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h- Corpus Christi (4/1997)

Corpus Christi et l’Islam

La saga biographique de Jésus Christ, diffusée au mois de mars 1997, en 12 épisodes sur la 5ème et ARTE, sous le titre de Corpus Christi, aurait été encore plus intéressante, si ses réalisateurs Gérard Mordillât et Jérôme Prieur y avaient invité ne serait-ce qu'un seul spécialiste en Islam.
Sur les 30 spécialistes de la Bible, entre chrétiens (catholiques et protestants) et juifs, ayant participé à cette série, la participation de spécialiste islamique aurait levé encore un autre tabou que ceux évoqués par H. TINCQ (Voir TRM du 6 au 12 avril 1997). Ce dernier aurait pu combler cette lacune cathodique par une interview avec un imam ou du moins un islamologue, qui s’ajouterait à celles effectuées autour de cette série (Voir TRM susmentionné) avec un juif, un catholique et un protestant (tous prêtres).
Bien que postérieur aux Evangiles d’environ 6 siècles et demi, le Coran, dans lequel le nom de Jésus (al Massih ibn Maryam: Le Christ fils de Marie) est cité presque une centaine de fois (sans parler de la Sourate de Marie qui reprend le récit surnaturel de la Nativité) constitue un texte d’une valeur historique non moins éloquente que celle du Saint Suaire de Turin, découvert 6 siècles plus tard, soit 12 siècles après J.C.
Il est vrai que la version coranique du Christianisme contredit celle des Evangiles essentiellement sur deux points: 1) Le Coran n’approuve pas la divinité de Jésus. Mais Jésus est Sujet de Dieu (abdallah), Son Messager (rassoule‘hou), Sa Parole (Kalimatou’ hou) et un Esprit émané de Lui (Rouhoun minhou), (Voir Verset 170, Sourate des Femmes). 2) Elevé aux cieux, et non pas mort, Jésus a échappé à la crucifixion que l’on a infligé, par erreur, à un sosie (Versets de 156 à 159 de la même Sourate). Dès lors, la thèse coranique pouvait servir de référence comparative non négligeable pour une telle démarche analytique, aussi emblématique qu’anatomique que représente Corpus Christi.
A l’instar des récits évangéliques, le texte coranique (Parole divine pour les musulmans) se situe dans la même lignée des textes bibliques de par sa symbolique et sa teneur narrative. D’où l’importance de donner à l’Islam, religion elle aussi monothéiste et largement représentée en Europe, la possibilité d’apporter au puzzle Christologique d’autres pièces manquantes.
Du moment où on invite les juifs, naguère taxés par le Saint Siège de déicides, à apporter leur propre lecture sur Jésus, il s’avère donc plausible, et toujours par souci méthodologique, connaître la version musulmane quant à la légende du Rédempteur, porteur d’un message, alors pour la première fois, universel.
Ainsi Corpus Christi ou (où) le Christianisme qui ( • • ) se pense, aurait pu rendre à César ce qui est à lui, mais garder ce qui pourrait relier (du latin "religare" d'où religion) les consciences des croyants d’une même descendance spirituelle, y compris ceux embarqués dans un conflit importé en Terre Sainte.
RAFRAFI
Avril 1997
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Ci-après le synopsis de la série Corpus Christi établi par ARTE suivi d'une critique de Jean-Pierre Lemonon portée sur ladite série. Vous constaterez que ni le synopsis ni la critique, ne font allusion ni de loin ni de près, à cette troisième dimension monothéiste que représente l'islam, dans ce panorama christologique.
RAFRAFI

synopsis
Corpus Christi (1997). Tous les dimanches du 3 avril au 19 juin 2005 sur la TNT. Série documentaire en 12 épisodes. Réalisée par Gérard Mordillât et Jérôme Prieur. Coproduction: ARTE France, Archipel 33

Corpus Christi
Tous les dimanches du 3 avril au 19 juin 2005, retrouvez à 12.35 sur la TNT, un épisode de cette magistrale série documentaire, qui propose une exploration minutieuse de la Passion du Christ telle que la relate l'Évangile selon Jean, en compagnie des plus grands chercheurs internationaux.
Une série documentaire en 12 épisodes de Gérard Mordillât et Jérôme Prieur, diffusée précédemment en 1997.
3 avril 2005
1. Crucifixion
L’image du Christ en croix est universellement connue. Mais sommes-nous certains de bien connaître le déroulement de son exécution, et la façon dont la crucifixion était pratiquée ?
10 avril 2005
2. Jean le Baptiste
D‘où vient Jésus ? Comment le situer dans le judaïsme de son temps, parmi les mouvements de réforme qui s‘expriment aux alentours du premier siècle ?
17 avril 2005
3. Temple
Pour Jésus comme pour tous les Juifs de son temps, le temple de Jérusalem est l’endroit le plus sacré de la terre d’Israël : c’est là que Dieu manifeste sa présence. Mais l’occupation par les Romains de la Palestine force les grands prêtres à accepter un marché : le Temple demeure une enclave où ils sont libres de pratiquer leur religion, tandis que le reste du pays passe sous l’autorité impériale. Cela est-il acceptable par les Judéens, par les Galiléens ? Qui sont les grands prêtres : des juifs religieux ? Des collaborateurs ? Qu’est ce qui oppose les pharisiens et les sadducéens ? Comment Jésus se situe-t-il face à ces deux groupes religieux ?
24 avril 2005
4. Procès
Selon le récit des Évangiles synoptiques, Jésus a été jugé et condamné de nuit par le sanhédrin (l’autorité juive) parce qu’il se disait fils de Dieu. Les experts jugent peu probable cette version à laquelle l’Évangile selon Jean oppose un autre récit…
1er mai 2005
5. Barabbas
Selon les évangiles, d‘autres Juifs sont arrêtés en même temps que Jésus. Deux d'entre eux sont crucifiés, un troisième est libéré, Barabbas.
8 mai 2005
6. Roi des Juifs
Le "titulus", c'est-à-dire l'inscription placée sur la croix et portant la mention "Jésus le Nazôréen, roi des Juifs" serait-il l'écrit le plus ancien se rapportant à l'histoire de Jésus ? Malgré les différences entre eux, tous les évangélistes s'accordent par ailleurs sur le terme "Roi des Juifs" pour qualifier Jésus. Aurait-il été exécuté avant tout pour des motifs politiques ? Cette prétention royale qui ne pouvait qu'être un défi pour le pouvoir impérial romain était-elle revendiquée par Jésus ? Le royaume auquel aspirait Jésus était-il de ce monde ou ne l'était-il pas ? Le royaume de Dieu était-il le royaume d'Israël ?
15 mai 2005
7. Judas
L'évangile selon Jean mentionne 70 ou 71 fois les "Juifs“... Mais qui sont les Juifs dans ce texte ? Le peuple juif tout entier, les chefs du peuple ou plus étroitement les "Judéens“, c‘est à dire les habitants de la Judée ? Les uns et les autres étant désignés sous un seul terme grec "ioudaïoï"...
22 mai 2005
8. Pâque
Savons-nous quel jour est mort Jésus ? Quelle année ? En 30? En 33 ? Plus tard... Selon l'évangile de Jean, Jésus est mort le jour de la Pâque juive. Pour les évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc), la crucifixion aurait eu lieu au contraire la veille. Les récits de la Passion sont, par ailleurs, réputés être les textes les plus primitifs des évangiles. Sont-ils donc les plus historiques ?
29 mai 2005
9. Résurrection
Que se passe-t-il après la mort de Jésus sur la croix ? Pourquoi les disciples ne sont-ils pas persécutés à leur tour par les Romains ? Pourquoi restent-ils à Jérusalem ? Attendent-ils son retour imminent, c‘est à dire la fin des temps qui marquera aussi la fin de la domination romaine ou la résurrection de leur maître ? Jésus lui-même s‘attendait-il à ressusciter ?
5 juin 2005
10. Christos
Pour les chrétiens, Jésus se confond avec Jésus-Christ. Dans le texte des évangiles, Jésus est appelé "Christ" comme traduction grecque de l'hébreu "messie", "oint de Dieu". Jésus n'est-il pas devenu "Christos" "Jésus-Christ" qu'après sa mort? Combien d'années séparent Jésus le nazoréen, le prophète galiléen de Jésus-Christ, le christ universel et hellénisant ? Comment cette métamorphose va-t-elle coïncider avec la sortie du judaïsme ?
12 juin 2005
11. Le Disciple bien aimé
De quand datent les papyrus les plus anciens de l‘évangile selon Jean ? Pourquoi ont-ils tous été retrouvés en Égypte et aucun en Palestine ? Pourquoi son texte a-t-il suscité des centaines de variantes avant que l‘état que nous connaissons aujourd‘hui ne soit fixé ?
19 juin 2005
12. Selon Jean
Comment expliquer que l‘évangile selon Jean soit à la fois une grande pièce de littérature et un texte semé d‘anomalies voire de contradictions ? Pourquoi le quatrième évangile est-il parfois perçu comme « le père de l‘antisémitisme » ? Est-ce Jésus qui s‘adresse aux hommes de son temps ou l'évangéliste qui, une, deux ou trois générations plus tard, parle à ceux du sien au moment même où le christianisme va naître du judaïsme et s‘en séparer ?
Source: http://www.arte-tv.com/fr/histoire-societe/archives
/origine-christianisme/Corpus_20Christi/829028.html
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Après "Corpus Christi"
par Jean-Pierre Lemonon

Du mardi 25 mars au samedi 29, la chaîne de télévision Arte a proposé à une heure de grande écoute cinq soirées présentées sous le titre Corpus Christi (1). Cette série est une œuvre de G. Mordillat et J. Prieur. Ces derniers l'ont réalisée à partir d'entretiens qu'ils ont eus avec des chercheurs, historiens, exégètes, linguistes de différents pays, de confessions et de religions différentes. Quand elle sera totalement déployée, l'œuvre comprendra douze séquences; cinq en ont déjà été présentées : Crucifixion, Procès, Roi des Juifs, Pâque, Christos. L'émission met en scène sous toutes ses coutures un bref passage de l'évangile de Jean (19,17-22). Corpus Christi se veut une enquête sur l'écriture des évangiles. Les réalisateurs ont été surpris par l'actualité de ce texte et la qualité de ses procédés littéraires(2). "Chaque film crée un suspense comparable à celui d'un épisode de Columbo, et cela parce qu'il répond à un besoin humain : le besoin de douter, de poser des questions, d'écouter et de choisir une réponse" (3).
Quotidiens et magazines ont largement annoncé l'émission. Le lundi 24 mars, Le Monde donnait le ton : "L'affaire Jésus. Qui était le Christ ? Qui l'a condamné, qui l'a tué ? Pour la Semaine sainte, Arte présente une série dépouillée dans sa forme, passionnante par son sujet, qui plonge aussi aux sources de l'antisémitisme. Historiens et savants mènent une enquête quasi policière." Libération annonçait : "Arte dissèque le corps du Christ" (4). Chaque jour ce journal faisait une brève présentation de la séquence projetée. Il n'est point surprenant que l'annonce de Corpus Christi fût bien orchestrée du côté chrétien par La Croix et Télérama. Mais L'Humanité elle-même n'était pas en reste. Même si les présentations étaient diverses, l'émission était accueillie avec enthousiasme. Un vent neuf soufflait. En effet, en France, en dehors des émissions religieuses du dimanche matin, il n'est pas courant qu'une chaîne de télévision programme pendant cinq soirées une œuvre qui aborde de manière précise des questions concernant le Jésus de l'Histoire.
L'émission a connu un grand succès. Arte a failli battre son record d'audience, avec une moyenne de 7% de parts de marché (5). Malgré une mise en scène qui ne recherchait pas la facilité, plusieurs millions de personnes ont suivi l'un ou l'autre épisode; plus d'un million ont regardé l'ensemble du programme. Sur le plan esthétique, l'accueil des critiques fut favorable. "Corpus Christi restera comme l'un des grands moments de télévision de la décennie"(6), une œuvre portée "par un souffle, une nécessité, une époque ou les trois à la fois"(7).
Dans certains milieux catholiques (8), à l'enthousiasme provoqué par l'annonce de l'émission a succédé un certain désenchantement. En effet, Arte a un style exigeant. Or nombre d'auditeurs occasionnels auraient souhaité que l'émission soit plus facile, que Corpus Christi donne à voir des lieux, des paysages, une histoire suivie; or un texte était lu, mis en évidence, ausculté. Malgré tout, beaucoup ont dépassé l'effet d'austérité. Évoquant le nombre important de personnes qui suivirent une émission qui renvoie le téléspectateur à ses propres questions, G. Jurgensen s'interroge sur les raisons d'une telle fidélité et note : "Parce que tous reconnaissent sur l'écran, dans ces moments-là, une télévision à leur image" (9).

Un doute, des réponses plurielles

Attirés par la présentation chaleureuse des médias, des catholiques ont commis une erreur quant à l'identité de l'émission : ils souhaitaient y trouver une présentation des évangiles telle qu'on peut l'avoir dans le cadre d'un organisme chrétien de formation. Ils espéraient un débat; or ils rencontraient des visages et quelques énigmes. Certains ont même parlé de "publicité mensongère" de Télérama qui avait loué l'émission sans la moindre réserve. En fait, tout était dit, mais sous une forme inattendue : chaque téléspectateur disposait d'arguments et devait répondre lui-même aux questions qui lui venaient à l'esprit.
Corpus Christi est construit autour de quelques questions clés. On ne donne pas la bonne réponse, on livre plusieurs opinions, on les fait jouer les unes par rapport aux autres. Un doute méthodique est introduit. Le téléspectateur, impressionné par les divergences des textes évangéliques qu'il n'avait pas relevées auparavant, se met à douter; il ne perçoit plus les convergences fondamentales admises par une grande partie des participants. Prenons l'exemple de l'imputabilité de la mort de Jésus de Nazareth. Il faut distinguer la responsabilité d'ordre juridique et celle de type moral. Seuls les grands prêtres et ceux qui leur étaient proches ont voulu la mort de Jésus. Les évangiles, et en particulier celui de Jean, prolongeant un débat dont les origines sont à l'intérieur de la communauté juive, accusent les "Juifs"; ils opèrent ainsi une généralisation qui ne sera pas sans conséquence au cours de l'histoire. L'honnêteté des réalisateurs les conduisit à donner la parole à un chercheur qui insinua la responsabilité globale des Juifs. Mais, dans le même temps, plusieurs prises de parole rappelaient l'effet de loupe produit par le texte évangélique.

Dissonances à l'intérieur du peuple chrétien

L'œuvre invitait à un effort d'intelligence. En entendant le discours de ces savants, il devenait évident qu'on pouvait être parfaitement croyant et ne pas pratiquer la politique de l'autruche. La violence de certaines réactions étonne l'observateur. Un lecteur se demande comment un journal sérieux comme Le Monde a pu s'arrêter à des sujets sans intérêt et mettre en valeur une "fumisterie", car "l'étude des origines du christianisme est monopolisée par des "milieux chrétiens"(10). L'émission a reçu un accueil favorable de la part de responsables ecclésiaux, d'exégètes et de la rédaction du journal La Croix qui revint à plusieurs reprises sur l'émission. Selon P. Eyt, archevêque de Bordeaux, Corpus Christi "montre, sans l'avoir explicitement recherché, que Jésus a véritablement existé" (11), et les convergences dans les recherches, telles qu'elles apparaissaient dans l'émission, sont nombreuses. Il souhaite simplement que les réalisateurs aillent plus loin et s'interrogent sur l'événement qui a "déclenché le séisme inaugural qui conduit à cette forme totalement nouvelle de foi biblique qui s'appellera plus tard christianisme". Cette question est d'ailleurs amorcée dans la séquence "Christos", qui se demande comment on est passé du messie juif au christ universel. De même les exégètes qui se sont exprimés sur l'émission ont apprécié et tenté d'éclairer le grand public sur les débats actuels. S. Légasse et E. Cothenet (12) ont réagi avec bienveillance. Par contre, nombre de chrétiens s'affirmèrent offensés dans leur foi face aux doutes et questions soulevées. Certains, dès les premières minutes, fermèrent leur poste en entendant évoquer une hérésie ancienne selon laquelle Simon de Cyrène avait été crucifié à la place de Jésus.
Il ne faut pas confondre la maladie, le diagnostic et les remèdes offerts pour la guérison. Il suffit d'ouvrir les évangiles pour constater des différences importantes entre les récits synoptiques de la Passion et le texte de Jean; ce ne sont pas les intervenants ou les réalisateurs qui créent les difficultés, mais les textes eux-mêmes. Les évangiles synoptiques et le récit de Jean donnent des indications différentes quant à la date de la crucifixion de Jésus. Aussi "les meilleurs auteurs se partagent [-ils] entre le point de vue des Synoptiques [le jour de la Pâque] et celui de Jean [la veille de la Pâque]"(13). Cette dissonance textuelle fut renforcée par la prise de parole de deux chercheurs selon qui l'arrestation de Jésus se serait produite à l'occasion de la fête des Tentes en automne (14).

Ruptures culturelles

Malgré les nombreuses entreprises de formation réalisées aujourd'hui dans l'Eglise de France, la rupture est évidente entre une culture qui a parfaitement assimilé l'approche critique des textes et l'ensemble du peuple chrétien qui n'a pas pris acte de la mesure des questions soulevées. Cette situation est parfaitement illustrée par l'homélie radiodiffusée prononcée par le P.Bro le 30 mars et les réactions apparues au courrier de La Croix. Ce quotidien a offert des articles sereins permettant d'approfondir l'émission; or toutes les lettres publiées par ce journal témoignent d'une inquiétude ou sont hostiles à l'émission. Pour un grand nombre de chrétiens, toute approche critique des évangiles est ressentie comme une atteinte à la foi. Or il faut distinguer critique historique et réflexion croyante, afin de mieux les féconder l'une par l'autre.
Le Figaro a orchestré la campagne dirigée contre Corpus Christi (15). Selon F.-X. de Guibert, l'émission aurait donné la parole à une seule école quant à la formation des évangiles et à leur datation. Mais il se garde bien de donner des arguments et de rappeler que ceux qui ont été avancés par J. Carmignac, C. Tresmontant ou C. P. Thiede ont été réfutés depuis longtemps (16).
Que peut faire l'Eglise face à une telle situation ? Accompagner l'événement semble la solution la plus raisonnable et la meilleure. Il ne s'agit pas de porter l'anathème ou d'avoir une louange facile. Accompagner, c'est-à-dire montrer les enjeux d'un tel débat, c'est ce que firent le cardinal Eyt dans Sud-Ouest, Mgr G. Defois (17),
Mgr R. Boucheix et différents intervenants dans La Croix. A un niveau local, d'heureuses initiatives furent prises : des animateurs bibliques ont proposé dans des paroisses de regarder l'une ou l'autre séquence et tenté de cerner les questions soulevées.

Une parole nouvelle sur le judaïsme

La mise en valeur de divergences entre les textes évangéliques troubla nombre de téléspectateurs, mais, en outre, beaucoup de chrétiens furent mal à l'aise en raison du regard serein que l'émission portait sur le judaïsme. Le trouble ressenti par certains fut d'autant plus fort que, dans plusieurs interviews, les réalisateurs insistaient sur le poids qu'eurent les textes évangéliques sur l'antisémitisme. Ils entretenaient d'ailleurs une confusion entre l'antijudaïsme, qui a incontestablement des racines chrétiennes, et l'antisémitisme, qui relève d'un registre différent, même si l'une et l'autre attitude ne sont pas sans rapport. L'outrance des titres donnés par les journaux aux interviews des réalisateurs – "Enquête sur l'origine de l'antisémitisme"(18); "Sur un pronom personnel s'est joué le malheur des Juifs"(19) – donnait l'occasion au Figaro de publier un article qui ne faisait pas justice au contenu de l'émission et trahissait la pensée des réalisateurs(20). Par contre, J. Dujardin offrit une mise au point brève et précise (21). En ce domaine de la responsabilité juive dans la mort de Jésus, on perçoit là encore une distance entre le discours officiel de l'Église catholique (22) et la pensée de bon nombre de chrétiens (23). Que des savants lavent l'ensemble des Juifs du 1er siècle de l'accusation d'avoir mis à mort Jésus de Nazareth trouble encore nombre de chrétiens. Et pourtant les évangiles le manifestent clairement. Les Pharisiens, adversaires de Jésus pendant son ministère, disparaissent de la scène au moment de la condamnation de Jésus, tandis que les grands prêtres occupent la première place. L'évangile de Luc, en particulier, n'hésite pas à montrer qu'au moment de la Passion le peuple est favorable à Jésus.
Grâce à sa large audience et aux débats provoqués, Corpus Christi a incontestablement marqué une étape dans la mise en œuvre de dossiers importants pour l'Église de France; ces derniers ont été ravivés et sont apparus sur la place publique. Même si la vulgarisation biblique tient déjà une grande place, une pastorale de l'intelligence doit être développée, car nombre de chrétiens ont manifesté que la foi mettait parfois "l'intelligence en veilleuse". Corpus Christi a aussi montré que la nouveauté de Vatican II face au judaïsme était loin d'avoir atteint les cœurs et les intelligences de tout le peuple chrétien. Il ne faudrait pas que l'accueil fort réservé de certains milieux catholiques fasse oublier que nombre de personnes, chrétiennes ou non, ont été séduites par le sérieux de l'émission et le poids que prenaient et les évangiles et la figure de Jésus de Nazareth.
Jean-Pierre Lémonon
Université Catholique de Lyon
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1. Cinq livrets publiés par Mille et une Nuits complètent l'émission. Selon le réseau des librairies La Procure, ils figurent parmi les meilleures ventes des derniers mois.
2. Libération, 25 mars 1997. Pour la rédaction de cet article, j'ai bénéficié de la revue de presse mise à ma disposition par G. Mordillat et J. Prieur. Je fais aussi écho à des entretiens individuels. Je m'en tiens aux réactions suscitées en France.
3. J.Berger, Le Monde Diplomatique, avril 1997.
4. 25 mars 1997.
5. Libération, 29 mars. Seule l'émission sur les prostituées réalisée par Mireille Dumas voici cinq ans a fait mieux.
6. D.Schneidermann, Le Monde, 31 mars.
7. Op. cit.
8. Nous analysons essentiellement les réactions suscitées dans les milieux catholiques; il n'est pas sans intérêt de remarquer que les milieux réformés ne réagirent pas de manière émotionnelle à Corpus Christi.
9. La Croix, 1er avril.
10. Le Monde, 7 avril. L'émission montrait exactement l'inverse, puisque des personnes de confession israélite intervenaient et apparaissaient comme telles. Personne n'est prêt d'oublier les remarquables interventions de D. Schwartz et l'enthousiasme de M. Bar Asher.
11. Sud-Ouest, 23 mars. A la suite de la lecture des livrets, R. Boucheix, archevêque d'Avignon, a publié un article intitulé "Jésus dans l'histoire", Eglise d'Avignon, 3 mai; tel un pasteur, en distinguant bien les genres, il accompagne l'événement avec lucidité.
12. La Croix, 12 et 24 avril.
13. E. Cothenet, La Croix, 24 avril.
14. Cette hypothèse peu fondée manifeste cependant les différences entre Jean et les évangiles synoptiques quant à la place de la fête des Tentes dans le ministère de Jésus; les Synoptiques y font à peine allusion (Mc9,2; 11,8), tandis que le 4e évangile lui accorde plusieurs chapitres (Jn 7,1-10,21).
15. Lundi 31 mars.
16. Voir P. Grelot, Evangiles et tradition apostolique, Le Cerf, 1984; L'origine des évangiles, Le Cerf, 1986; ou, plus récemment, G. Stanton, Parole d'évangile ?, Le Cerf, 1997.
17. A l'émission Arrêt sur image et dans Le Pèlerin Magazine, 2 mai 1997.
18. L'Humanité, 25 mars.
19. Le Monde, 24 mars.
20. Le Figaro, 31 mars.
21. La Croix, 12 avril.
22. Voir, par exemple, le discours du pape Jean-Paul II en date du 11 avril 1997 à l'adresse de la Commission biblique pontificale, ou la note récente sur la lecture de l'Ancien Testament due au Comité épiscopal pour les relations avec le judaïsme.
23. En renvoyant à l'émission Arrêt sur image du 30 mars, consacrée à Corpus Christi, un correspondant de La Croix évoque "un évêque embarrassé (G. Defois) et un rabbin jubilant (J. Eisenberg)", alors que l'évêque se voulut honnête, et le rabbin heureux que justice soit rendue à Israël.
Source : http://perso.wanadoo.fr/assas-editions/et/lemonon.htm

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