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lundi, 20 février 2006
Un Meddeb anachronique
À côté d'un Max Gallo (Historien et romancier), barricadé derrière un hexagonisme qui frôle le chauvinisme (son dernier livre est intitulé Fier d'être Français. – À mon avis on devrait être plutôt fier de ce qu'on devient ou choisit, et non pas de ce qu'on est !, sinon ça traduirait un sentiment de suprématie, ingrédient de base d'un racisme ou d'un fascisme.) et d'un Philippe Val (directeur de la rédaction de Charlie-Hebdo), qui, lui-même, sur une autre chaîne tv, préfère l'humour du journal danois à celui de Dieudonné (!) et d'Olivier Roy Directeur au CNRS, (auteur de L'islam mondialisé) qui s'est distingué par une lecture plus critique dans les deux sens avec un recul digne d'un chercheur, à côté d'eux donc et non pas face à eux, Serge Moati a choisi trois musulmans bien différents l'un de l'autre, pour animer sa récente émission RiposteS sur France5 intitulée Caricatures choc des images ou des civilisations. La présente note n'est pas pour rendre compte de la teneur de ce débat fort intéressant et parfaitement dirigé par Moati, ni de commenter tous les propos des intervenants. Mais plutôt de focaliser mon propos sur la participation d'Abdelwahab Meddeb, l'un des trois arabo-musulmans présents.
À la différence de Fouad Alaoui (neuropsychologue, vice-président du Conseil Français du Culte Musulman, originaire du Maroc), qui, conscient de sa position et de son rôle, est resté dans le cadre français pour fustiger un discours qui, selon lui, nourrit la notion de choc des civilisations et a appelé au respect réciproque, ou d'Ali Dilem (Caricaturiste algérien, condamné l'an dernier à verser une amende pour offense caricaturale à son président) qui, conscient lui aussi de sa provenance, a émis, malgré sa profession, des réserves vis-à-vis des caricatures danoises qui ont choqué sa mère et le petit peuple de son pays, et signalé aux français présents "Vous êtes entrain de payer la politique des États-Unis. On a vu des bébés bombardés à Bagdad, des hommes tués dans les mosquées, le Coran foutu dans les toilettes... et personne n'a réagit. Je pense, ajoute-t-il, qu'il s'agit d'une accumulation de choses", notre Abdelwahab Meddeb (enseignant la littérature comparée à l'université Paris X-Nanterre) a, quant à lui, choisi l'escalade, l'affrontement et la diabolisation.
Quand Meddeb dit: "Nous sommes en guerre, et l'essentiel, c'est comment faire pour détacher l'islam de l'islamisme, de ces démons islamistes?", c'est déjà hors-sujet de l'émission. En plus, il donne ainsi l'impression de prendre ces islamistes pour des volatiles atteints de grippe aviaire qu'il faut isoler avant de les décimer!
Bien que contradictoires, tous les arguments de ses interlocuteurs ont pratiquement respecté l'ordre du jour de l'émission. N'est-il pas étrange que cet enseignant de littérature comparée, ne parvient pas à comparer les situations et les approches? Les dessins danois (thème de l'émission) n'ont pas été publiés dans le but de détacher l'islam de l'islamisme! Et admettons que c'était le cas, l'effet est tout à fait contraire. La réaction face à ces dessins tendancieux, était presqu'unanime voire euphonique entre musulmans et islamistes, régimes et oppositions, présidents et monarques, imams et fidèles, élites et foules. Meddeb s'est bien trompé d'émission. Il devrait participer à une de ces émissions produites par une chaine officielle d'un État en guerre ouverte contre ses islamistes, et non pas par une chaine à vocation universelle. Pour être moins sévère, je dirais que sa thèse est plus plausible dans un débat islamo-islamique et non pas islamo-occidental, débat déjà miné, sur le plan international, par des stratégies géopolitiques qui, apparemment lui échappent voire le dépassent.
Le Meddeb (Nom de famille, qui veut dire dans le dialecte tunisien: précepteur de l'école coranique d'enfants) que je connaissais, que j'ai rencontré deux ou trois fois dans le cadre d'un dialogue euro-arabe, ce poète arabo-tunisien d'origine, francophone de culture, pour qui je n'ai pas hésité à traduire, quelques uns de ces poèmes vers ma (et sa) langue maternelle, je ne le reconnais plus.
Tantôt intellectualistes tantôt d'un étudiant studieux, ses arguments au cours de l'émission, étaient de facture académique dont avait besoin son voisin, celui de Charlie Hebdo, pour que ce dernier relance la ritournelle orientalo-exotique en disant que personne en Occident n'est contre l'islam, la preuve qu'on n'arrête pas d'aimer les Milles et une nuits, Omar al Khayyâm.. etc. avant d'ajouter en se demandant comment les français n'ont pas essayé de découvrir "ces musulmans modérés" (dont Meddeb) et de les soutenir pour s'exprimer librement. Là, Meddeb lance à son voisin "c'est ce que je fais depuis trente ans". Pauvre Meddeb! il ne cesse pas d'être un trésor enfoui d'Ali Baba, qui reste toujours à découvrir par ceux qui sont en train de faire l'histoire à sa place et en son nom.. Malgré la difficile corrélation Meddeb-occident, qui me rappelle celle des Harkis avec la France, cette méconnaissance des Val et des Gallo d'un Meddeb, intégré et vacciné, s'étend ailleurs pour atteindre entre autre le forum du site de RiposteS, dans lequel deux sur trois commentaires ayant évoqué la participation de Meddeb, n'ont rien retenu de ce qu'il a dit ni même son nom au moins, lui qui depuis trente ans n'écrivait qu'en français et pour les français: le premier commentaire le présente comme suit "surtout le trio VAL GALLO et leur voisin (dont je n'ai pas retenu le nom...)". Pour le remercier, le deuxième commentaire écrit texto: "Merci au monsieur de religion musulmanes à coté de mrs Val et Gallo".
Reste un point qui n'a pas été clarifié (car ce n'était pas le thème du débat) et qui prête à beaucoup de confusion. Qu'est-ce que Meddeb entend par islamistes qu'il qualifie de démons et auxquels il déclare la guerre en invitant tout le monde à faire autant? Est-ce Al Qaeda et ses mouvances? Bush s'en charge déjà, ou du moins il fait semblant (par rapport à Ben Laden notamment) en incitant sans cesse ses alliés à le suivre. Ou bien les partis politiques islamistes, dont l'agenda s'inspire de l'islam? Là, on aura affaire à une variété de partis des plus modérés (le parti au pouvoir actuellement en Turquie) aux plus durs (Hamas récemment au pouvoir) en passant par les frères musulmans en Égypte, les nouveaux partis religieux d'Irak etc. Si ceux-là sont bien les démons islamistes dont parle Meddeb, que faire pour les détacher de l'islam qu'il revendique, tout en sachant qu'ils ont été démocratiquement élus?!
Ajouter au mot Islam le suffixe isme, ne justifie pas la diabolisation de ses adeptes. Si non, quelle différence, moralement parlant, entre chrétienté et christianisme, judaïté et judaïsme? La plupart de ces organismes (partis, mouvements, courants, associations..) qui se disent islamiques (islamiya) et que certains (dont Meddeb) appelle islamistes, aspirent par le biais des urnes à une sorte de démocratie islamique à l'instar des démocraties chrétiennes en Europe (représentées elles aussi par des partis politiques). Selon Dilem, le caricaturiste algérien, les islamistes de tous les pays arabes (où, selon lui encore, il n'y a que des dictateurs qu'ils soient présidents ou souverains) gagneront n'importe quelles élections à condition qu'elles se passent sans fraude ni manipulation. L'indignation de Meddeb (en tant qu'intellectuel incroyant et laïc et c'est son droit le plus absolu dans ce choix) est basée, semble t-il, sur son refus absolu de politiser l'islam ou d'islamiser la politique. Ce refus ne devrait pas, néanmoins, se transformer en discours diabolisant qui risque de frôler l'incitation à la haine. À cet égard, cet islamisme (que je baptiserais islamité) qui enrage Meddeb, est à l'islam ce que le sionisme est à la judaïté. Nul ne nie que l'État sioniste soit un État juif, que pour et par les juifs. Pourquoi ne pas diaboliser donc les sionistes?! Meddeb, a t-il le courage de crier haut et fort, comme il vient de le faire chez Moati, et de se demander de la même façon: "Nous sommes en guerre, et l'essentiel, c'est comment faire pour détacher la judaïté du sionisme, de ces démons sionistes?" Sinon, que pense-t-il du président américain Bush qui s'inspire directement, comme il le dit lui-même, du Bon Dieu pour mener sa politique de guerre en Afghanistan et en Irak?
Je ne pense nullement que Meddeb utilise consciemment, la fameuse et fâcheuse règle des deux poids deux mesures. En fait, il ressemble dans cette affaire à une personne qui s'engage sur un terrain de jeu sans en connaitre la règle ni utiliser les outils adéquats.. Ainsi, pour expliquer à l'auditoire sa vision de l'islam, il s'est mis à lire deux textes. En citant le panthéiste Spinoza pour exalter une certaine unicité cosmico-divine, et le mystique ibn Arabi pour poétiser cette unicité, Meddeb invite les musulmans du monde à ne vivre que d'amour et d'eau fraîche. Cette lecture de l'histoire, bien que très poétique, elle reste en soi très personnelle et très idéaliste, je dirais même qu'elle ressemble à l'eau de rose dont les musulmans arrosent le corps d'un défunt juste avant de l'enterrer.
Meddeb néglige la dimension historique des idées. À ma connaissance, ni les peuples chrétiens d'Europe ni leurs institutions politiques ne se sont inspirés de Spinoza. Seule la franc-maçonnerie l'a fait. Quant à l'apport d'ibn Arabi et des soufis de l'islam du même rang, il s'est transformé, sous les Ottomans, en rituel folklorique avec les marabouts et les charlatans. C'était déjà un des symptômes de la décadence arabo-musulmane. Voilà pourquoi cette lecture d'islam par Meddeb parait-elle anachronique.
Étant passé à côté de l'émission, Meddeb se devrait de proposer à Moati une autre émission sur l'islam et sur la possible cohabitation religieuse et laïque dans cette Europe du XXIe siècle.
RAFRAFI
04:50 Publié dans Politis | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | |
Commentaires
Petit détour sur votre blog... Pas de nouveauté. C'est comme pour le mien qui, pour le moment est un peu en panne sèche, plein de brouillons mais pas une idée qui ne soit assez aboutie pour être publiée... J'espère que ça va revenir.
A bientôt !
Votre mai blogger
Écrit par : MG | vendredi, 03 mars 2006
Comme il est aimable l'intellectuel de-culture-musulmane Abdelwahab MEDDEB!!!. Il n'aime pas les foules vociférantes et menaçantes.
Mais comme il est aimable il n'arrête pas de donner du "merci", du "pardon" à ses voisins de table Messieurs VAL et Gallo. Mais à ses vis à vis d'en façe aucun regard. Ils ne sont pas méritant de son amabilité.
Comme il est aimable. Il parle bien aux maitres, et dans une langue trés chatiée qu'ils comprennent et apprécient bien.
Les bonnes paroles de l'aimable A. MEDDEB ne sont pas déstinées à son peuple d'"origine". D'ailleurs il en a perdu même la langue.
Sa belle morale il ne l'adresse qu'à l'autre inquiet.
Il existe un Islam aimable et A. Meddeb est son apotre.
Écrit par : Doghri fathi | vendredi, 03 mars 2006