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jeudi, 26 janvier 2006

La cage

medium_le_martinet_noir.3.jpgConduit sciemment d'urgence pour une hospitalisation heureusement de courte durée et de résultats qualifiés positivement (selon le jargon médical) de négatifs, un déroulement plus ou moins cohérent d'images, de paroles et de situations, m'escortait sous la vigilance de la douce main de ma compagne.
Pur hasard ou causalité sous-jacente, ce déroulement incluait un lien surprenant entre mon thorax (source de l'ennui escamoté) et une bribe à Victor Hugo, passée, juste la veille, sous mes yeux, disant: L'âme est le seul oiseau qui soutienne sa cage.
Et là, c'est bien ma cage thoracique qui allait flancher et traîner toute ma cage hugolienne vers une délivrance volatile...
Sans coq ni âne, le déroulement continue son allure intermittente, m'invitant, entre un feu rouge et un feu vert, à ruminer en bribes, quelques lectures et de la veille et de quelques mois passés; lectures, elles aussi étrangement non moins circonstancielles.
Comme pour éviter une vérité atrocement flagrante et navrante, cette rumination mentale ressemble à une sorte de gymnastique d'esprit ayant pour but de revivre pleinement l'instant, mais vraiment pleinement, avant de disparaître on ne sait ni comment ni pourquoi!!
Ainsi entre une prise de sang et une radio, l'image d'un Don Quichotte gisant par terre à côté de son compagnon Sancho, à la suite d'une "bataille" inégale contre des brigands, m'est revenue à maintes reprises. Certes, l'ardent souci de terminer le deuxième volume de cette saga épique de Cervantès, est revenu en plus fort dans ces moments de grande défaite individuelle, mais cette noblesse d'esprit chez Don Quichotte, contre toute force brute et aveugle, est aussi pour beaucoup dans cette rumination fortuite.
Vu la complexité des moments vécus entre un masque d'oxygène et un stéthoscope indiscret, d'autres lectures plus récentes et plus actuelles me sont revenues à l'esprit en fractions disparates mais paradoxalement cohérentes: une note très intéressante sur le référencement que j'ai lu la veille sur Le blog d'abondance. Là encore un souci virtuel de lieu, autrement dit, un souci d'exister sur une toile d'araignée planétaire, au moment où l'on risque sérieusement de la quitter pour toujours. Un autre souci, pour lequel j'ai entamé l'année dernière une série de sketchs (encore inachevés) pour un brillant one man show tunisien, m'est revenu là aussi par une note de Marc Griffon que j'ai lu récemment, sur son Blogabrac autour d'un thème qui m'est précieux : le Temps, en tant que notion très agréablement posée et inspirée à partir d'un tableau de Dali, intitulé: Les montres molles.
Outre les mots, lus ici et là, il y a les évènements qui en disent long sur l'état de l'oiseau et de la cage cette fois-ci planétaire. Comment au moment où, torse nu, je me colle contre la fraiche plaque radiographique, je m'empêche de penser à la vague de froid qui sévit depuis plusieurs jours à l'Est de l'Europe, faisant près de 300 morts et qui vient envelopper progressivement la France? Comment éviter par transition logique de penser à d'autres calamités qui naguère avaient démontré la triste fragilité humaine: Tsunami d'une allure biblique et séisme pakistanais dévastateur?!!
Entre les mots savamment accomplis par les écrivains, les bloggeurs et les écrivains-bloggeurs, d'une part, et le dernier mot dont dispose notre imprévisible globe, viennent les paroles qui font froid au dos et cette fois-ci de la part des plus grands d'entre nous les mortels: en me rhabillant pour quitter les urgences, un journal délaissé sur un banc m'interpelle par sa manchette parlant du discours Chiraquien sur la dissuasion nucléaire contre un éventuel ennemi terroriste, avec le titre sensationnel: la bombe de Chirac; comme si l'humanité n'a pas eu déjà son lot de champignons apocalyptiques!! Du coup un autre discours est venu s'y superposer, je l'ai entendu la veille dans un reportage américain reproduit par Al-jazeera, tenu par des dirigeants israéliens discutant du poids (en plusieurs centaines de kilogrammes) nécessaire pour tuer tel ou tel dirigeant palestinien avec un minimum de risque (inéluctable) de tuer en même temps, enfants, femmes et vieillards!! Le même reportage montre un dirigeant palestinien raconter sa rencontre avec le président américain Bush qui lui dit texto:

le Bon Dieu m'a dit: Georges, va en Afghanistan pour en finir avec les terroristes, et je l'ai fait avec succès, Georges va en Irak pour en finir avec le tyran de Bagdad, et je l'ai fait aussi avec succès, Georges va en Moyen Orient pour régler le problème palestinien, je finirai par y aller et je réussirai, soyez certains...

Je rève ou quoi?! dans quelle cage animalière vivons- nous, avant de m'inquiéter sur ma propre cage thoracique?
En rentrant chez moi, menu d'un diagnostic médical rassurant, je me suis posé l'amère question: Si l'oiseau de Hugo soutenait sa cage, celui de nos jours ne serait-il pas déjà atteint de grippe aviaire?
Quant à moi je me tiendrai à ce que dit Camus: L'important n'est pas de guérir, mais de vivre avec ses maux.

RAFRAFI

Illustration:
Le martinet noir-The swift (1994) par Arlette Steenmans
source: http://ourworld.compuserve.com/homepages/asteenmans/PT40....

00:20 Publié dans Pensée | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook | |

Commentaires

Bonjour, me voici de retour... Je n'ai pas abandonné la blogosphère. Je viens vous rendre visite comme à l'accoutumée, quand j'ai un peu de temps. Votre note est intéressante. Je l'aime parce que sous un apect hiératique, la note est cohérente, solide, interpellante. Tout ce que j'aime lire, en somme.

A bientôt... sur ici et blogabrac !

Écrit par : MG | dimanche, 29 janvier 2006