jeudi, 15 juin 2006
Mourir par distraction
Aujourd'hui Raymond Devos n'est plus. Ne l'est-il plus vraiment? Je m'en doute fort. Et c'est à lui que je dois ce doute:
Comment vérifier un doute avec certitude?!..Sans l'ombre.. Sans l'ombre d'un doute?!... (Le doute par Raymond Devos)
Ai-je l'air de quelqu'un qui essaie de parler de lui pour ne rien dire? Lui, qui a tout dit ou presque? Peu importe. Et c'est toujours lui qui me le confirme:
Mesdames et messieurs... Je vous signale tout de suite que je vais parler pour ne rien dire. Oh! Je sais! Vous pensez : "S'il n'a rien à dire. .. il ferait mieux de se taire!" Évidemment! Mais c'est trop facile!. .. c'est trop facile! (Trois fois rien par Raymond Devos)
Oui c'est trop facile de se taire devant cet enchanteur du dire. Et que dire de quelqu'un comme moi, qui vient, soi-disant, d'une autre culture, qui, durant un quart de siècle, restait bouche-bée chaque fois que Raymond Devos ouvrait sa bouche?
irrésistible, funambule des mots, éblouissant magicien de la langue française, très grand poète de l'humour, authentique poète, chantre incomparable de la langue française, magicien du verbe, véritable illusionniste des mots, artiste de l'absurde, gentleman, funambule, papillon, géant de la poésie… Qualificatifs accordés à Raymond Devos par les uns et les autres, avant et après sa disparition aujourd'hui. Y sont-ils concordants? Oui, parfaitement.
J'ajouterais que seul Raymond Devos me transportait d'une actualité réelle vers une actualité perpétuelle. Il m'offrait un humour pur et simple, un humour intemporel, universel, intelligent, intelligible, profond, profane, rituel et spirituel. Bref, un humour qui rime divinement avec amour.
Pris au dépourvu par cette triste disparition, je n'ai pas tardé à écrire tout de suite cette note posthume, comme si, en dernier ressort, j'imitais le sportif dont parlait Raymond Devos. J'avais pourtant envisagé de le faire de son vivant. Une envie que j'avais exprimée à mon ami Marc Griffon qui avait la merveilleuse idée d'agrémenter l'entête de son blog par des citations à P. Desproges.
Et comme tout va trop vite, je termine par ce qu'en dit Raymond Devos, qui aimerait "mourir par distraction":
TOUT VA TROP VITE
Vous avez remarqué comme les gens marchent vite
dans la rue ?. . .
Il y a quelques jours,
je rencontre un monsieur que je connaissais,
je vais pour lui serrer la main,
le temps de faire le geste. . .
il était passé !
Eh bien j'ai serré la main à un autre monsieur
qui, lui, tendait la sienne à un ami
qui était déjà passé depuis dix minutes.
Raymond Devos
Qu'il repose en paix
RAFRAFI
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samedi, 22 avril 2006
Et la poésie dans tout ça !
Comme promis dans ma précédente note, j'ouvre par la présente une autre brèche dans ce blog pour laisser passer une lueur d'une pulsation plus fine. Pourquoi aujourd'hui ! Peut-être après tant de péripéties sinistres des derniers mois, me voici revigoré, ce jour même, par un soleil soutenu, et surtout par ce à quoi Hédia, ma compagne, m'invite : "entre des rosiers cascades, des verveines retombantes, des œillets de poète ou des cœurs de Marie, lesquelles de ces plantes veux-tu ajouter à celles qui ornent déjà notre balcon ?" ..Je jette un coup d'œil sur le catalogue botanique de ce printemps-été 2006, et je lui réponds : "Bien qu'attiré nominativement par les œillets de poète, mon cœur penche vers les cœurs de Marie".(Voir illustration)
Pour rester dans cette ambiance déstressante aménagée par mon épouse, je me suis dit : "aujourd'hui pas question de me laisser happer par l'actualité sanglante". Coïncidence ou pas, les infos du jour en France (21 avril)* ne m'ont pas trop contrarié : Juste après trois brèves angoissantes (Découverte macabre en Guyanes, Erreur médicale mortelle, Drame dans le Rhône) voici Dominique De Villepin (poète lui-même) qui, en présence d'enfants convalescents à Chamonix, dit qu'il est "ici pour reprendre des forces". Pourquoi pas après tout ce bras de fer CPEique avec d'autres "enfants" un peu plus vigoureux !
Dopé par cette déclaration poético-ministérielle, je réponds par l'affirmative à la demande de Hédia pour changer de chaîne afin de suivre une interview avec un poète arabe. La surprise est de taille : la chaîne en question est une chaîne satellitaire d'information essentiellement politique, l'interview se passe dans le cadre d'une émission réservée habituellement aux politiques, l'invité (sexagénaire) est un des trois grands poètes palestiniens de sa génération. À une question : "pourquoi vous n'avez pas quitté votre Palestine natale (devenue Israël), comme l'ont fait vos collègues?" et Samih al Kacim répond : "la géographie détient l'Histoire. Perdre la première c'est forcément perdre la deuxième. Pour cette raison, j'ai choisi de ne pas partir". Et il ajoute: "une autre résistance qu'il ne faut ni oublier ni négliger, c'est la résistance culturelle dans laquelle la poésie constitue une pièce maitresse".
Comme Al Kacim, je viens moi-même d'une culture qui vénère la poésie. Jadis, elle effleurait la prophétie. Un des plus grands poètes arabes de tous les temps (915-965), est surnommé Al Mutanabbi (faux prophète) parce que jeune, il s'est déclaré prophète. D'autre part, j'avais toujours tendance à considérer la poésie comme langage universel par excellence. C'est pour cette raison qu'une de mes occupations (préoccupations), était de contribuer à construire des passerelles poétiques entre différentes rives. D'où mes différentes entreprises dans le domaine de la traduction (Voir entre autre, Mes versions, colonne droite)
Reste à savoir, si ce langage universel a encore droit de cité dans un monde où règnent le politique, l'économique, l'idéologique et.. le numérique ! C'est une question qui se pose quasiment partout, notamment dans le monde occidental dit industrialisé.
Y a-t-il une crise de la poésie ? Non, dit Philippe Sollers, qui ajoute dans un magnifique article intitulé "La poésie invisible", "Il n'y a qu'un immense et continuel complot social pour nous empêcher de la voir"… À suivre.
RAFRAFI
* Cette note devrait être publiée hier, mais une panne de réseau ne l'a pas permis.
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