d- Bravo Mitterrand (1/1996)
BRAVO MITTERRAND ET MERCI
«Tunis chante et danse» était le titre du documentaire de Frédéric Mitterrand, diffusé sur ARTE (le 28 janvier 1996) dans le cadre d’une soirée thématique sur la Tunisie. Un simple titre, ou plutôt un arbre qui cache une forêt! Car cela prête à prévoir une émission de type touristico-folklorique, et nous voilà devant un documentaire dense et enchantant.
Sa longue et riche fréquentation de la Tunisie (d’où, rencontres, soirées télé, saison tunisienne à Paris..) avait conduit la star du petit écran à nous offrir cette magnifique saga de documents nostalgiques, de commentaires aussi bien critiques et auto-critiques que poétiques et de témoignages sincères, touchants et parfois poignants. Il ne pouvait que de se laisser emporter par sa sensibilité artistique et son habilité de narrateur. Aux bribes, en noir et blanc, des premières actualités tunisiennes à l’époque colonialo-beylicale puis Bourguibienne, s’ajoutent les souvenirs tunisiens du petit Frédéric lors de sa première visite en Tunisie des années 50 en compagnie de son père. Tout ceci parsemé intelligemment dans un reportage lyrique et sensuel sur Tunis d’aujourd’hui.
Et pour ne pas tomber dans un égocentrisme narcissique à dimension exotique, le réalisateur de «Madame Butterfly» (film tourné par F. Mitterrand en Tunisie) n’a pas manqué dans ce documentaire à sa généreuse habitude qui consiste à fouiller dans les tiroirs de l’Histoire pour ressortir les trouvailles de terroir.
Ainsi bon nombre de vedettes autochtones, disparues ou encore vivantes, ont bénéficié de cet hommage d’outre-mer. Car vu de France, le paysage musical arabe se limite ou presque soit à l’image d’Oum Kalthum ou de Fayrouz, soit à la chanson du Rai, phénomène oranais, occidentalisé par Cheb Khaled. C’était grâce à Mitterrand que l’on a enfin découvert en France la célèbre algéro-égyptienne Warda et le syro-égyptien Farid Al Atrach, pour ne citer que ces deux là.
Un tel hommage, qui trouvera certes sa place dans la mémoire française, avait fait vibrer les immigrés tunisiens de la première heure qui auraient eu la chance de ne pas le manquer, et a donné à leurs enfants une certaine idée artistique de leur culture d’origine. Grâce à ce documentaire et aussi à l’hommage rendu par le même Mitterrand au poète Philippe Soupault, fondateur de Radio Tunis, la soirée thématique a bien rempli sa mission et ce malgré le film franco-¬tunisien «Bezness», signé Nouri Bouzid, qui selon Le Monde, mérite en effet un seul carré noir, et malgré le documentaire «Nuit de noces à Tunis», signé Kalthum Bornaz, qui était lamentable par la médiocrité de son témoignage.
Encore bravo Mitterrand et merci.
RAFRAFI
janvier 1996
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