lundi, 29 janvier 2007
Se taire c'est mourir
Contre la censure notamment politique, bien d'artistes et de poètes se sont levés pour que celle-ci soit un jour levée. Jadis, Victor HUGO accusa la censure dans ses Correspondance,(1830, p. 465):
La censure est mon ennemie littéraire, la censure est mon ennemie politique. La censure est de droit improbe, malhonnête et déloyale. J'accuse la censure.
Cinq ans après, il ajoute dans Les Chants du crépuscule, (1835, p. 104) :
... j'entends aboyer au seuil du drame auguste
La censure à l'haleine immonde, aux ongles noirs,
Cette chienne au front bas qui suit tous les pouvoirs
Quelques années plus tard, G. FLAUBERT apporta sa pierre et écrit dans ses Correspondance, (1852, p. 59) :
La censure, quelle qu'elle soit, me paraît une monstruosité, une chose pire que l'homicide ; l'attentat contre la pensée est un crime de lèse-âme..
Vivant sous l'occupation ou sous la tyrannie, certains poètes et artistes arabes se sont levés eux aussi contre ce fléau. Un des exemples les plus éloquents en la matière, est un poème dont deux vers sont attribués à tort au poète algérien Tahar DJAOUT (1954 - 1993) alors que c'est du poète palestinien Muin BASISU (1927-1984). Je vous en traduis ce passage :
Se taire c'est mourir
Alors parle et meurs !"
Puisque le mieux-dire
n'est pas celui du sultan ni de l'émir
Ce n'est pas, non plus, ce rire
Que vend le grand arlequin
Au petit arlequin
Et toi, si tu parles, tu meurs
Si tu te tais, tu meurs
Alors, parle et meurs
(Voir texte arabe en-bas)
Pour finir je vous invite à cliquer sur le dessin ci-joint, où l'auteur met face à face un intellectuel (à droite, avec à la place de la tête, un crayon) et un politique (à gauche, avec à la place de la tête, une gomme), plongés tous les deux dans une discussion à crayon rompu… Ce dessin que j'ai apprécié et gardé dans mon ordi, a été publié voici quelques années par un quotidien arabe londonien (alquds alarabi) mais qui reste encore d'actualité.
RAFRAFI
الصمت موت
قلها ومت
فالقول ليس ما يقوله السلطان والأمير
وليس تلك الضحكة التي يبيعها المهرج الكبير
للمهرج الصغير
فأنت إن نطقت مت
وأنت إن سكت مت
قلها ومت
الشاعر معين بسيسو
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lundi, 22 janvier 2007
Adieu l'Abbé
Vous étiez, vous seul dans l'indifférence du froid et du silence, l'incarnation d'une France généreuse et fidèle aux Lumières, d'un Occident universellement humaniste, d'une chrétienté de terrain, juste et combative, d'une Humanité fragile et humble, d'un Homme rêveur et altruiste, d'un message gravé à jamais sur la face de la conscience et de la mauvaise conscience, d'une voix intime, matricielle mais coriace, d'un cri alarmant, incriminant et gênant pour les ténors de la politique-spectacle, du populisme et de la démagogie…
Il n'y a pas de plus humble et de plus simple pour un prêtre qui mettait le droit au toit devant le droit à la foi que de formuler son testament comme suit :
« Sur ma tombe, à la place de fleurs et de couronnes, apportez-moi les listes de milliers de familles, de milliers de petits enfants auxquels vous aurez pu donner les clés d’un vrai logement. »
Adieu l'Abbé et reposez en Paix…
RAFRAFI
Portait de l'Abbé Pierre, source : vdb-animations.
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vendredi, 12 janvier 2007
Mieux vaut tard que jamais
La présente note aurait dû paraître quelques semaines auparavant à la suite de la publication, en octobre dernier, du livre controversé de l’ancien président américain Jimmy Carter, intitulé "Palestine : la paix, pas l’apartheid !"…
Pour mon humble personne, ce retard pourrait toujours se justifier par des contraintes personnelles… Mais est-il de même pour M. Carter qui semble avoir mis beaucoup de temps avant de livrer enfin sa vraie lecture du drame palestinien ?
La coutume chez certaines grandes personnalités publiques est de toujours choisir le moment qui leur semble opportun pour divulguer ce qu'elles dissimulaient, bon gré, mal gré. C'est le cas, semble-t-il aussi pour Kofi ANAN qui, une fois à la retraite, se lance dans une critique amère à l'égard de la politique américaine en Irak, allant jusqu'à dire que la situation de ce pays était meilleure sous Saddam que sous l'occupation. Evidence qui se présente comme une confession obsolète mais qui sort de la bouche de l'ancien secrétaire général de l'ONU, comme une preuve manifeste d'une défaillance morale à l'échelle de la planète.
Pour revenir à l'ex-président nobélisé pour la paix, j'ajouterais que son témoignage arrive comme même à bon escient du moment qu'il émane de celui qui avait pu imposer (1977-1981) le premier accord de paix israélo-égyptien, et surtout qui avait voyagé partout dans la Terre Sainte au cours des trois dernières décennies, en particulier dans les territoires palestiniens occupés. C'est là qu'il avait supervisé, avec l'apport de son "Carter Center", les élections palestiniennes de 1996, de 2005 et surtout de 2006 qui ont permis aux palestiniens de choisir les candidats du Hamas pour gouverner.
Dans ce livre, Carter assimile la politique Israélienne actuelle dans les territoires palestiniens à un «système d’apartheid». Il taxe Israël d'être un Etat «totalement dominant» qui réprime par la violence «en privant les Palestiniens de leurs droits humains fondamentaux». Il ajoute que «le peuple juif supporterait en Israël ou ailleurs un gouvernement qui institutionnalise l’oppression sur une base ethnique».
Concernant les relations entre les Etats-Unis et Israël, il critique l’appui inconditionnel à l’Etat hébreu, qui pour les chrétiens évangéliques de son pays (Carter lui-même est un pasteur baptiste) fait partie de la «politique étrangère de Dieu». Le violent tollé soulevé notamment par les sionistes et les pro-sionistes de tous bords contre l'aveu de cet ex-président démocrate, continue de plus belle sans qu'il continue pour autant à faire la une des médias.
Pour calmer un peu les esprits et modérer ses propos devant les citoyens juifs des Etats-Unis, Carter s'est trouvé conduit à écrire un article que j'ai reçu par e-mail de la part de voltairenet.org, traduit en français et que je reproduis ci-après pour la curiosité de ceux qui ont ou pas encore lu ce livre-repère d'un auteur-témoin.
RAFRAFI
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Par Jimmy Carter*
Une vive polémique s’est développée aux États-Unis après la parution du livre de l’ancien président Carter, Palestine : la paix, pas l’apartheid ! Répondant à ses détracteurs juifs, le politicien et prêcheur baptiste a circonscrit son propos. Il a maintenu sa dénonciation de la situation dans les territoires occupés et a retiré ses critiques relatives au régime politique en Israël même. A défaut de calmer l’AIPAC, ce compromis semble avoir satisfait l’électorat juif états-unien. (voltairenet.org)
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Au cours de ma récente tournée de dédicaces de mon livre, j’ai signé plus de 100 000 exemplaires, et j’ai été interviewé par plus de cent médias.
Le plus impressionnant fut pour moi ma rencontre avec les dirigeants du Consistoire de l’Agglomération de Phoenix, qui avaient annoncé, avant mon arrivée, qu’ils manifesteraient afin de protester contre mon ouvrage. Quand ils m’ont invité à les rencontrer, j’ai immédiatement accepté. Les six rabbins (trois hommes et trois femmes) et moi-même, nous fûmes les seules personnes présentes, à l’exception d’une équipe de cameramen sous la direction de Jonathan Demme, qui réalisait un documentaire sur moi et l’action du Carter Center. M. Demme a indiqué alors qu’il y avait [dehors] un groupe tout aussi important de citoyens juifs, qui manifestaient leur soutien à mon livre, et [plus important] à l’exhortation à la paix dont il se veut le vecteur.
Nous avons tout d’abord débattu du traité de paix que j’ai négocié [personnellement] entre Israël et l’Égypte, en 1979, ainsi que de la Commission sur l’Holocauste, dont j’ai annoncé la création à l’occasion du trentième anniversaire de la création d’Israël. Cinq de mes interlocuteurs avaient lu la totalité de mon livre, et un autre ne l’avait lu qu’en partie. J’ai répondu à leurs questions sur le texte et sur son titre : Palestine : la paix, pas l’apartheid ! J’ai souligné, comme je l’avais d’ailleurs fait tout au long de ma tournée de dédicaces, que le livre porte sur les conditions et les événements dans les territoires palestiniens, et non en Israël, où existe une démocratie comportant toutes les libertés dont nous jouissons aux États-Unis, et où les Israéliens, juifs et arabes, se voient garantir les mêmes droits, en tant que citoyens.
Nous avons débattu du mot « apartheid », que j’ai défini comme la ségrégation forcée entre deux peuples vivant sur le même territoire, l’un d’entre eux dominant et persécutant l’autre. J’ai dit clairement dans le livre, et dans ma réponse à ces rabbins, que le système d’apartheid prévalant en Palestine n’est pas basé sur le racisme, mais sur la convoitise d’une minorité d’Israéliens pour les terres palestiniennes et sur la répression des protestations qui en résultent, et qui impliquent la violence. Mgr Tutu, Nelson Mandela et d’éminents Israéliens, dont l’ex-procureur de la République Ben Yair, qui a été en fonctions sous des Premiers ministres tant du Likoud que du Parti travailliste, ont utilisé et explicité cette qualification en des termes bien plus durs que moi, faisant observer que cette cruelle oppression est contraire aux préceptes de la religion juive ainsi qu’aux principes fondamentaux de l’État d’Israël.
Ayant voyagé partout dans la Terre Sainte au cours des trente-trois années écoulées, en particulier dans les territoires occupés, je suis qualifié pour décrire la situation à partir de mes propres observations. De plus, le Carter Center a supervisé les élections palestiniennes de 1996, de 2005 et de 2006, ce qui exigeait un engagement intime et exhaustif avec des citoyens palestiniens : des candidats, des édiles publics et aussi les plus hauts dirigeants politiques israéliens, qui contrôlaient les check points partout à l’intérieur de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, et toutes les facettes du déroulement de ces élections à Jérusalem Est.
J’ai dit très clairement que je n’ai jamais clamé que les juifs états-uniens contrôleraient les médias, mais j’ai réitéré que le parti pris écrasant en faveur d’Israël a pour origine des chrétiens comme moi-même, à qui on a enseigné depuis l’enfance à honorer et à protéger le peuple élu de Dieu, duquel est issu notre sauveur, Jésus Christ.
Un facteur supplémentaire, en particulier dans l’arène politique, est la puissance influence de l’AIPAC, qui exerce sa mission légitime consistant à expliciter les politiques actuelles du gouvernement israélien, et à susciter un maximum de soutien dans notre pays.
Or, il n’y a aucune expression d’opposition à cela. Je connais bien les actes d’extrême violence qui ont été perpétrés contre des civils innocents, et je comprends la peur qu’ont beaucoup d’Israéliens que les menaces contre leur sécurité et même contre leur existence, en tant que nation, restent présentes. J’ai redit ma condamnation catégorique de tous ces actes de terrorisme.
La question des propositions que je formule pour le Moyen-Orient m’ayant été posée, je les ai résumées par l’appel aux membres du Hamas et aux autres Palestiniens les exhortant à renoncer à la violence et à faire leur l’engagement pris par les nations arabes en 2002 : reconnaissance totale du droit d’Israël à exister en paix à l’intérieur de ses frontières légalement reconnues de 1967 (à modifier éventuellement par accord mutuel et des échanges de territoires). Cela serait conforme aux résolutions de l’Onu, à la politique officielle des Etats-Unis, à l’engagement pris à Camp David en 1978 et à Oslo en 1993, ainsi qu’aux principes du Quartette international, « La Feuille de Route vers la paix ».
Une mesure immédiate serait la reprise de conversations de paix entre Israël et les Palestiniens, interrompues désormais depuis six ans. Le président Mahmoud Abbas est le porte-parole officiel des Palestiniens, ainsi que le Président de l’Autorité nationale palestinienne et de l’Organisation de Libération de la Palestine, et il en a appelé de manière constante à des pourparlers de paix. J’ai demandé aux rabbins de rejoindre un effort visant à inciter le gouvernement israélien à se conformer à cette proposition.
De plus, j’ai fait observer que le peuple palestinien était privé des besoins vitaux élémentaires par les restrictions économiques qui lui sont imposées par Israël et les Etats-Unis, au motif que 42 % des Palestiniens ont voté en faveur des candidats du Hamas aux dernières élections. Des enseignants, des infirmières, des policiers, des pompiers et d’autres employés ne sont plus payés, et l’ONU a fait savoir que les réserves de nourriture, à Gaza, équivalent à celles dont disposent les familles les plus pauvres de l’Afrique subsaharienne, la moitié des familles survivant en ne faisant qu’un unique repas quotidien. Mon autre requête était que les citoyens juifs états-uniens contribuent à rendre moins lourd le calvaire des Palestiniens.
Le président du groupe, le Rav Andrew Straus, suggéra alors que je dise clairement à tous les juifs états-uniens que mon utilisation du terme « apartheid » ne s’applique pas à la situation à l’intérieur d’Israël, que je reconnais la profonde préoccupation des Israéliens causée par la menace terroriste et les autres actes de violence commis par certains Palestiniens, et que la majorité des Israéliens veulent sincèrement vivre en paix avec leurs voisins. Le but de cette lettre est précisément de rappeler ces points.
Nous avons ensuite formé un cercle en nous tenant par la main, tandis qu’un des rabbins priait. J’ai dédicacé des exemplaires de mon livre, comme mes interlocuteurs m’en avaient prié, et l’aumônier juif des armées, le Rav Bonnie Koppell m’a offert un livre de prières.
J’ai consacré une bonne partie de ma vie d’adulte à tenter d’amener la paix à Israël, et ma prière personnelle sera pour que tous ceux d’ entre nous qui veulent voir les Israéliens jouir d’une paix durable avec leurs voisins se joignent à cet effort collectif.
Sincèrement
Jimmy Carter
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* Le pasteur baptiste Jimmy Carter est ancien président des Etats-Unis (1977-1981). Il a reçu le prix Nobel de la paix 2002 et préside le Carter Center à Atlanta.
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lundi, 01 janvier 2007
Entre talion et vengeance
Les calculs américains dans cette affaire étaient de ne pas mener à terme le procès contre leur ex-allié devenu très gênant et qui risquait de dévoiler leurs manigances et conspirations communes dans sa guerre contre l'Iran et les Kurdes. Donc, ils se sont contentés de ne le châtier que sur la première affaire, celle de Digil, la ville où, voici vingt cinq ans, il aurait exécuté une centaine de personnes à la suite d'une tentative d'assassinat contre lui.
Pour les kurdes, leur déception a été vite dépassée par d'autres déceptions, beaucoup plus amères, celles de beaucoup d'irakiens, toutes communautés confondues, de la plupart des peuples arabes et d'une bonne partie de l'opinion internationale. La plus amère de toutes ces déceptions vient du fait que:
- L'exécution était plutôt une sorte de vengeance et non pas un talion mérité. Paradoxalement sur une banderole brandie dans l'enceinte où l'échafaud a été érigé, on a bien lu le verset du Coran suivant "C'est dans le talion que vous aurez la préservation de la vie, O vous doués d'intelligence, ainsi atteindriez-vous la piété.(179, 2e Sourate "La Vache").
- Les bourreaux cagoulés ne se sont pas contentés de se taire ne serait-ce que par respect à la mort. Au contraire ils se sont livrés à une sorte d'euphorie en lançant des slogans qui dévoilaient ouvertement leur appartenance communautaire (en l'occurrence shiite).
- Le timing de la sentence a été choisi par les américains et leurs alliés irakiens, de telle sorte qu'il coïncide avec la grande fête du sacrifice, célébrée samedi par les sunnites et exceptionnellement le lendemain (dimanche) par les shiites. La provocation anti-sunnite était bien flagrante.
- Opter pour la pendaison et non pas pour la fusillade comme le réclamait vainement Saddam lui-même en considération de son grade militaire, c'est faire de lui un vulgaire condamné de droit commun, et non pas un prisonnier de guerre...
Ce qui est encore décevant à mes yeux, c'est qu'en plus de ce qui précède, la condamnation de Saddam a déjà été compromise dès la chute de Bagdad par les Yankees. Quand un peuple détrône lui-même son despote, ça légitime la vengeance de ce peuple même à la roumaine. Mais à partir du moment qu'une force étrangère s'y immisce (pour ses propres intérêts), la vengeance d'une quelconque opposition opportuniste et collabo, ne peut qu'être taxée de bassesse voire de trahison.
L'exécution de Saddam a été le dernier événement lugubre de l'année 2006 ; j'aurais aimé qu'il soit autrement…
mais bon ! La vie continue...
Je souhaite, tout de même, une année 2007 positivement différente sur tous les plans, à tous mes amis et à tous mes visiteurs.
RAFRAFI
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