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jeudi, 07 avril 2011

Le bémol libyen

images (7).jpgDans l’euphorie populaire crée par cette suite de révolutions pacifiques, que ce soit en Tunisie, en Égypte ou bientôt dans d’autre pays dont le Yémen, nous nous trouvons devant un épisode libyen exceptionnellement dramatique.

Inspirée par les révolutions tunisienne et égyptienne, la révolution des libyens pour la liberté politique, qui, au départ, se voulait civilement civique et pacifique, s’est trouvée face à un va-t-en-guerre jusqu'au-boutiste qui n’est autre que ce colonel Kadhafi, supposé être, à partir de septembre 1969, leur «guide de la révolution». 

Depuis 1977, il n’a pas cessé de dire cyniquement qu’il n’exerce plus le pouvoir parce qu’en cette année-là, il l’a « légué » au peuple pour que les libyens l’exercent eux-mêmes et par eux-mêmes, à travers leurs «comités révolutionnaires» (!!). Mais la réalité était toute autre. La preuve ? D’abord, il se contredisait en affirmant toujours qu’il est le «doyen des dirigeants arabes». Ensuite, parce qu’il restait seul maître à bord en ce qui concerne les décisions stratégiques du pays, en bénéficiant de la manne du pétrole et de l’appui de plusieurs tribus libyennes notamment de celle dont il est originaire. Puis, il a tenté voici quelques années d’élargir cette dimension tribale de son pouvoir, lorsqu’avec le consentement de certains dignitaires tribaux africains en visite de mendicité à Tripoli, il s’est proclamé « Roi des rois d’Afrique ». Bien pis encore, lorsque son peuple, supposé dépositaire du pouvoir, a décidé de ne plus vouloir de lui, ce dernier s’est livré à une guerre sans merci et militairement disproportionnée contre son peuple désarmé. Il est allé même à recruter des mercenaires africains et est-européens pour mater dans le sang la révolte populaire, sans hésiter à utiliser des armes lourdes contre les civils.images (6).jpg

N’étant pas content des tunisiens qui, selon lui, auraient dû garder leur Ben Ali comme président à vie, et allant jusqu’à proposer à son homologue égyptien Moubarak d’écraser (!) les manifestants de la place Tahrir, ce grand faux « démocrate révolutionnaire» libyen, n’a pas caché sa frénésie du pouvoir. Avec ses fils, devenus à ses côtés, des seigneurs de guerre, il menaça de mettre la Libye à feu et à sang. Il amalgama les attributs à des fins tactiques, en accusant les émeutiers d'être à la fois des agents de l'étranger, des drogués, des membres d'Al-Qaïda. Le trafic militaire discret d’Israël dans cette sale guerre, en lui fournissant des obus dont l’utilisation est sensée être interdite par la loi internationale, l’a discrédité aux yeux de ce qui lui restait de supporters arabes. Il a beau essayé, au début de la révolte, d’amener l’Occident à soi, pensant qu’utiliser l’épouvantail d'Al-Qaïda ramènerait l’Occident à le soutenir contre son peuple insurgé. Hier seulement, il vient de réitérer dans une missive envoyée à Obama, la même rengaine : «Tout le peuple libyen est prêt à mourir pour moi: femmes, et enfants y compris. (...) Nous ne faisons que nous battre contre Al Quaïda. (...) Vous regretterez toute ingérence en Libye».images (5).jpg

En effet, cette ingérence lui était plutôt favorable dans le sens où son entêtement face à la volonté de son peuple révolté, s’est transmué en «résistance patriotique contre l’agresseur étranger». Cependant il demande dans ce même message, l’arrêt des raids de l’OTAN contre ses troupes. Ceci reflète son désespoir d’en finir avec la révolte de son peuple et delà de ne pas en sortir indemne.

L’opportunisme du colonel ne me laisse pas, pour autant, indifférent envers cette opération militaire occidentale. L’odeur du pétrole y monte avec les raids. Tout comme l’odeur du cacao en Afrique où la France intervient presque pour la même raison à savoir d’en finir avec l’entêtement d’un Gbagbo, plutôt plus instruit que le colonel libyen, mais aussi tenace pour garder le pouvoir en côte d’ivoire.

L’évolution de la situation en Libye continue à susciter une vive inquiétude auprès de beaucoup de tunisiens et d’égyptiens qui risquent de voir, leurs révolutions subir en amont des retombées plus dramatiques que l’entassement des refugiés aux frontières, et en aval des retombées plutôt paraboliques dans le sens où l’exemple libyen découragerait d’autres peuples arabes avides de liberté qui craignent de se trouver un jour de révolte entre l'enclume d’un régime sanguinaire par vocation et le marteau d’un OTAN militaire par intérêt.

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Certes, empêcher un massacre du peuple libyen devrait réjouir quiconque croit sincèrement en son humanité. Mais confier cette tache à l’OTAN c’est jouer avec le feu.

Qui dit que les bombardements de la coalition internationale éviteraient des civils innocents ou même des présumés alliés ? La Libye, quant à elle, vient d’avoir sa part de dégâts « collatéraux » et de «tirs amis»,

Bref, ce que proclame « Le Mouvement de la Paix » réunissant des organisations françaises, dans son communiqué du 25 mars dernier, suffirait à mes yeux à résumer l’essentiel de cette affaire. Les interventions militaires, dit-il, n’ont jamais imposé la démocratie. Il appartient au peuple libyen de décider de son avenir, hors de toute ingérence – même habillée d’humanitaire. Et le communiqué d’ajouter, La communauté internationale doit se garder de voler la révolution libyenne aux profits d’intérêts politiques et économiques peu louables.

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Je ne peux pas finir cette note sans préciser que pour ma part et depuis la deuxième Intifada palestinienne déclenchée en l’an 2000, avec les massacres israéliens à Jenine, à Naplouse, à Rafah et l’emprisonnement puis l’empoisonnement d’Arafat dans sa Muqataa à Ramallah, j’ai carrément décidé de ne plus m’attendre à rien de décisif ni de positif provenant de tel ou tel dirigeant arabe, voire de tel ou tel peuple arabe. Les évènements qui s’en suivaient (notamment l’invasion de l’Irak en 2003, la guerre contre le Liban en 2006, celle contre Gaza 2008-2009) entrecoupés, ici et là, de mascarades électorales présidentielles, n’ont fait que me conforter dans ma position d’arabe désespérément déçu et chagriné. 

Ma carrière de trente ans de journalisme, m’avait conduit à des rencontres et des prises de position dont je regrette partiellement certaines. Si je ne regrette pas mon mot d’indignation publié en 1986 à la suite de l’opération américaine de bombardement de la résidence de Kadhafi par l’US Air Force sous Reagan, où, Hannah, présentée comme la fille adoptive du colonel, fût , entre autres, tuée à l'âge de deux ans, je regrette en revanche d’avoir rencontré dix ans après ce même colonel et lui serré la main sous sa tente de Syrte.

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Il a fallu attendre le 14 janvier dernier (qui rime avec le 14 juillet) pour me sentir renaitre en voyant Ben Ali, le premier despote arabe chassé du pouvoir rien que sous la volonté de son peuple qui ne voulait plus de lui. C’est l’heure des peuples qui s’annonce alors que les libyens sonnent encore le glas d’une époque mais Kadhafi court toujours.

 

RAFRAFI

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