mardi, 20 mars 2007
Affection sélective
Si l'engagement d'un politique lui permet parfois d'esquiver ses propres principes pour la supposée bonne cause, celui d'un écrivain, doit, par contre, l'ancrer davantage dans ses principes, dont l'honnêteté intellectuelle constitue la référence.
C'est "l'engagement" de Bernard Henri Lévy (BHL), supposé écrivain, qui pose problème. Au moment où l'opinion américaine commence à s'enflammer contre la guerre en Irak, cet écrivain, adorateur du rêve américain, choisit avec d'autres complices, la date d'aujourd'hui (20 mars) commémorant l'invasion de l'Irak, pour lancer une compagne contre le conflit interethnique à Darfour (au Soudan). Il est vrai qu'un génocide ne devrait pas cacher un autre, comme l'a, lui-même, souvent dit ; mais cet autre génocide ne doit pas non plus cacher le premier.
Le présentateur de la chaîne de télévision qui a invité BHL avec trois autres dont Laurent Fabius, pour parler de ce conflit au Soudan, n'a pas eu le courage ou peut-être suffisamment de lucidité pour évoquer ne serait-ce que par comparaison, la guerre d'Irak qui était précédée par un embargo exterminateur (1 million et demi de morts durant douze ans, majoritairement enfants) et complétée au bout de quatre ans par plus de 600 milles victimes irakiennes. (Cent victimes par jour en moyenne).
Les génocides se ressemblent comme des gouttes d'eau du moment qu'ils portent le même aspect : tuer massivement des êtres humains. Mais aux yeux de BHL, ni le génocide irakien, ni celui des palestiniens (vieux de soixante ans) ne méritent, semble-t-il, son affection intellectuelle. Affection qu'il ne réserve qu'au génocide qu'il choisit. Il oublie d'ailleurs qu'à l'instar de l'Irak, le sang qui coule à Darfour, c'est aussi pour le pétrole, minerai récemment découvert et que se disputent la Chine et les USA.
Pour camoufler cette date de l'invasion de l'Irak, l'administration Bush a choisi d'instaurer ce jour même "la loi sur le pétrole irakien", le gouvernement fantoche de Bagdad, a, quant à lui, choisi d'exécuter par pendaison l'ex-vice président irakien, tandis que BHL, l'innocenteur du massacre de Sabra et Chatila, l'ex-va-t-en-guerre contre Irak, a, de son côté, choisi ce jour-ci pour "défendre" Darfour !
RAFRAFI
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samedi, 10 mars 2007
Lucchiniphilie
Comme je viens d'une culture de tradition verbale, j'ai souvent un faible pour tout ce qui est oralement bien dit, agréablement prononcé et distinctement articulé. D'où mon irrésistible attrait par cet envouteur nommé Fabrice LUCCHINI, qui, dès qu'il parle, hypnotise son auditoire. J'en parle aujourd'hui juste pour assouvir un vieux désir d'exprimer ma gratitude à ce chantre des mots qui a eu le mérite de me faire écouter un son de cloche immaculé d'une langue aussi suave que le français. J'en parle aussi parce que LUCCHINI affirme lui-même, que parler de soi est une impasse absolue. Donc j'essaie ici de surpasser cette impasse pour lui, en relatant en même temps ce que disent quelques internautes sur cet artiste, repérés ici et là dans les recoins du Net.
Certains, prennent LUCCHINI pour héritier de Raymond DEVOS. De mon côté, féru de DEVOS, je ne cautionne pas cette parenté. Car en dehors de la comédie dans laquelle tous les deux excellent à merveille, le message humoristique de DEVOS diffère foncièrement du message presque pédagogique de LUCCHINI.
D'autres, dont je partage l'impression, affirment que Fabrice LUCCHINI est "un rare artiste dans tous les sens du terme pour qui la langue française est un sacerdoce puisqu'il s'en délecte indéniablement et nous hypnotise par la justesse de ses mots, sa clairvoyance humaniste et sa dérision singulière..."
"C'est un virtuose des mots, un funambule de l'absurde au sens le plus noble, paradoxal, Rabelaisien, envouteur, maître de la nuance, grand esprit comme il n'y en a plus guère...."
"Fabrice LUCCHINI est quelqu'un de très profond, je ne rate jamais les émissions où il est invité. Ses paroles je les avale comme un élixir ; il est poète, philosophe, dramaturge et crois en l'humain. Il a raison de vivre dans sa bulle moins polluée, moins destructrice, plus près du nirvana. Chapeau bas et respect Monsieur LUCCHINI, tu es plus intelligent que tous, tu as choisi le vrai et le juste."
Certes, l'unanimité n'est point acquise quand il s'agit d'un personnage public aussi atypique que LUCCHINI. Mais un sondage récent sur cet artiste autodidacte et la littérature, révèle que 43% de participants trouvent qu'il sert bien la littérature et 57 % disent Oui, grâce à lui des gens écoutent des textes auxquels ils n'avaient pas accès et zéro personne considère que le ton grandiloquent de LUCCHINI est ridicule. Un commentaire sur ce sondage avance, dans le même sens, que LUCCHINI "fait un bien fou à la littérature, il la promeut, il la promet, il la rend accessible au plus grand nombre."
En effet la littérature semble être la danseuse de LUCCHINI qui se produit actuellement sur les planches du PETIT MONTPARNASSE pour livrer ses lectures particulières de Rimbaud, Valéry et Flaubert. Selon un autre commentaire "LUCCHINI récite ce qu'il a aime et transmet, comme il les a reçus, les textes de la grande littérature, avec le ton qui convient. Il démystifie ce qu'il récite." Et d'ajouter admiratif "LUCCHINI c'est la voix des auteurs disparus… vive Fabrice !"
Paraphrasant une citation à LUCCHINI qui dit "La vie. La vraie vie. La seule vie réellement vécue, c'est la littérature" un autre commentaire ajoute : "Le discours de LUCCHINI est le même que d'habitude : Voyez la vie. La seule échappatoire est la littérature. Sans elle, nous sommes condamnés à la médiocrité."
Plus nuancé et plus critique, un autre commentaire estime que "Fabrice LUCCHINI a récité beaucoup de littérature ce samedi, notamment de Paul Valéry. Je trouve qu'il l'a fait avec passion et que cela a contribué à élever le débat, mais on peut juger qu'il n'a fait que se donner en spectacle aux dépens des auteurs qu'il prétendait servir."
Encore plus critique voire acerbe, est cet autre avis sur lui qui va jusqu'à dire que "LUCCHINI est une banane. Il se dit grand admirateur de Nietzsche or jamais un Nietzschéen n'irait ce compromettre à jouer les clowns pour les restos du cœur." Ou bien plus septique "Je ne pense pas qu'il est si innocent il mène le jeu pour certains et à sa façon... adorable oui ! IL PLACE le monde des intellectuels et des artistes comme une appartenance à une idéologie!... Est-ce son idéal!"
Peut-être, mais je ne me vois pas aussi exigeant à l'égard de ce grand petit-bourgeois gentilhomme du verbe. Fabrice LUCCHINI qui selon certains "semble vivre sur une autre planète" est à mes yeux l'équivalent parlant du grand pantomime Marcel MARCEAU. Lorsqu'il dit «Quand je vois tous ces gens qui se promènent ou mangent en téléphonant, tout en gardant un œil sur la Bourse, ça me paraît l'image même de la barbarie», je déduis qu'à ses yeux, parler est un acte qui mérite le respect et exige la concentration tout comme la gestuelle du pantomime. Derrière ses talents d'orateur, il y a certes cette expérience de vendeur à la criée des produits du magasin de ses parents qu'avait exercée à son jeune âge et qui lui a forcément permis de développer cette aptitude à s'adresser à haute voix aux passants pour les convaincre. Ou encore son expérience comme apprenti coiffeur qui devait lui donner le goût et la patience pour les retouches de finition afin de fignoler une meilleure coupe de cheveux appropriée, assortie et harmonieuse.
«Ça donne des ailes une bonne petite névrose harmonieuse», voilà ce qu'il finit par dire dans une interview au magazine Vital (1996). Harmonie semble être l'objectif de son style. Et si GUIRAUD assure que "Le style c'est l'homme" (dans Langage, 1968, p. 440), je pourrais affirmer que ce n'est pas ECRIRE mais DIRE qui forge le style de LUCCHINI, qui forge l'homme qu'il est ou celui dont il aspire être.
J'habite à deux pas de sa rue natale dans le quartier parisien de Montmartre. Je ne l'ai jamais croisé. Si un jour cela arrive, je l'inviterai à boire un verre et surtout à nous échanger quelques vers, moi dans mon français savant et lui dans son français vibrant.
Cela me procurerait un grand plaisir pour le francophile et le lucchiniphile que je suis.
Rafrafi
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