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dimanche, 15 mai 2016

Yusuf de l'Égypte poétique

Abd_Youssef3.jpgUne certaine «parenté» poétique me lie à ce chantre des nuits, du clair-obscur et des passions patriotiques. Ce quadragénaire d'un visage joliment enfantin et d'une âme aussi mature que celle d'un soufi, ce mélomane discrètement musicien, s'appelle Abdul Rahman Yusuf, poète égyptien de langue arabe, courageusement engagé dans le mouvement révolutionnaire depuis déjà l'époque de l'ancien président H. Moubarak, jusqu'à être qualifié de «Poète de la Révolution» (Révolution du 25 janvier 2011).
Plongé dans la poésie de Yusuf, je découvre chez ce poète une double maîtrise de deux formes poétiques, une, nettement classique avec un contenu souvent moderne, et une autre, moderne avec un contenu rarement classique. Je dirais, une sorte de poésie trans-temporelle, à la fois fidèle et rebelle.
De ses deux recueils intitulés:
Élégie d'une femme qui ne meurt pas
et
Chagrin improvisé
J'ai traduit pour vous les extraits suivants:

Abd_Youssef.jpg

Élégie d'une femme qui ne meurt pas
Je me félicite encore que tu sois ma mère
Je me félicite encore que tu n'aies pas apprécié ton départ
Et que, lorsque je te complaignais
tu n'as pas apprécié ma complainte…
C'est alors, quand tu as quitté ce monde
que j'ai complaint toutes les femmes!

Regarde devant toi
Que vois-tu?
L'homme ou la femme?
Ou la terre qui n'a pas remarqué le passage des armées foulant le silence de son sol?
Elle ne l'a pas remarqué parce que ça ne lui fait pas peur des armées
Elle s'est habituée à leur passage
Avant l'armée, mille autres armées sont passées portant des tenues vertes
et des états-majors arborant des médailles d'excellence
Tous ceux qui sont passés, l'ont fait sous leur couleur
Mais sont devenus couleur du jaunissement de son sol...
Regarde alors devant toi, résigné et modeste
Ce sol c'est des cercueils...
Ce sol c'est des armées...

Je cherche à comprendre mon ennemi

Je cherche à comprendre mon ennemi...
Face aux balles de plomb, nous deux, sommes pareils...
Qu'est-ce qui distingue cet ennemi donc?
Est-ce sa façon de chanter?
Est-ce sa façon d'enfiler le ciel?
Est-ce sa façon d'être arrogant tout en traînant son manteau?
Je cherche à comprendre mon ennemi...
- Je ne suis pas d'esprit épais-
Je ne braque pas sur mon ennemi des milliers de caméras
jour et nuit ...

Abd_Youssef2.jpg

Chagrin improvisé

La nuit est sombre...
les jours s'y étendent...
les années s'y arrondissent...
La nuit est comme une maison sans fenêtres...
Elle dispose d'une porte qui ne s'ouvre qu'au chant du coq...!

.. La nuit est lueur...
Elle peut orienter ceux qui ont perdu leur chemin...
La lumière est comme une vaste mer
derrière l'obscurité d'un détroit...!
Dans la noirceur de la matrice de la mère je suis passé par une obscurité de plusieurs mois
J'ai traversé le détroit des ténèbres vers la lumière...
La mort est comme une mer d'obscurité sans compagnon...
La vie de l'un pour cette mer sombre
est la lumière d'un détroit...
Est-ce que Dieu a créé la nuit pour nous rappeler la noirceur des matrices?
comme si c'était un entrainement sur un chemin de passage...
afin d'épargner à une personne enterrée de se sentir sombrement dépaysée...?!

Abdul Rahman Yusuf

Traduit par

RAFRAFI

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mercredi, 30 janvier 2013

Solitude partagée

Suzanne_Saadiah.jpg

Saadiah Mufarreh par Bothayna Al-Essa
Texte traduit par Rafrafi :

 
Lecture de la poésie par la logique de la poésie,
Le recueil de Saadiah Mufarreh intitulé :
Oh Suzanne combien sommes-nous seules, nous deux !

Comment lire cette poésie? Celle qui essaie de servir de cadre pour l'agitation du monde et qui inaugure sa présence dans une géographie de solitude flagrante... Et ce à partir du titre: «Oh Suzanne combien sommes-nous seules, nous deux!» en passant par la première couverture illustrée d'une toile de Modigliani: Une femme toute seule avec des yeux invraisemblables, puis par la dédicace: «À toutes les femmes seules... exclusivement», et enfin par les 179 poèmes provoqués par la solitude, par l'excès de solitude mais aussi pour elle.
Ibn Manzur disait: «Le solitaire s'installe dans sa solitude et dans son isolement de ses amis par le biais de sa dissemblance avec eux». Le solitaire c'est donc l'individu, attaché à sa singularité, et non pas forcément à son isolement; et si l'isolement - comme nous dit aussi Ibn Manzur – signifie le retrait, la solitude, quant à elle, ne nécessite point, semble-t-il, l'isolement, ni ne l'exige; elle est plutôt un attachement conscient et intentionnel à la singularité et à la résistance contre la mentalité de troupeau, ou bien comme disait Charles Baudelaire: "Le vrai héros s'amuse tout seul."
Saadiah Mufarreh écrit une solitude remplie d'intimité, de gaieté, de jardins suspendus, d'arbres invisibles et de secrets. Elle trace ses frontières "derrière les portes entrebâillées", dans une zone intermédiaire qu'invente l'ego-poète de Mufarreh entre les deux mondes, de l'écrit et du réel, par une écriture portant poétiquement sur l'expérience de la vie, une écriture qui poétise le réel derrière la porte mi-secrète et entrebâillée...
On lit.. à titre d'exemple:
(Louange)
Je m'enivre de louange timide
Je l'entraîne vers les cuves de l'orgueil au fond de mon âme
Je lui déroule un tapis rouge
Et lui brûle l'encens du désir
Et…
espérant que j'attendrais...

Dans un autre poème on lit :

(Sarcasme)
Chaque fois que je suis sur le point de pleurer
J'aperçois un regard menant vers un certain sarcasme 
Je le tiens fermement
et l'attire vers moi
L'ego-poète de Mufarreh intronise, semble-t-il, les traits de sa solitude, autrement dit: de sa singularité, en construisant sa propre vision très intime de l'expérience même de sa vie et du monde qui l'entoure. Il surveille les détails inhérents et cachés dans les cryptes de l'existence et les démasque poétiquement, comme dans ses poèmes «Sacrifice», «Poussière», «Imposture», «Femme». On en lit, par exemple:
(Arbre)
Il résiste au mouvement du vent
afin de garder le calme de la survie, 
pleure dans la léthargie de la nuit, 
dans la brûlure du jour, se drape dans ses souvenirs verdoyés
et chante aux oiseaux rassurés
par ce qui reste du peu de son feuillage
La poétesse attrape le monde et ne le poétise pas artificiellement, mais plutôt elle en révèle ce qu'il recèle essentiellement de poétique. Ainsi les poèmes débordent successivement du sein de cette même solitude, et viennent librement comme des secrets qui rampent à travers la porte entrebâillée.
En insistant sur la différence entre la solitude (singularité) et l'isolement (retrait), l'ego-poète de Mufarreh jette des ponts de poésie pour s'adresser à l'autre, qu'il soit lointain ou proche, semblable ou différent. Ainsi la voit-on converser avec Juliette Binoche, Johnny Depp, Emily Dickinson, Anna  Akhmatova, et Walt Whitman. Notant que tous les derniers noms sont non-arabes, mais les distances d'intimité humaine et poétique, relient les ego-poètes entre eux en dissimulant l'espace et le temps.
La poétesse se flatte de sa solitude, laquelle, elle seule, la conduit vers le monde, vers la poésie et aussi vers son ego lui-même, en essayant ainsi d'écouter ce que disent les choses, afin de traduire le monde poétiquement et de le recréer par le langage. Ainsi on lit d'elle:"j'inventerai mon propre alphabet" ou encore "On invente de nouvelles voyelles"; ou lorsqu'elle parle de la cinquième porte "qui invente son cap virtuel"... Le cap de la poésie; la poésie qui est entièrement honnête, car créée à partir de l'ego, auquel elle appartient et contre lequel elle se révolte aussi. Le mensonge, comme dit Saadiah, "n'hésite pas à se suicider chaque fois que se manifeste le poème".
En persistant à interpeller la solitude de la poétesse, avec ce qu'elle trimbale d'êtres, de questions, de chagrin et de joie; solitude volontaire, par ses poèmes, courts, vastes et à l'épiderme fin, sous  lequel baigne le monde; des poèmes conduisant à une  tristesse incomplète, à un bonheur inachevé, à la beauté qui n'a cessé de se réaliser, avec chaque mot… on voit, d'une façon remarquable, comment dans les entrailles de la solitude, la poésie fleurit, expressément et non pas tacitement. À cet égard la poétesse confirme que ses visions qui surgissent sont "vertes", aussi écrit-elle sur la "verdure de nos âmes en présence de la douleur" et souligne: «J'écris un poème vert» ou encore «pour me trouver arbre». Quant à l'amour, il est a priori, selon elle, "un embryon vert". Elle devient même poétiquement extrémiste lorsqu'elle ajoute: "ma main faillit être un arbre..."
Cette solitude donc..qui est verte et fertile, verdoie par la poésie et s'enchante "de la vie tumultueusement"... elle se rebelle contre l'isolement et s'aligne sur le monde.
 
Bothayna Al-Essa (Son site Web ICI)
Texte publié sur les colonnes du journal Koweïti "Ar-Rayye" (L'opinion), n° 12020
 

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Pour finir, et en guise de cerise, je vous propose ma traduction de ces vers de Saadiah Mufarreh:

 

Saadiyya Mufarrah-w.jpg

Qu'est-ce qui donne à l'amour son temps
son bleu ondulé
sa tremblote des mains
le verdoiement de son sang
la jouissance de ses jours à leur début
sa rougeur chaude
sa progression dans son accomplissement 
les fleurs de ses habits
son nom narcissique et sacré
ses traits sur les visages des amoureux?

(Saadiah Mufarreh)

(Sa page sur KEEK ici, et sur Twitter ici)

RAFRAFI

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dimanche, 25 mars 2012

Le faiseur de joie

Faiseur_joie.jpgAprès « Mon nom n'est pas difficile », sixième recueil de poèmes paru en 2009, la poète égyptienne Fatima Naoot vient de publier son septième recueil intitulé "Le faiseur de joie" chez l’éditeur cairote "Merit Publishing House".

La presse égyptienne a réservé à ce recueil un accueil plutôt élogieux et c’est à juste titre. En guise d’aperçu du recueil je reproduis ci-après ce témoignage égyptien :

"La poète continue d’interpeller les lieux avec ce qu’ils retiennent de dates, de souvenirs et de significations, comme dans les poèmes: La mer Morte; Ma maison est une cinquième colonne; Cordoba; Les fenêtres de la maison; L’atelier du peintre; L'aéroport de Madrid; Un demi-lit; Le théâtre ouvert; Devant la porte de mon enfance; La mer du Nord; Notre vieille rue; La fenêtre de ma mère; Dans votre vieille demeure. Et d’interpeller également les objets et les solides en tant que signes des êtres humains et des événements, comme dans les poèmes: Horloge murale; Le poste de Radio de ma mère; La boîte à jouets; Oiseau; Fleurs de septembre; Balançoire en bois; La poupée de Geisha; Des clous. Dans d'autres poèmes la poète polémique avec le temps, elle le provoque, elle joue son jeu, comme dans les poèmes: La fin des notes de la gamme; Dans la matinée; Les mutations; Une dernière rencontre; Hier; Rose en plastique; A peine la cinquante-cinquième passée; Avant d'arroser les plantes au cours de la journée; Le cygne; Le jour des dix heures; Deux oies. Ses réflexions existentielles sur la vie et l'amour se révèlent à travers de nombreux autres poèmes, tels que: La métisse; Je suis eau; La branche m'a dit; Quelque chose comme du sel; Adam; Le migrant; En dépit de mon bien-aimé; Idole; La mort de la rose; Pour cela les noces sont rompues; Le jour où Gandhi est mort; Une tunique blanche et claire; Tu es mes erreurs, et bien d’autres poèmes. Par ailleurs la poète dédie ses poèmes "A tous les méchants dans le monde", et d’ajouter: "Soyez comme les fleurs, faiseurs de joie, ne soyez pas comme les héros des contes, voleurs de joie". 

F_Naoot.jpg

Avec 166 pages, le recueil contient environ 65 poèmes. Sur la première de couverture un dessin fait par Omar, fils de la poète, atteint d'autisme infantile précoce, illustrant un petit garçon et une petite fille dans des vêtements d'hiver, avec deux visages sans physionomie.

Sur la quatrième de couverture un extrait du poème Cordoba (Cordoue). Je vous propose que nous terminions sur cette traduction du poème :

Cordoue (Cordoba)

Lorsque nous remettrons la Terre à Dieu

nous devrons ramener l'univers à sa posture originelle:

Replanter les forêts que nous avons détruites

Réanimer par notre souffle vital

les squelettes dans lesquels

nous avons enterré vivant l'esprit

Restituer à l'oiseau sa sérénité

et son gazouillis

qu’il avait appris à faire taire

chaque fois que nous - êtres humains-

passions à proximité d'un arbre

Refaire du désert un désert

des prairies un paradis

puis recoller la pomme entamée

sur l'arbre du premier péché

pour que Dieu nous aime

Nous entraîner

à marcher sur le sable

sans que nos pieds longs n’écrasent

les colonnes de braves fourmis.

 

Nous devrons

disloquer le fleuve de Cordoba

et donner à sa moitié

le nom de: GUADA

et à l'autre moitié :

l'Oued-el-Kabir

puis reconvertir la cathédrale en une mosquée

et la mosquée

en église romaine.

 

Averroès se mettra debout

entre l'autel et le mihrab

pour dire:

"Le Vrai ne contredit pas le Vrai!"

Puis devant Dieu nous nous tiendrons

en longue file d'attente

pour constater

comment nous

avons opté pour que le Vrai

contredise le Vrai.

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Fatima Naoot

Cordoba / Avril 2010

Traduit de l'arabe par RAFRAFI

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samedi, 03 mars 2012

Un accès à la lumière

1-wafaa.jpg

Parce que sa poésie semble être forcément une raison d’être, et après son dernier recueil Mémoire de l’enfant de la guerre, notre amie irakienne Wafaa Abdul Razzaq vient de publier simultanément deux recueils de poèmes en langue arabe chez deux éditeurs: «L'institution de l’intellectuel arabe» à Sydney en Australie, et «Dar Al-Maarif» à Beyrouth au Liban. Le premier recueil, de 152 pages, intitulé «Je pénètre mon corps.. Je vous pénètre», est préfacé par Dr Ibrahim Abdul Aziz, avec un mot sur la quatrième de couverture par Dr Maslak Mimoun. La première de couverture est illustrée par l'artiste peintre Dr Msadaq Habib.

Le deuxième recueil, de 96 pages, avec le titre «Un accès à la lumière» et un sous titre «une image 2-wafaa.jpget un poème», est préfacé par Dr Abdul Salam Fazzazi, avec aussi un mot sur la quatrième de couverture par le grand poète irakien Saadi Youssef. Ce recueil comprend 24 poèmes inspirés par 24 images publiées en alternance. La première de couverture est illustrée par l'artiste peintre Mme Hamsa Hawwaz.

Du premier recueil «Je pénètre mon corps.. Je vous pénètre», je vous propose cet extrait du poème «Rien dans ma poche, sauf mon enfance» que j’ai traduit de l’arabe:

 


Rien dans ma poche, sauf mon enfance

la bouche du papillon est mon amulette
ses ailes, une prière pour les oiseaux
qui rassure ma robe :
n'aie pas peur
le cœur de ma mère est une bourse,
une provision pour la route,
et un prophète entre mes tresses
son invocation, frissons d’amoureuses
ses noms, la mer
la rivière
l’orage
et la tristesse lumineuse
tout le reste est à distiller.

ليسَ في جيبي غيرَ طفولتي

فمُ الفراشاتِ تميمتي،

أجنحتـُها صلاة ٌ للعصافير

تطمئنُ ثوبي:

لا تخفْ

قلبُ أمـّي صُرَرٌ

وأزودة ٌ للطريق

نبيٌّ بين جدائلي

رعشُ العاشقاتِ دُعاءُهُ

أسماؤهُ البحرُ

النـَّهرُ

العاصفُ

الحزنُ المضيء،

كلُّ ُ ما دونه فليُختـَصَر.

Plusieurs témoignages d'estime ont été déjà rendus à la poésie de Wafaa, mais celui du poète Saadi Youssef, cité plus haut, ne peut que compter beaucoup pour la poétesse qui reconnaît comme beaucoup d’autres d’ailleurs, dont moi-même, la place prestigieuse qu’occupe ce grand poète dans la poésie arabe contemporaine. Pour cette raison aussi, je vous propose son témoignage que j’ai traduit de l’arabe :

« Mme Wafaa Abdul Razzaq (Um Khalid) tient une grande place dans mon estime. Elle est pleine d’âme, généreuse de ses émotions et de son affection, sincère dans ce qu’elle voit, tâtonne et ressent.
Je l'ai écoutée plus d'une fois entonner ses poèmes en dialecte du sud de l'Irak, de Bassora plus précisément.
La passion est dévorante.
Les textes, poèmes d’amour.
*
Maintenant le son de cloche change:
Wafaa Abdul Razzaq écrit dans un arabe hautement classique!
Qu’elle soit la bienvenue dans notre club...
Bienvenue à elle en tant que fidèle à sa passion dévorante, à son thème préféré : l’amour au bord du gouffre.
*
Depuis la poétesse Lami’a Abbas Amara, je n’ai pas bénéficié d’une telle révélation:
Soyons, nous deux, errants
dans le chuchotement des jardins.
Moi sur ton corps
que je porte et avec lequel je me trimbale.
*
"Un accès à la lumière", des accès à la lumière...» (Saadi Youssef) 

 Du second recueil «Un accès à la lumière», je vous propose également un autre extrait :

Ô mon enfant-mer,
Que je te nomme oiseau !
Pour que le bleu s’envole
entre deux prophéties !
Etale tes ailes donc,
et entend l’écho du chant
Mes yeux à l’Est
et mon cœur à l’Ouest
Choisis donc l’orientation
que tu veux
et prend le large
par le biais de mon ivresse.
 يا طفليَ البحر
 لأسميـّكَ طائراً
 كي يطيرَ الأزرقُ

بين نبوءتين

 فاطلق جَناحيكَ

واسمع رجعَ الشدو

 عينايَ شرقٌ

وقلبيَ غرب

 فخذ ما تشاءُ

من اتجاه

 ابحرْ بانتشائي

 A l’occasion de la parution de ces deux recueils, wafaa a accordé une interview au journal électronique «almothaqaf.com». A la question «comment vous présentez-vous ?», Wafaa répond magnifiquement en se référant à ses deux sources essentielles : son enfance et sa patrie. Pour terminer cette note, voici sa réponse :

«Tout simplement.. L’emmaillotage était dans des palmes, le lait c’était la rivière… Les enfants, dit-on, entendaient le bruissement du feu et montaient sur son crépitement. C’était l’ambiance qui régnait. Après sept hoquets j’ai "lancé l'appel" à l’Irak. Mais neuf désastres après, je me suis rendue compte que ma ruine était un jouet entre les mains des tyrans. Après dix vaches maigres, je n'ai pas trouvé Bagdad dans Bagdad, ni Wafaa dans Wafaa. Mon visage n’est plus mon visage, ni ma langue n'est ma langue. Ma démarche est mystérieuse. Et rien dans mon miroir que l’éponge..»

Bravo Wafaa…

RAFRAFI

 


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jeudi, 26 février 2009

Ne volez pas ma voix

Couverture_Wafaa-1.jpgÔ grand-père
toi que les champs remémorent,
tes cheveux blancs
servaient à la procréation des foyers;
Aujourd'hui c'est le feu qui s'en sert

(Mémoires de l'enfant de la guerre)

Dans une note précédente intitulée Guerre et poésie, je vous ai parlé de Wafaa Abed al Razzaq, poétesse irakienne qui a écrit les "Mémoires de l'enfant de la guerre", recueil de poèmes sous formes de strophes répartis sur quinze chapitres. Ce recueil le voici traduit de l’arabe en français par Hédia Dridi et édité récemment chez l’Harmattan dans la collection «Poètes des Cinq Continents» avec un sous-titre Ne volez pas ma voix, inclus dans le dessin illustrant la couverture, lui-même réalisé par la traductrice.signature_wafaa_Hedia.jpg
Manuscrit dans sa version originale, ce recueil a déjà remporté l’année dernière au Liban le Prix du Mitropolite Nicholaous No'man des vertus humaines. En plus de la traduction vers l’anglais faite par l’écrivain syrien Yousef Shughri, ces «Mémoires» ont été scénarisés par un scénariste irakien et vont être portés à l’écran éventuellement par un cinéaste allemand.
En plus de cette traduction en français, qui a été co-révisée par Josyane De Jesus-Bergey et moi-même, Hédia Dridi donne son appréciation sur cette œuvre à la quatrième couverture du recueil où elle écrit entre autres :Couverture_Wafaa-2.jpg

Wafaa Abed Al Razzaq, nous présente avec ses Mémoires de l’Enfant de la Guerre, une stature d’enfant-homme, mais c’est aussi, tout enfant irakien qui se réincarne dans Ali à travers cette enfance volée et violée par la violence de notre monde d’adultes.
Et d’ajouter : Il m’est apparu indispensable que ces magnifiques poèmes soient traduits, même s’il est dit que traduire est une forme de trahison. Il m’a semblé que de ne pas traduire c’était encore pire, comme si j’abandonnais cet enfant seul, perdu quelque part…

Les images de la guerre contre Gaza montrant Jamila, la palestinienne de dix ans, amputée de ses deux jambes et qui défie son drame en aspirant à devenir un jour une journaliste, ou d’Almaza, la fille de 11 ans, qui, le visage terreux, raconte, sans aucune larme, l’exécution sommaire et impitoyable, devant ses yeux, de toute sa famille, par les soldats israéliens, ou encore d’Ahmad, l’enfant de neuf ans qui réclame son droit à une vie digne d’un enfant de son âge, ces images ont sinistrement déferlé sur l’actualité et intensifié ainsi l’image de l’enfant irakien Ali cité plus haut par la traductrice.signature_wafaa.jpg
Cela avait coïncidé avec la période allant de la date de la parution de ces «Mémoires» en décembre dernier et la cérémonie de la présentation-dédicace jeudi dernier. Au cours de cette présentation, l’auteur et la traductrice se sont relayées pour lire quelques strophes dans les deux langues devant un public, qui, bien que restreint, n’a pas manqué de curiosité ni de compassion ni d’estime pour la qualité et de la poésie et de la traduction.signature_Hedia.jpg
De commun accord entre l’auteur et la traductrice, le profit qu’elles pourraient tirer de la vente de ces «Mémoires» ira aux enfants orphelins et handicapés irakiens qui sont les plus fragiles des victimes de la guerre, pour lesquelles l’auteur représente déjà une association caritative.
Les «Mémoires de l'enfant de la guerre» resteront gravés par leur poétique, leur sincérité et leur audace, dans la mémoire de tous ceux qui désirent voir l’actualité autrement, c’est-à-dire la regarder par les deux bouts d’une autre lorgnette, à savoir la poésie et l’enfance.

Le nord
et le sud
se sont engagés
à faire de mon enfance
un ballon pour le cirque.

(Mémoires de l'enfant de la guerre)

RAFRAFI

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