propre cage thoracique?
En rentrant chez moi, menu d'un diagnostic médical rassurant, je me suis posé l'amère question: Si l'oiseau de Hugo soutenait sa cage, celui de nos jours ne serait-il pas déjà atteint de grippe aviaire?
Quant à moi je me tiendrai à ce que dit Camus: L'important n'est pas de guérir, mais de vivre avec ses maux.

RAFRAFI

Illustration:
Le martinet noir-The swift (1994) par Arlette Steenmans
source: http://ourworld.compuserve.com/homepages/asteenmans/PT40....

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