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vendredi, 15 mars 2013
En attendant la boule-de-neige
À la suite de ma précédente note intitulée Froid dans le dos et signalée sur ma page Twitter (@RAFRAFI_MED), l'amie Louise-Line Michel (@Louizeline) a partagé sur sa page FB ce poignant échange entre trois personnes sur la dame SDF du 18ème arrondissement parisien. Je vous propose ci-après l'intégralité de cet échange, en espérant voir cette affaire s'accroître en une boule de neige suffisamment grande pour balayer les consciences inertes:
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À propos de la dame SDF à Paris 18è - Échange passionnant entre Nicolas Bleusher, Romain Bunoz et Sylvaine Vaucher:
*Nicolas : Si c'est son choix : car, oui, on peut, on doit l'envisager. Elle refuse notre pitié.
*Romain : Oui, elle est incroyable et vit depuis plus de 3 ans ici, 4- 5 même... C'est juste en bas de chez moi, rue Ordener. Mais quelle douleur dans ses yeux, quelle vie elle a du avoir.... Les jours de marche, elle fait un peu la manche...
Croire que c'est un choix, c'est un peu bizarre, disons qu'elle n'a plus que ça comme choix, l'ultime résignation, la douleur telle qu'on vit immobile.... Faut l'entendre hurler a 4h du mat comme si on l'égorgeait, mais ça doit sûrement être son choix.. :( Pas le choix, car une société entière l'a dégoutée
*Nicolas : Alors c'est un choix de résistance et un signe de sa volonté d'exister encore et malgré nous. Un signe affiché, ostensible même, de sa colère, de sa peine, de sa désolation, de son inaptitude, de son incompréhension, de son refus, de sa hargne, de son défit enfin au monde dans lequel elle survit. Une preuve d'humanité en quelque sorte.
*Romain : Oui, t'as peut être bien raison.... Vu la Hargne qu'elle a, ça m'étonnerais pas ! En tout cas pour lui faire plaisir, il suffit d'un Sudoku, elle en raffole et en fini 5 par jour, ça se trouve en plus elle est agrégée de Math ;°)
*Nicolas : Il faut certainement un mental d'acier et une motivation exceptionnelle pour résister à la rue, à ses dangers, ses aléas, sa violence. Et être totalement poète et fou pour en mesurer toute la beauté - ignorée pour la plupart des autres - les jours et les nuits plus cléments... Bref : quand les écrivants se mettent à raconter ce qu'ils n'ont pas vécu...
*Romain : Ça c'est sûr ! Un sacré mental de citadin aussi car c'est pas le carrefour le plus calme, le moins fréquenté... Au début je croyais qu'elle attendait quelqu'un ou quelque chose pour ne rester qu'à cette endroit précis, mais au bout de 5 ans... et surtout que ni la voirie, ni la police ne la dérange, déloge, alors que tous les autres oui..... Elle est sacrément mystérieuse....
*Nicolas : Et si le message envoyé était : mais laissez-moi donc vous narguer, les biens-dans-le-rang, les aveugles, les muets, laissez-moi donc dans vos nuits confortables gueuler et puis chialer, droite et cassée et faible et si forte, tellement libre, sur mon bout de banc, au bord de vos allées et venues qui ne vous mèneront nulle part, vous les conformes, les enchaînés, les morts, déjà... (Nicolas en mode dramatique)
*Romain : Ouais, ça peut être aussi: je vais me laisser crever sous vos yeux, vous qui m'avez tuée, gentillement mis au ban de la société, ne me laisser qu'un banc où j'ai voulu m'échouer... Je vous déchirerai de remords au petit matin quand vous partez pour l'inutilité... Si vous m'accordez votre pitié d'une pièce, d'un parapluie, je cracherai pour rétablir la vérité ! Et votre non-assistance vous suivra toute la journée, acide comme l'odeur de pisse, âcre, qui prend au nez et que je vous balance juste pour vous emmerder, je resterai là planter au carrefour de la honte, vous qui ne savez pas aider ces cœurs déchiquetés qui parlent aux fantômes.... Vous les avez laissés en proie aux labyrinthes.....
*Sylvaine : ..."Une grande et amère question...." je suis libre dans mon manteau de neige, dans mon âme en froid, dans mon cœur de pluie... ma norme est hors norme et je vous emmerde.
*Nicolas : Et puis il y a aussi la tentation de descendre du train. Un jour. Et de s'apercevoir qu'au moment de vouloir remonter dans la rame elle est déjà trop rapide, la marche trop haute soudain, la main là tendue et que l'on pensait pouvoir agripper n'est pas au bout de la sienne. On reste sur le quai. Les jours passent. C'est l'été, les nuits sont douces. On se fait une raison. On emmerde les trains, les voyageurs, les contrôleurs, le chef de gare. On se dit que l'on a peut-être été con. L'automne est déjà là. On cherche un coin pour ne plus y penser. On garde son billet bien plié dans un coin de sa poche. Au chaud, pour passer l'hiver.
Merci les zam's. Je ne veux pas vous trahir, donc j'y touche pas
(Louise-Line Michel)
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RAFRAFI
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