j- La « Hogra » (12/2001)
La « Hogra »
Voilà encore un mot généré par l’émeute berbère de 2001 en Algérie et qu’un sociolinguiste algérien, lors d’une émission sur LCI, espère un jour voir intégrer LE ROBERT.
Pourquoi pas?
Naguère, l’Intifada, nom commun d’origine arabe (émeute populaire), devenu nom propre pour désigner la révolution des pierres des palestiniens, est déjà inséré dans les lexiques.
En pensant, semble-t-il, à l’Intifada, l’invité de LCI, voulait par sorte de projection inversée, palestiniser ce mot !
Admettons..
Faudrait-il néanmoins qu’il soit de par sa spécialité, aussi minutieux que LE ROBERT. Ainsi notre sociolinguiste se devrait-il de préciser l’origine du mot Hogra. Il s’est contenté de dire que c’est un mot algérien(!), en lui proposant trois significations nuancées qui tournent autour du sens initial du mot mépris. Or, Hogra, vient de l’arabe de haqara d'où ih’taqara (mépriser, vilipender..).
Si l’on se réfère au livre d'Henriette walter "Voyage des Mots" et au "Dictionnaires des mots français d’origine étrangère" du même auteur, on constatera que les limites entre les langues ne sont jamais imperméables, même entre les langues de familles différentes. Outre les centaines des mots (savants) d’origine arabe provenant principalement de l’espagnol depuis quelques siècles (ex: alcôve, algèbre, arsenal, azimut, café, chiffre, magasin, récif, romaine, satin, tarif, truchement, valise, zénith, zéro... etc.), il existe aussi, et que notre sociolinguiste se rassure, quelques mots français venus tout droit, de l’arabe dialectal algérien, et ce par le fait du passé colonial français en Algérie (ex: baraka, bled, burnous, clebs, fellah, Kabyle, toubib, salamalec). Mieux encore, et toujours selon walter, il existe même des mots français d’origine purement berbère: couscous, gourbi, merguez, sagaie, zouave.
Qu’il soit berbère ou arabe, un sociolinguiste devrait être scientifiquement honnête. La revendication d’ordre socioculturelle à dimension politique, ne devrait pas masquer des réalités historiques évidentes. Or le fait de ne pas mentionner l’origine arabe du mot hogra, utilisé par les kabyles, c’est nier la parenté linguistique (donc culturelle) entre les deux langues, arabe (sémitique) et le libyco-berbère (chamito-sémitique). Parenté qui se manifeste aussi par tant de familles arabes maghrébines d’origine berbère qui gardent toujours leurs noms ancestraux tels que notamment les familles Mazigh et Mezgheni, dérivés de Amazigh.
Entre Amazigh (du berbère: Hommes libres) et kabyles (de l’arabe qabe’il: tribus) les autochtones de l’Algérie dont les ancêtres étaient baptisés Libyques (d’où la Libye) par les grecs puis barbares (étrangers) d’où berbères par les Romains, ont encore du pain sur la planche du salut identitaire avant de penser à exporter un mot arabe en Europe.
RAFRAFI
12/2001
N.B. (2006)
Dans Wikipédia, l'encyclopédie électronique, on trouve une définition qui manque de précision, comme suit: "hogra: mépris (en dialectal algérien), terme utilisé par le mouvement démocratique algérien à partir de 2001 pour désigner l'attitude des autorités vis-à-vis du peuple"
Source: http://fr.wikipedia.org/wiki/Vocabulaire_politique_arabe
Publié dans Dits et Inédits | Lien permanent