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vendredi, 13 avril 2012
Adios Mon Bella
Ce n’est pas pour faire rimer Ben Bella avec Mandela, quoique, à mon sens, le chef historique de la révolution algérienne, qui vient de quitter ce bas monde (le 11, courant), était bel et bien le Mandela arabe.
Presque du même âge, ils se partageaient certaines valeurs révolutionnaires mais des péripéties aussi : Résistance-détention-présidence pour Mandela, Résistance-présidence-détention pour Ben Bella.
Mais enfin Ben Bella libéré, et ce depuis 22 ans, au bout desquels ce fils de paysans berbères d’origine marocaine, arrive sagement à récupérer en 2007 son titre de président non pas de l’Algérie mais, à juste titre, du Groupe des sages de l'Union africaine.
Je n’ai pas l’intention de retracer ici la vie légendaire d’Ahmad Ben Bella. Elle est suffisamment connue par beaucoup, sinon elle est d’ores et déjà numériquement à la portée de tous. Mais seulement, et en guise d’hommage, j’essaie de tracer juste quelques traits de son portrait que je me faisais de lui depuis mon très jeune âge.
Pour le Tunisien que je suis, le portrait du leader Algérien ajoutait une touche saillante au paysage d’allégresse à l’aube des indépendances arabes au début des années 60. À côté d’un Bourguiba ou d’un Nasser, Ben Bella semblait à mes yeux plus jeune plus fougueux et plus ambitieux. Son arabisme était plus à gauche que le nassérisme, de même pour son modernisme par rapport au bourguibisme.
À cette époque là, mon âge ne me permettait pas de distinguer les nuances idéologiques des nouveaux régimes en place. Mais plus tard j’ai réétudié cette époque des années soixante et constaté que l’enthousiasme patriotique postcolonial commençait de céder la place à la consternation due aux soubresauts politico-militaires nationaux. À commencer par l’emprisonnement de Ben Bella en 1965, à la suite d’un coup d'État mené contre lui par le colonel Houari Boumédiène. L’arabisation, tous-azimuts, de l’Algérie « imposée » par le pan-arabiste Ben Bella, ne plaisait pas aux plus chauvins des algériens. C’était l’une des raisons de ce putsch.
La consternation battait son plein avec la défaite arabe devant Israël en 1967, suivie par le « Septembre Noir » des palestiniens en Jordanie, ensuite par le décès de Nasser (en 1970) et l’échec de l’expérience socialiste en Tunisie sous Bourguiba. Pour ne citer que les événements régionaux les plus marquants.
Tout au long des années 70 le « trou noir » de la politique arabe n’a cessé de s’élargir. Et ce malgré la volonté d’un autre colonel, libyen cette fois-ci, qui voulait en profiter pour réincarner à la fois Nasser et Ben Bella. Mais le sort fatal qu’il a subi l’an dernier explique bien sa longue et fausse démarche.
Alors que Ben Bella, avait pu tirer profit de son long emprisonnement (15 ans), en se livrant à la lecture et de la pensée arabe et islamique, ancienne et contemporaine, et de la pensée occidentale postmoderniste dont entre autres celle de Michel Foucault. Il en est sorti (en 1980) muni de nouvelle conviction. Son arabisme de gauche évolue vers un arabo-islamisme démocratique avec un zeste d’altermondialisme. D’où d’ailleurs sa création, en 1981 en exil, du « Mouvement pour la démocratie en Algérie ».
Voilà, de sa part déjà, un signe prémonitoire du printemps arabe. Son destin a voulu que la première année de ce printemps soit la toute dernière dans l'hiver de sa vie.
Un autre aspect à souligner de ce grand homme, est le fait qu’il soit comparable non pas seulement à Mandela mais aussi au Marquis de La Fayette.
Officier et homme politique, La Fayette était un héros de la guerre d'indépendance des Etats-Unis, avant d’être une personnalité historique de la Révolution française. Donc il participa à la libération d’un autre pays colonisé par les Anglais, avant de se consacrer à celle de son peuple qui était soumis à la tyrannie monarchique. Tout comme lui, Ben Bella, décoré de la médaille militaire par le général de Gaulle en 1944, participa à la libération de la France, qui était occupée par les Allemands, avant de se consacrer à la libération de l’Algérie, qui était colonisée par la France. Le même principe guidait les deux hommes : LA LIBERTE DES PEUPLES.
Peu de français connaissent ce double aspect parfaitement cohérent chez ce « marquis » de l’Algérie. Et ceux qui le savent déjà, ne peuvent pas ne pas l’apprécier. D’autant plus qu’à la même année où on s’apprêtait de fêter la fin de la Seconde Guerre mondiale et la victoire des alliés contre les nazis, commencèrent les massacres de Sétif et Guelma qui ont fait des milliers de morts parmi les Algériens.
Pour que la mort d’un résistant ne cache pas la mort d’un autre, celle de Raymond Aubrac, survenue, juste la veille de celle de Ben Bella, ne devrait pas être considérée comme la mort du « dernier » résistant de la Seconde Guerre mondiale, mais plutôt de l’avant dernier résistant.
Un geste de reconnaissance envers Ben Bella, provient de l'Olympique de Marseille. Pourquoi ? Tout simplement parce que le leader Algérien était un joueur de cette équipe, et aussi pour l'équipe de France militaire au poste de milieu de terrain alors qu'il était sous-officier de l'armée française.
A l’annonce du décès de Ben Bella, le website de l’OM, publie la nouvelle sous le titre :
« Ben Bella, un président buteur s’est éteint… »
dont voici la teneur ;
"Ahmed Ben Bella, qui fut le premier président de l’Algérie indépendante, est décédé le 11 avril, il avait 96 ans. Né le 25 décembre 1916 à Marnia, en Oranie, au sein d’une famille de commerçants, Ahmed BEN BELLA (de son vrai nom Messaoud MEZZANI) a joué une saison sous le maillot olympien (1939/40), mais il ne disputa qu’une seule rencontre, en Coupe de France à Cannes contre le FC Antibes (9-1), le 29 avril 1940. Un match durant lequel cet attaquant réserviste trouva le chemin des filets à une reprise.
Après avoir participé aux campagnes italienne et française et suite aux événements de Setif en mai 1945, Ben Bella rejoint le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques puis entre dans l’État-major de son organisation paramilitaire clandestine OS (Organisation Spéciale).
Arrêté en 1950, il s’évade en mars 1952 et vit clandestinement en France et en Egypte où il prépare le soulèvement du 1er novembre 1954. Chef historique du FLN, Ben Bella est à nouveau intercepté en 1956. Libéré avec les accords d’Evian (18 mars 1962), il préside le gouvernement avant d’être élu président de la République algérienne le 15 septembre 1963. Renversé par le colonel Boumediene en juin 1965 et séjourne en prison jusqu’en 1979. Exilé en Europe, il rentre en Algérie en 1990 où il restera jusqu'à la fin."
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