lundi, 15 avril 2013
Sagesse mauresque
Le réseau social, Twitter, m'a permis de découvrir non seulement des belles plumes, telles que de Saadiah Mufarreh et de Bothayna AlEssa, auxquelles j'ai consacré précédemment deux notes (1 & 2), mais aussi des érudits dont Mohamed Mokhtar Al Shinqiti qui continue d'agrémenter le réseau par ses tweets de facture savante et savoureuse, touchant presque à tous les domaines du savoir.
Convaincu qu'une pensée à la fois authentique et humaniste, devrait rayonner en permanence afin de parer au fanatisme, à l'ignorance et au simplisme, je n'ai pas hésité à traduire de l'arabe vers le français certains de ses plus pertinents tweets, dignes de maximes voire d'axiomes, et que je vous propose ci-dessous.
Mais d'abord, qui est-ce Mohamed Al Mokhtar Al Shinqiti?
Se présentant comme Islamiste d'horizon humaniste, Dr Mohamed Mokhtar Al Shinqiti, d'origine mauritanienne, est professeur d'histoire des religions et de l'exégèse (tafsir). Il a enseigné à la faculté des études islamiques à l'Université du Qatar et à l'Université yéménite d'Al-Imane. Et c'est à l'Université du Texas qu'il a obtenu son doctorat.
Ainsi parlait Al Shinqiti
La société:
- Aujourd'hui on n'a pas besoin de faire ses preuves en excluant les autres, mais on a besoin de plus d'humanité.
- Chaque crime est un péché, mais tout péché n'est pas un crime. Jusqu'à quand va-t-on confondre morale et droit ?
- La liberté est l'essence même de la nature humaine. Notre malheur c'est d'en faire un moyen et non pas une fin.
- L'État est une nation politique, la nation est un État culturel. À chacun sa logique et ses droits sur l'individu.
- Après la culture de contrainte, l'humanité entame celle de la persuasion, notre nation n'aura pas d'avenir sans celle-ci.
- Si vous trouvez une société qui considère la philosophie comme mécréance et l'art comme débauche, sachez que sa culture est stérile.
Le printemps arabe
- Le printemps arabe est une fatalité, et un déterminisme historique irréversible, quelque soit le coût ou la durée.
- Le printemps arabe mène une guerre ouverte contre la Russie et secrète contre l'USA. Je ne sais pas laquelle est-elle la plus féroce.
- Dans toute révolution, il y a des erreurs; mais c'est le prix à payer... tout comme lorsque vous prenez un médicament et devez subir ses effets secondaires.
- Le but des révolutions c'est de libérer les peuples et non pas de les gouverner.
- On avait essayé en Irak le pouvoir des sunnites et celui des chiites. Dans le deux cas le résultat était amer. À quand, en Irak, le pouvoir devient celui de tous les Irakiens?
La démocratie
- La démocratie permet à la société de gérer seule ses valeurs, sans la rendre ni islamique ni laïque, mais libre de choisir ce qu'elle veut être.
- Les cancres et les oisifs préfèrent le confort de l'ignorance à l'angoisse de la science, et la pérennité de la tyrannie au dynamisme de la démocratie.
- La démocratie ce n'est pas une philosophie, c'est un système politique qui peut accueillir toutes les philosophies. C'est-là sa force.
Religion et pouvoir
- Contraindre l'individu et la société à la religion, c'est former des hypocrites et non pas des croyants.
- Dans les sociétés libres, la foi est plus importante que l'Islam. Dans les sociétés répressives, c'est l'inverse.
- Religiosité sans liberté c'est de l'esclavage et non pas un acte d'adoration du Créateur.
- Toute religiosité qui ne rend pas l'Homme plus humain, n'a rien d'une vraie religion.
- Le sectarisme c'est venger le passé sur l'avenir, c'est abattre l'aube pour s'accrocher au pieu de la nuit.
- La défaite du sectarisme vient par le triomphe de l'individu libre sur une communauté close, et non pas par le triomphe d'une communauté sur une autre.
- La culture de contrainte en religion finit toujours par une fausse religiosité qui défend les oppresseurs contre les opprimés.
- Les salafistes cherchent toujours un précédent pour chaque nouvelle idée, comme si l'idée qui n'en avait pas était adultérine.
- Exiger la cohérence en matière de religion pour coexister c'est déclarer la guerre à la plupart des êtres humains.
- Dans la charia islamique, l'amalgame de ce qui est moral et de ce qui est juridique, est la pire des confusions méthodiques de notre jurisprudence politique d'aujourd'hui.
- Lorsque la Charia (Loi islamique) devient dans l'esprit de certains pratiquants un simple code de restrictions et de limitations, il n'est pas surprenant que ceux-ci considèrent la liberté et la Charia comme antinomiques.
- Certains pratiquants sont plutôt plus aptes à être des gardes-frontières avec un air maussade, que des dirigeants nationaux ou des guides de l'humanité.
- L'étude de l'histoire a pour but d'en tirer une leçon et de la dépasser, et non pas de détruire le présent et de miner l'avenir.
- La pire des tyrannies est celle du sectarisme religieux, car ce ne serait pas celle d'un État contre une société, mais celle d'une partie de la société contre une autre.
- La culture traditionnelle a été impressionnée par le califat des Rachidun (Califes bien guidés); elle a ignoré la société adulte qui a engendré ce califat.
- Celui qui veut que l'Islam ne soit que valeurs sacrées et abstraites, sans le soumettre à l'expérience de la vie, il devrait l'écarter de la vie.
- Aujourd'hui on a plus besoin de société bien adulte que de califat à la Rachidun (des quatre premiers califes bien guidés), et de légitimité politique que de politique religieuse.
- Une société adulte est une société consciente de ses responsabilités. Elle exerce son autorité sur ses dirigeants. Elle peut être religieusement pratiquante ou non-pratiquante.
- Le laïc prend la révélation pour histoire, le salafiste prend l'histoire pour révélation, les deux sont en tort.
- Le pire d'une institution religieuse, c'est qu'elle amène les gens à s'éloigner du vrai quand elle prêche le faux.
- Les chrétiens arabes forment une composante intégrante de la civilisation islamique et représentent l'un de ses hauts faits.
Pensée
- Il n'y a pas d'idées originales et d'autres importées... Il n'y a que le vrai et le faux, l'humain et l'inhumain.
- Le débat d'idées est une opinion. La controverse sur les faits est une indocilité.
- On passe de la culture de coercition à celle de persuasion. Notre nation n'a d'avenir en dehors de cette nouvelle ère de mérite
- Jamais vu une amoureuse aussi humiliée que l'USA devant Israël. Elle se droitise avec sa droite et se gauchise avec sa gauche.
- La meilleure rivalité, entre l'Homme et son semblable, c'est celle dont l'objet est l'esprit humain.
- Afin d'édifier un nouvel avenir, nous avons besoin d'édifier un nouveau passé.
- En politique, il y a plusieurs degrés entre le (oui) et le (non), et plusieurs nuances entre le blanc et le noir.
Mohamed Al mokhtar Al Shinqiti
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RAFRAFI
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Je fais la prêcheuse
Je vous propose ci-après ma traduction d'un magnifiquue texte écrit récemment par l'écrivaine Koweïtienne Bothayna AlEssa :
Je fais la prêcheuse ! Oui
Je prêche les beaux livres qui font briller les questions et te jettent - sans pitié - dans l'angoisse, l'insomnie et le spleen du questionnement. Je prêche les livres qui te délivrent de la quiétude grégaire et qui te mènent à te demander: Et si tout ce que j'y croyais, apprenais à l'école ou recevais de mes parents... était une falsification de la vérité? Qu'est-ce que la vérité? Je prêche les livres, qui sèment le doute et non pas la certitude. Je fais la prêcheuse! Oui.
Je prêche les poèmes qui poignardent le cœur, qui réparent notre défaillante existence. Je prêche les poèmes qui pénètrent ton foie et se lavent dans ton sang. Je prêche la Tapisserie de Mahmoud Darwish, Les enflures de Susan Aliouène, La poussière de Wadi' Saada, La tombe de Qassim Haddad, La Constitution de la Foi de Nazih Abu Afsh et de nombreux autres textes.. Oui, nombreux, et je me demande comment le monde puisse-t-il paraître sans eux; comment le cœur puisse-t-il s'abluer avec autre chose que la poésie? Je me le demande en continuant le prêche. Oui. Je fais la prêcheuse!
Je prêche les cafés qui donnent vue sur la mer: le croissant est fabuleux, le gâteau Red Velvet est fantastique et l'arôme du café est affriandant. Je prêche la beauté de l'amour des gens qui partagent la nourriture autour d'une table avec des amis, et la discussion philosophique autour d'une tasse de café turc. Je fais la prêcheuse! Oui.
Je prêche l'herbe qui pousse entre les dalles ou "dans les articulations d'une roche" comme disait Darwish. Je fais plus que cela, je prends en photo cette noble herbe, qui défend, de toutes ses forces douces, son droit à la vie, qui balafre la face du mur et sort indemne et toute verte. Je prêche la venue de cette herbe tout comme les peuples d'antan qui ont prédit la venue des prophètes. Je la prends en photo et la largue sur le Net; et sur les réseaux sociaux je dis au monde entier: Regardez l'herbe qui balafre le mur, juste regardez-la, car votre simple coup d'œil est en soi une véritable victoire de la vie. Regardez-la et le miracle se produira. Moi-même je crois aux miracles; je fais la prêcheuse! Oui.
Je prêche les nouvelles fleurs dans le jardin. Je prêche la petite boutique vendant des objets artisanaux, fabriqués par la puissance de l'amour et par celle de la générosité. Je prêche les étrangers, les fous, les poètes et ceux dont les cœurs sont à gagner. Je prêche les miches attiédies, les moineaux et les chrysanthèmes. Je prêche le Ferrero Rocher, la tasse de porcelaine et le chandelier de cristal. Je prêche le film qui fait trembler la terre sous mes pieds et me fait pénétrer dans la vie d'un autre humain.
Je prêche les arbres, les nids, les chardonnerets élégants, les chats errant dans les rues, les pots, les amis, l'écho. Je prêche la pluie, le rêve, l'herbe. Je prêche la gazelle, le caribou et les tortues marines. Je prêche la beauté du monde qui ne tarit pas... Je fais la prêcheuse! Oui, car la beauté est, à mes yeux, un crédo.
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