lundi, 01 juin 2015
Poème interdit
J'ai reçu de l'écrivaine saoudienne Belqees Mulhim (@belqees_mulhim), un message contenant un de ses poèmes récents précédé d'une note. En raison de son importance et de la beauté du poème qu'il contient, son message en dit long sur "le dit et l'interdit". Ce qui m'a incité à le traduire pour vous. Je vous laisse le découvrir:
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Mon poème est interdit en Arabie Saoudite !!
Il y a deux semaines, on m'a demandé d'écrire un poème sur les valeurs morales et de le lire dans un forum organisé sur l'éducation.
À ce moment-là j'avais dans ma tête un poème sur l'humanité et me suis dite que cela fera l'affaire. J'ai envoyé le poème et du coup une surprise: on m'a demandé d'attendre parce qu'un agent de censure doit examiner le poème et juger de sa validité d'être publiquement lu ou non.
Ce censeur est un groupe de femmes travaillant au ministère de l'Éducation! Leur niveau de culture ne dépasse pas un millimètre. La durée de leur souffle intellectuel ne dépasse pas un centimètre!
Elles ont délibéré longuement pour qu'elles décident enfin le refus de mon poème. Leurs arguments reflètent une sorte de vengeance contre toute idée qui prône la conscience esthétique ou la culture humaine en général...
Mon texte a été accusé d'avoir profané la divinité et de s'être inspirer des idées d'athées et de croisés, et bien d'autres fumisteries dont je ne me souviens pas!
Elles se sont opposées à des expressions telles que: amulette, Kabir (prénom du poète hindou, le mot arabe kébir signifie «Grand»), félicité céleste, mélodie de la corde et surtout à la conception même de mon texte qui appelle à l'égalité et à l'humanisme...
Je suis désolée de voir celles et ceux qui s'opposent à la créativité, se vanter de leur foi et de la pureté de leur credo alors qu'ils excommunient l'autre et ne voient sa bienfaisance qu'à travers le trou d'une aiguille!
Et maintenant... mon poème a-t-il quelque peu servi de pansement sur la blessure de «Kabir»?
J'aurais aimé infuser mon poème et le lui faire boire par le biais des cordes célestes.. Oh, ai-je dit célestes! J'ai peur d'avoir proféré un blasphème qui me ferait perdre mon amour pour les êtres humains!
Le chant de «Kabir» *
Par Belqees Mulhim
-1-
Il y a cinq siècles, le monde connaissait par cœur d'amour une chanson immortelle gazouillée par un poète appelé «Kabir»
Moi-même, je l'ai également apprise par cœur et transformée en une amulette
"Ne vas pas au jardin des fleurs, Ô ami, n'y va pas ! En toi est le jardin des fleurs"
En toi est le jardin des fleurs. Demeure sur le lotus aux mille pétales et là, contemple l'infinie beauté. (Kabir)
Une fleur s'ouvre en calice
au moment où le soleil flamboie dans mes côtes
vibre dans mon sang en faisceaux de lumière
se propage dans l'étendue, dans la luminosité et dans le ciel
elle continue à rester un chant sur les becs des oiseaux
Dans les champs, je cueille des épis dont se dégage le parfum de la vie
Là ..
Dans le champ de lotus je coupe mon âme en deux
Telle une copieuse mélodie sur une corde
Juste à présent
Je peux vous dire:
Entrez dans les rimes de la poétique..
-2-
Dans le dédale du chaos humain
Dans l'infusion de la coloquinte des guerres
Dans le spleen d'une larme
dans la déception des rendez-vous
Dans la ruse des attitudes
La chanson de Kabir allait se mourir
Et se tarir comme une fontaine entourée de papillons morts calmement
Dans une telle obscurité
Une faible lumière m'a conduit à Dieu
Ainsi qu'une voix humaine
La voix de la terre
La voix du ciel, qui d'ores et déjà habite entièrement en moi,
me dit:
Assaille les monstres des ténèbres par ta chandelle
Brûle le bout de la forêt bâtarde
Le langage bâtard
et la religion bâtarde!
Puis laisse-les s'évaporer
comme s'évapore le sel des démons
-3-
Dans une telle obscurité
Je frotte mon cœur avec les larmes des pauvres
jusqu'à ce qu'il devienne comme une lumière rougeoyante
Et le monde devienne sources, soleil, lune et dôme de marbre,
Ainsi je me l'approprie davantage.
Comme un essaim d'oiseaux
La chanson de «Kabir» s'est remise à gazouiller
À taper sur mon cœur avec une rose
Et à le maintenir jusqu'au bout du chemin:
Tu es pure comme la neige, les mûriers et les chênes
Tu as une grande taille comme les palmiers de mon pays
Tu es sombre comme le voile des veuves
Tu es une nuée et une pluie qui irrigue la matrice de la terre
Tu es un four pour cuire le pain de chasteté
-4-
La chanson de «Kabir» s'est remise à gazouiller
se faisant l'écho du chant de l'amour à l'humanité
Vers la félicité universelle:
Je serai ce que je devrais être
et ce que désirent mes pas et ma langue
j'apprivoise mes erreurs
et avec elles je monte au plus haut de mon faîte
Je me creuserai une place dans la roche
Je planterai une rose
et sèmerai une poignée de blé
pour nourrir tout foie desséché
Je passerai mes doigts sur la tête d'un orphelin
sans le blesser
et lui demanderai: comment t'appelles-tu? Ou, quelle est ta tribu? Ou bien, c'est quoi ta religion?
J'ouvrirai mon cœur et crierai mon amour universel
Je taperai les portails des villes éloignées
J'y entrerai avec la charte de la paix
et présagerai:
une nouvelle aube émergera
avec la psalmodie de ses signes scellés à l'horizon
cherchant des matins derrière les frontières lointaines
jusqu'au bout de l'étendue
en vue de faire mûrir les épis ornés de blanc
-5-
La chanson de «Kabir» s'est remise à gazouiller
se faisant l'écho du chant de l'amour à l'humanité
Vers la félicité universelle:
"L’Âme suprême
est vue en dedans de l’âme.
Le point ultime est vu dans l’Âme suprême.
Et, dans ce Point, les créations se reflètent encore."
.....
* Poète hindou du XIVe siècle. Il avait eu de nombreux adeptes. Il prônait l'unité des religions et le refus du racisme.
Les passages cités dans ce texte sont du grand poète «Kabir»
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RAFRAFI
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samedi, 17 janvier 2015
Appel aux "Survivants"
Aux caricaturistes de Charlie Hebdo:
En fait, vous n'avez pas besoin de prouver ni au monde ni à vous-même, que vous êtes libres; car votre liberté est déjà une réalité, légalement garantie. Ce n'est pas un attentat aussi criminel et terroriste, qui a, malencontreusement, coûté la vie de vos collègues, qui va détruire ce précieux acquis humain: la liberté d'expression.
Cependant, vous seriez d'accord, me semble-t-il, que votre liberté restera imparfaite aussi longtemps qu'il y ait des gens dans ce monde qui en sont privés. Albert Camus n'a-t-il pas dit à cet égard, "La liberté est un bagne aussi longtemps qu'un seul homme est asservi sur la terre."
Aujourd'hui, nous vivons dans un monde où le message se propage à la vitesse de la lumière, où toute expression libre sur n'importe quel sujet est susceptible de produire un effet papillon.
Ainsi, tu es aujourd'hui en mesure mon cher dessinateur de contribuer à créer l'événement, c'est-à-dire à faire l'Histoire.
Par conséquent et pour que votre liberté ne ressemble pas à un comportement d'enfants jouant naïvement et spontanément pendant les obsèques d'un membre de la famille, je vous invite à mettre à jour votre vision sur la situation des musulmans du monde; en particulier ceux qui ne sont pas encore en mesure de reconquérir leur liberté et que dire de réaliser l'importance de votre liberté d'expression, liberté qui pourrait leur sembler comme la brioche de Marie-Antoinette.
Parmi ces musulmans dont les Arabes précisément, il y a certains qui ont fait des révolutions baptisées Printemps Arabe. Pourquoi Printemps ! Parce qu'elles sont survenues après une longue léthargie durant laquelle la tyrannie avait fait d'eux des fantômes ou au mieux des machines au service de son pouvoir.
Ce que je vous suggère, chers dessinateurs c'est de vous tourner un peu vers ces tyrans, amis de vos dirigeants élus, et de leur consacrer ce que vous pouvez faire comme dessins des plus acerbes sur leur oppression et leur injustice, plutôt que de vous concentrer sur le Prophète Mahomet, considéré par tous ces musulmans, ne serait-ce que dans leurs cœurs sinon aussi par leur comportement, comme étant leur idéal humain et leur seule arme spirituelle face aux tyrans.
Entre la tyrannie de ceux qui les gouvernent d'une part et votre présentation caricaturale de leur idéal, d'autre part, ils se retrouveraient dans ce qui ressemble à un ouragan, qui pourrait grandir, s’accélérer et tout balayer. Dans le même temps, nous voilà témoins de ce qu'on appelle le terrorisme, et qui n'est en fait qu'un fruit amer de la tyrannie, de la marginalisation et de l'exclusion. Le discours religieux de ce terrorisme n'est qu'un usage symbolique d'un héritage spirituel pour justifier l'injustifiable, et non pas forcément l'expression d'une nature «terroriste» de la religion, ni d'aucune religion d'ailleurs.
Je dirais que la liberté de ces musulmans pourrait aussi renforcer et enrichir spontanément votre liberté de créativité. En revanche, asservis, localement par leurs tyrans, et mondialement par les politiques de convoitise et de monopole, et en même temps négligés par la petite bouche que vous en faites, ces musulmans vous diraient: Vous voilà presqu'à nouveau dans la fameuse position de l'épouse de Louis XVI !
En lisant récemment un article en langue arabe sur les événements sanglants de Paris, l'auteur cite Voltaire: "Les Français ne sont pas fait pour la liberté, ils en abuseraient." N'étant pas sûr de l'authenticité de cette citation, elle ne m'a vraiment pas pour autant convaincu; car je crois que tous les peuples sont faits pour la liberté et chacun à sa manière.
Comme Proudhon qui a défendu son socialisme en disant qu':"Il ne s'agit pas de tuer la liberté individuelle mais de la socialiser", je dirais que mon appel à vous ici, n'est pas pour que vous "tuez" votre liberté d'expression, mais pour l'humaniser. Edouard Herriot n'a-t-il pas dit: "Ceux qui ont conquis la liberté l'ont conquise pour tous"?
Aujourd'hui, au vu de ce que votre collègue, feu Georges Wolinski avait un jour dit: "Nous voulons du concret. Les idées on a vu où ça mène", je dirais que le concret que je vois est celui de faire de votre liberté d'expression un pont vers la liberté d'autrui, musulmans en l'occurrence, et non pas un canon pointé vers plus d'écrasement physique et symbolique à leur égard.
Que la liberté d'expression, si chère pour vous, pour nous, soit partout et pour tous.
RAFRAFI
NB.
Image jointe : Un dessin syrien autour du calvaire hivernal vécu par des enfants de réfugiés syriens.
"Je m'appelle Mohamed" est une note sur le même sujet publié ici après la publication des caricatures danoises en 2006. Voir ICI
20:43 Publié dans actu, Art, Politis | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |
Charlie et Hanthala
Caricature de l'artiste peintre tunisien Chadly Belkhamsa:
Les Charlies et Hanthala (personnage symbolique du caricaturiste palestinien Naji Al-Ali, assassiné à Londres le 29 août 1987)
04:17 Publié dans actu, Art | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
dimanche, 08 décembre 2013
Les fruits de la lumière !
Une réflexion littéraire sur la lumière, faite par l'écrivain saoudien Mohammed al-Rittiyane, donne matière à réflexion chez tout humain, dont moi-même, épris par cet élément universel. C'est pour cette raison que je vous propose ici ma traduction de ce texte, en bribes, intéressant et intrigant:
Les fruits de la lumière !
02/12/2013
(1)
La lumière que vous voyez et qui ne vous montre rien... est une lumière trompeuse!
(2)
L'obscurité: une lumière noire.
C'est l'optimiste qui le dit.
(3)
Toute «lumière».. est causée par quelque chose de brûlé!
(4)
Le fameux dicton dit :
«Mieux vaut allumer une seule et minuscule chandelle que de maudire l'obscurité».
Mais, que feriez-vous si on vous dérobait la chandelle?
À ce moment-là, il faudrait maudire le voleur, ta faiblesse, l'obscurité et le régime en place qui ne lui demande pas des comptes.
(5)
Parce qu'il est habitué à l'obscurité.. la lumière subite l'a aveuglé.
Comment convaincre un ignorant que la coupable est l'obscurité et non la lumière?
(6)
Il est facile de voir la lumière dans l'obscurité..
Mais qui c'est qui a le don de voir l'obscurité dans la lumière!?
(7)
Méfiez-vous des lumières des panneaux d'affichage:
- Elles troublent vos yeux.
- Elles vous distraient pendant que vous conduisez..
- Elles envisagent de subtiliser votre portefeuille!
(8)
Une des phrases merveilleuses dit –à peu près–, que vous ne pouvez pas faire la «lumière» sur l'obscurité pour l'étudier, car celle-ci va disparaître à ce moment-là.. Que faire donc?
Devrions-nous discuter de l'obscurité et l'analyser dans le noir.. ou, plutôt nous contenter de la supprimer !
Mais comment la supprimer sans la «voir» et la comprendre?!
Je crois qu'il nous faut des yeux extraordinaires, capables de voir l'obscurité dans le noir avant d'y jeter la lumière!
(9)
Le poète dialectal Abdullah al-Massoudi dit dans l'une de ses magnifiques illuminations:
Je ne suis que celui qui éteint la lumière et décrypte l'obscurité!
(10)
La lumière du soleil nous dévoile.. Il n'y a personne dont l'ombre est blanche!
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Mohammed al-Rittiyane
Source: araa.com
Traduit de l'arabe par:
RAFRAFI
01:48 Publié dans Art, Pensée, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
mercredi, 20 novembre 2013
Tacloban, le panier de morts
Se mettant dans la peau d'une jeune fille victime du typhon Haiyan, la poétesse et nouvelliste saoudienne Belqees Mulhim a écrit un poème que je qualifierais de biblique et d'un caractère à la fois effroyable et tendre. Je vous propose ci-dessous ma traduction de l'arabe de ce magnifique poème, intitulé, Tacloban, ville martyre.
(Tacloban* qui veut dire panier de pêche, est la capitale et la ville la plus peuplée de la région VIII des Philippines.) :
Tacloban, ville martyre
Le rêve n'était pas soyeux
il m'a manqué entre deux cieux
et ne m'a pas emporté en l'air, ni ceinturé de jasmin
Ce jour-là, à l'aube, le rêve tomba en colère comme un monstre
déchira ma chemise
pela ma peau
brisa mes os
et s'empara de tout mon corps
Entre deux vagues, je me voyais inhaler la noyade
et soulevais deux cadavres avec moi
Par terre, nous nous sommes allongés, nous les trois
Amihane, Dato et moi
Nous nous sommes reconnus alors que nous tenions
les doigts d'un arbre
Nos cris étaient chastes comme le murmure
La mer nous observait
Les maisons dansaient
Les enfants glissaient vers le ciel
Le ciel était en train de dresser une table pour les martyrs
Personne ne me voyait trembloter
Dato essayait de pêcher la bouche d'Amihane
Amihane était en train de téter l'obscurité au milieu de la détresse!
» Haiyan « ne savait pas comment l'herbe pousse dans nos poumons
ne connaissait pas la taille de nos petits lits
ni nos humbles prières
Pour cela, il nous a engagés dans une accolade sans arrêt
où une vague surmonte une autre
où la mort nous ballotte comme une balançoire
Balqees Mulhim
Poétesse et nouvelliste Saoudienne
Ambassadeur bénévole de la culture dans le golfe Arabo-Persique
...........
*Le typhon qui a frappé la ville de Tacloban en Philippines, tuant 10.000 personnes et blessant des centaines de milliers d'autres.
RAFRAFI
22:28 Publié dans actu, Art | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |