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samedi, 10 mars 2007
Lucchiniphilie
Comme je viens d'une culture de tradition verbale, j'ai souvent un faible pour tout ce qui est oralement bien dit, agréablement prononcé et distinctement articulé. D'où mon irrésistible attrait par cet envouteur nommé Fabrice LUCCHINI, qui, dès qu'il parle, hypnotise son auditoire. J'en parle aujourd'hui juste pour assouvir un vieux désir d'exprimer ma gratitude à ce chantre des mots qui a eu le mérite de me faire écouter un son de cloche immaculé d'une langue aussi suave que le français. J'en parle aussi parce que LUCCHINI affirme lui-même, que parler de soi est une impasse absolue. Donc j'essaie ici de surpasser cette impasse pour lui, en relatant en même temps ce que disent quelques internautes sur cet artiste, repérés ici et là dans les recoins du Net.
Certains, prennent LUCCHINI pour héritier de Raymond DEVOS. De mon côté, féru de DEVOS, je ne cautionne pas cette parenté. Car en dehors de la comédie dans laquelle tous les deux excellent à merveille, le message humoristique de DEVOS diffère foncièrement du message presque pédagogique de LUCCHINI.
D'autres, dont je partage l'impression, affirment que Fabrice LUCCHINI est "un rare artiste dans tous les sens du terme pour qui la langue française est un sacerdoce puisqu'il s'en délecte indéniablement et nous hypnotise par la justesse de ses mots, sa clairvoyance humaniste et sa dérision singulière..."
"C'est un virtuose des mots, un funambule de l'absurde au sens le plus noble, paradoxal, Rabelaisien, envouteur, maître de la nuance, grand esprit comme il n'y en a plus guère...."
"Fabrice LUCCHINI est quelqu'un de très profond, je ne rate jamais les émissions où il est invité. Ses paroles je les avale comme un élixir ; il est poète, philosophe, dramaturge et crois en l'humain. Il a raison de vivre dans sa bulle moins polluée, moins destructrice, plus près du nirvana. Chapeau bas et respect Monsieur LUCCHINI, tu es plus intelligent que tous, tu as choisi le vrai et le juste."
Certes, l'unanimité n'est point acquise quand il s'agit d'un personnage public aussi atypique que LUCCHINI. Mais un sondage récent sur cet artiste autodidacte et la littérature, révèle que 43% de participants trouvent qu'il sert bien la littérature et 57 % disent Oui, grâce à lui des gens écoutent des textes auxquels ils n'avaient pas accès et zéro personne considère que le ton grandiloquent de LUCCHINI est ridicule. Un commentaire sur ce sondage avance, dans le même sens, que LUCCHINI "fait un bien fou à la littérature, il la promeut, il la promet, il la rend accessible au plus grand nombre."
En effet la littérature semble être la danseuse de LUCCHINI qui se produit actuellement sur les planches du PETIT MONTPARNASSE pour livrer ses lectures particulières de Rimbaud, Valéry et Flaubert. Selon un autre commentaire "LUCCHINI récite ce qu'il a aime et transmet, comme il les a reçus, les textes de la grande littérature, avec le ton qui convient. Il démystifie ce qu'il récite." Et d'ajouter admiratif "LUCCHINI c'est la voix des auteurs disparus… vive Fabrice !"
Paraphrasant une citation à LUCCHINI qui dit "La vie. La vraie vie. La seule vie réellement vécue, c'est la littérature" un autre commentaire ajoute : "Le discours de LUCCHINI est le même que d'habitude : Voyez la vie. La seule échappatoire est la littérature. Sans elle, nous sommes condamnés à la médiocrité."
Plus nuancé et plus critique, un autre commentaire estime que "Fabrice LUCCHINI a récité beaucoup de littérature ce samedi, notamment de Paul Valéry. Je trouve qu'il l'a fait avec passion et que cela a contribué à élever le débat, mais on peut juger qu'il n'a fait que se donner en spectacle aux dépens des auteurs qu'il prétendait servir."
Encore plus critique voire acerbe, est cet autre avis sur lui qui va jusqu'à dire que "LUCCHINI est une banane. Il se dit grand admirateur de Nietzsche or jamais un Nietzschéen n'irait ce compromettre à jouer les clowns pour les restos du cœur." Ou bien plus septique "Je ne pense pas qu'il est si innocent il mène le jeu pour certains et à sa façon... adorable oui ! IL PLACE le monde des intellectuels et des artistes comme une appartenance à une idéologie!... Est-ce son idéal!"
Peut-être, mais je ne me vois pas aussi exigeant à l'égard de ce grand petit-bourgeois gentilhomme du verbe. Fabrice LUCCHINI qui selon certains "semble vivre sur une autre planète" est à mes yeux l'équivalent parlant du grand pantomime Marcel MARCEAU. Lorsqu'il dit «Quand je vois tous ces gens qui se promènent ou mangent en téléphonant, tout en gardant un œil sur la Bourse, ça me paraît l'image même de la barbarie», je déduis qu'à ses yeux, parler est un acte qui mérite le respect et exige la concentration tout comme la gestuelle du pantomime. Derrière ses talents d'orateur, il y a certes cette expérience de vendeur à la criée des produits du magasin de ses parents qu'avait exercée à son jeune âge et qui lui a forcément permis de développer cette aptitude à s'adresser à haute voix aux passants pour les convaincre. Ou encore son expérience comme apprenti coiffeur qui devait lui donner le goût et la patience pour les retouches de finition afin de fignoler une meilleure coupe de cheveux appropriée, assortie et harmonieuse.
«Ça donne des ailes une bonne petite névrose harmonieuse», voilà ce qu'il finit par dire dans une interview au magazine Vital (1996). Harmonie semble être l'objectif de son style. Et si GUIRAUD assure que "Le style c'est l'homme" (dans Langage, 1968, p. 440), je pourrais affirmer que ce n'est pas ECRIRE mais DIRE qui forge le style de LUCCHINI, qui forge l'homme qu'il est ou celui dont il aspire être.
J'habite à deux pas de sa rue natale dans le quartier parisien de Montmartre. Je ne l'ai jamais croisé. Si un jour cela arrive, je l'inviterai à boire un verre et surtout à nous échanger quelques vers, moi dans mon français savant et lui dans son français vibrant.
Cela me procurerait un grand plaisir pour le francophile et le lucchiniphile que je suis.
Rafrafi
15:51 Publié dans Art | Lien permanent | Commentaires (10) | Facebook | |
Commentaires
Grand admirateur de Devos et Lucchini, je ne vois pas bien pourquoi certains les comparent. Lucchini ne délivre pas de message humoristique, ce que fait Devos avec l'usage talentueux des mots.
C'est cette comparaison qui m'étonne dans ta revue, Raffrafi.
Amitiés
Guy
Écrit par : Guy Leroy | samedi, 10 mars 2007
Cher Guy
Cela m'étonne moi aussi. Mais ce n'est pas la comparaison en soi qui m'interpelle. Car comparer deux formes d'expression c'est toujours faisable. C'est plutôt l'analogie, qu'on a faite entre ces deux artistes, qui m'a étonné. C'est ce que j'ai trouvé sur le Net. Et j'ai bien précisé dans ma note que "je ne cautionne pas cette parenté"… Donc je l'ai écarté formellement.
Merci pour cette mise au point concordante.
Bien à toi
RAFRAFI
Écrit par : RAFRAFI | dimanche, 11 mars 2007
J'adore Fabrie Lucchini. Tout en lui est vie, son corps, son âme, sa parole . Il a le don de nous captiver même avec des paroles banales. Là est tout son talent!
A bientôt RAFRAFI
Écrit par : Agathe BONNT | dimanche, 11 mars 2007
merci pour ce bel hommage.
Luccini fascine. Il est habité, ou comme on dit de au Maghreb, il est "aspiré" (mejdoub). Lorsque je le regarde parler, il me fait penser à un Gnawi ou un Aïssawi en transe.
Son emportement et son lysrisme cachent aussi une grande fragilité et une grande timidité.
Une de mes amies a eu fait une rencontre isingulière avec Luccini. Elle était le voir, il y a quelques années, lors d'un spectacle où il lisait Céline. A la fin du spectacle, elle s'apprêtait à quitter les lieux lorsque quelqu'un lui a dt que Luccini voulait la rencontrer dans sa loge. Surprise, elle a accepté de le rencontrer, elle pensait d'abord qu'il voulait la draguer. Mais finalement Luccini lui a avoué qu'au début du spectacle, il avait un trac paralysant, il a alors regardé du côté où était assise mon amie, et mystérieusement il a fixé son attention sur elle; il a réussi ainsi, d'après lui, à se débarasser de son trac, et que c'est pour cette raison qu'il voulait la rencontrer, il l'a finalement invitée à diner, il lui a raconté qu'il était un grand timide, que le regard desautres le terrifie.
Écrit par : kalima | dimanche, 11 mars 2007
j'ai toujours été captivée par sa façon de dire les mots, il parle comme une pièce de théâtre sauf qu'avec lui on a les mots et l'interprétation en plus, la fougue et l'appétit de vivre , la joie de se repaître d'un vocabulaire particulier, chantant à l'oreille et dansant au rythme des syllabes.
son jeu me paraît parfois un peu forcé, c'est vrai qu'il est maintenant invité pour son etincelle de de bonne humeur et sa complicité amicale avec les journalistes, j'ai cru m'en lasser, mais non, j'apprécie toujors autant ses exploits!!
Écrit par : cocole | lundi, 12 mars 2007
J'aime son côté incontrôlable, il perd parfois le fil de sa propre pensée mais parvient toujours à retomber sur ses pieds... c'est aussi un garçon unique dans un monde tout de même bien aseptisé.
Écrit par : aliscan | lundi, 12 mars 2007
Cher RAFRAFI
Je ne peux passer sans te dire merci pour tout ce que tu fais pour moi qui suis nul en informatique.Ta traduction de mes textes est un acte de partage et d'enrichissemment....Tu as un coeur grand comme le monde..
Amitiés
Mohamed
Écrit par : Mohamed El jerroudi | vendredi, 16 mars 2007
Lucchini est un grand , un très grand un virtuose des mots. Je ne savais pas qu'il aimait Nietzsche . je te remercie de éclairer sur ce grand artiste .
Bonne journée
Écrit par : Bruno | samedi, 24 mars 2007
Lucchini c'est bien le seul artiste que j'ai jamais partagé avec ma mère malgré tous les fossés...et le plus beau c'est qu'encore aujourd'hui...Voilà Mister Rafraf je voulais juste dire ça...Et puis aussi longue route à vous..enfin...à vos mots aussi surtout !!
Écrit par : Aslé | mercredi, 28 mars 2007
je viens tout d'abord vous remercier pour votre visite sur mon blog et surtout pour l'intérêt que vous portez à mon travail... j'en suis plus que flattée...
je fais une étude comparée sur l'enjeu de l'immoralité dans le roman familial maghrébin de 1954 (avec Le passé simple de Chraïbi) à nos jours (avec parle, mon fils parle à ta mère de Sebbar) en passant par la répudiation de Boudjedra et la civilisation, ma mère...! de Chraïbi...
je me tiens à votre disposition si vous souhaitez en savoir plus...
je ne pourrais hélàs pas réagir sur votre article ne connaissant pas les deux auteurs que vous mentionnez...
bonne soirée... cordialement..
nathalie
Écrit par : nath | mercredi, 04 avril 2007