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jeudi, 26 février 2009

Ne volez pas ma voix

Couverture_Wafaa-1.jpgÔ grand-père
toi que les champs remémorent,
tes cheveux blancs
servaient à la procréation des foyers;
Aujourd'hui c'est le feu qui s'en sert

(Mémoires de l'enfant de la guerre)

Dans une note précédente intitulée Guerre et poésie, je vous ai parlé de Wafaa Abed al Razzaq, poétesse irakienne qui a écrit les "Mémoires de l'enfant de la guerre", recueil de poèmes sous formes de strophes répartis sur quinze chapitres. Ce recueil le voici traduit de l’arabe en français par Hédia Dridi et édité récemment chez l’Harmattan dans la collection «Poètes des Cinq Continents» avec un sous-titre Ne volez pas ma voix, inclus dans le dessin illustrant la couverture, lui-même réalisé par la traductrice.signature_wafaa_Hedia.jpg
Manuscrit dans sa version originale, ce recueil a déjà remporté l’année dernière au Liban le Prix du Mitropolite Nicholaous No'man des vertus humaines. En plus de la traduction vers l’anglais faite par l’écrivain syrien Yousef Shughri, ces «Mémoires» ont été scénarisés par un scénariste irakien et vont être portés à l’écran éventuellement par un cinéaste allemand.
En plus de cette traduction en français, qui a été co-révisée par Josyane De Jesus-Bergey et moi-même, Hédia Dridi donne son appréciation sur cette œuvre à la quatrième couverture du recueil où elle écrit entre autres :Couverture_Wafaa-2.jpg

Wafaa Abed Al Razzaq, nous présente avec ses Mémoires de l’Enfant de la Guerre, une stature d’enfant-homme, mais c’est aussi, tout enfant irakien qui se réincarne dans Ali à travers cette enfance volée et violée par la violence de notre monde d’adultes.
Et d’ajouter : Il m’est apparu indispensable que ces magnifiques poèmes soient traduits, même s’il est dit que traduire est une forme de trahison. Il m’a semblé que de ne pas traduire c’était encore pire, comme si j’abandonnais cet enfant seul, perdu quelque part…

Les images de la guerre contre Gaza montrant Jamila, la palestinienne de dix ans, amputée de ses deux jambes et qui défie son drame en aspirant à devenir un jour une journaliste, ou d’Almaza, la fille de 11 ans, qui, le visage terreux, raconte, sans aucune larme, l’exécution sommaire et impitoyable, devant ses yeux, de toute sa famille, par les soldats israéliens, ou encore d’Ahmad, l’enfant de neuf ans qui réclame son droit à une vie digne d’un enfant de son âge, ces images ont sinistrement déferlé sur l’actualité et intensifié ainsi l’image de l’enfant irakien Ali cité plus haut par la traductrice.signature_wafaa.jpg
Cela avait coïncidé avec la période allant de la date de la parution de ces «Mémoires» en décembre dernier et la cérémonie de la présentation-dédicace jeudi dernier. Au cours de cette présentation, l’auteur et la traductrice se sont relayées pour lire quelques strophes dans les deux langues devant un public, qui, bien que restreint, n’a pas manqué de curiosité ni de compassion ni d’estime pour la qualité et de la poésie et de la traduction.signature_Hedia.jpg
De commun accord entre l’auteur et la traductrice, le profit qu’elles pourraient tirer de la vente de ces «Mémoires» ira aux enfants orphelins et handicapés irakiens qui sont les plus fragiles des victimes de la guerre, pour lesquelles l’auteur représente déjà une association caritative.
Les «Mémoires de l'enfant de la guerre» resteront gravés par leur poétique, leur sincérité et leur audace, dans la mémoire de tous ceux qui désirent voir l’actualité autrement, c’est-à-dire la regarder par les deux bouts d’une autre lorgnette, à savoir la poésie et l’enfance.

Le nord
et le sud
se sont engagés
à faire de mon enfance
un ballon pour le cirque.

(Mémoires de l'enfant de la guerre)

RAFRAFI

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lundi, 09 février 2009

Paradoxes sionistes

Ovadya_Yosef.jpgCe n’est pas pour enchérir de rhétorique sur le Paradoxe juif de Nahum Goldmann, mais chaque fois que des élections se préparent en Israël, il me revient à l’esprit l’image que les sionistes et les pro-sionistes ne cessent de diffuser, décrivant Israël comme palmeraie de démocratie et de liberté au milieu d’un désert de tyrannie, d’obscurantisme et de haine(!).
Israël démocratique? Oui, mais que pour les juifs. Ce qu’on appelle les «arabes israéliens» (un million et demi), c’est-à-dire les autochtones palestiniens (de confession chrétienne et musulmane) ne bénéficient guère des mêmes privilèges que les juifs israéliens. Pis encore, certaines catégories de ce qu’on appelle juifs séfarades (d’origine orientale) subissent une sorte de discrimination en regard des juifs ashkénazes (d’origine occidentale). Le cas des Falachas est, quant à lui, plus lamentable.
Je ne vais pas m’étaler ici sur la description de l’échiquier politico-électoral israélien, mais plutôt de dévoiler encore une fois la politique de deux poids deux mesures, pratiquée par Israël et réinjectée dans le discours diplomatique de ses alliés occidentaux.
Pendant la guerre froide, l’idée d’un État palestinien à côté de l’État d’Israël, était conçue par ce dernier comme un projet d’une future base arabo-soviétique anti-israélienne, et donc, exclue. Et ce malgré l’existence dans la Knesset, de partis israéliens de gauche et d’extrême gauche, comme le parti communiste d'Israël, le Mapam, le Matzpen, le Maki et le Rakah. À présent, un projet d’un État palestinien est conçu comme une menace «islamo-terroriste» sauf s’il est a priori «nettoyé» de toute fraction religieuse (d’où la guerre contre Gaza). Car le discours islamiste du Hamas et du Djihad, pose actuellement problème pour Israël et ses alliés régionaux et internationaux, qui, pour des raisons purement géostratégiques, n’y voient qu’un écho du discours iranien(!!).
Que le Hamas soit, avant et après tout, un mouvement de résistance à discours religieux, que ce mouvement, soit issu des Frères musulmans de Palestine dont la constitution était d’ailleurs facilitée indirectement (les années 1970 et 1980) par ce même Israël qui est allé à l’époque jusqu’à reconnaître officiellement son bras politique et caritatif, et ce dans le but de contrecarrer le Fatah (nationaliste laïc) et la gauche marxiste palestinienne,
… que le Hamas joue le jeu politique et s’engage par ricochet, dans le processus d’Oslo, jusqu’à remporter les élections législatives palestiniennes du 26 janvier 2006, en obtenant 56% des suffrages, ce qui lui a donné une majorité parlementaire obligeant Mahmoud Abbas, à inviter le Hamas à former un nouveau gouvernement, et à inciter Israël à prohiber ce dernier jusqu’à enlever et emprisonner ses parlementaires avec leur président.
… que le Hamas ait, à maintes reprises respecté la trêve, parfois de plusieurs mois, sans que celle-ci ne soit véritablement respectée par Israël (blocus de Gaza qui est une forme de guerre, bombardement sporadique contre tel ou tel activiste palestinien…) ,
… tout cela s’évapore devant la maussade ritournelle: Hamas (et Djihad avec), égale terrorisme, islamo-fascisme, antisémitisme… etc.
Malgré certaines thèses du Hamas ou du Djihâd (et même du Fatah), que je désapprouve formellement, je ne peux pas admettre non plus cette position paradoxale qui diabolise d’un côté un extrémisme palestinien (jadis, des barbus marxistes, à présent, des barbus islamistes) et révère d’un autre côté l’extrémisme israélien, s’étendant du parti travailliste jusqu’au Yahadut Hatorah en passant par Kadima, le Likoud, Israel Beytenou, le Moledet, le Herout, le Tkuma, le parti Mizrahi, et le Shass.
Face au palestinien exemplaire, qui, pour que la «paix» s’installe, ne doit être que mou ou mort, l’israélien, quant à lui, peut se permettre le luxe très «démocratique» d’être extrémiste, fanatique, ultra-quelque chose, voire raciste, et pardessus le marché représenté à la Knesset. Vous me diriez, les arabes israéliens y sont aussi représentés. Oui, mais juste pour le décor démocratique. Il suffit de voir leur proportion ainsi que leur absence systématique et continuelle de tout gouvernement. Et de voir aussi les dernières objections soulevées par plusieurs leaders politiques juifs israéliens contre la participation arabe aux élections. Ces leaders ne cessent de lancer un mot d’ordre partagé par plusieurs partis du centre, de droite et d’extrême droite jusqu’aux «ultras orthodoxes», qui consiste à réclamer le transfert de la population arabe d’Israël (un million et demi) vers les territoires, pourtant occupés, de «l’autorité palestinienne». Le Moledet en est le défenseur farouche, mais récemment aussi Tzipi Livni, la candidate du Kadima.
C’est quoi ce transfert si ce n’est pas du nettoyage ethnique? Plus concrètement encore, aux âmes très douillettes aux discours islamistes du Hamas ou du Djihad, je propose ci-après quelques thèses Théo-idéologiques (de sources différentes) qui en disent long sur l’autre «extrémisme démocratique» ou «démocratie extrémiste» (comme vous voulez) à l’israélienne:
180px-Talmud.jpg
NETTOYAGE ET SEPARATION


Le Moledet (en hébreu: "Terre natale"): «Il a centré l'essentiel de sa plate-forme idéologique sur l'idée du "transfert" des palestiniens hors d'Eretz Israël (Israël dans ses frontières bibliques). En principe, ce "transfert" est censé être volontaire, mais le manque évident d'intérêt des palestiniens pour un départ explique qu'officieusement le "transfert" soit envisagé comme contraint.»
Israel Beytenou (en hébreu "Israël notre Maison"): «L'essentiel de la plate-forme politique de ce parti consiste en un plan de modification des frontières d'Israël afin de séparer la majorité juive du 1,4 million d'Arabes israéliens, dont la loyauté à l'État hébreu est régulièrement mise en doute par son leader. En mai 2006, Lieberman appelle à l'exécution des députés arabes israéliens en contact avec le Hamas ou ayant célébré le jour de la Nakba, «la catastrophe», au lieu de celui de l'Indépendance israélienne»
Le Herout (en hébreu liberté): «Nous croyons qu'un effort national visant à encourager l'émigration (des Arabes vivant en Israël et dans les territoires palestiniens) vers les pays arabes résoudra à long terme le problème démographique d'Israël. Nous demandons que l'hébreu soit déclaré seule langue officielle de l'état juif. Pour les élections du 28 mars 2006, le Hérout a lancé une campagne d'affichage pour encourager les israéliens arabes à partir du pays:"Le Hérout vous aidera et paiera pour que votre famille émigre vers n'importe quel pays arabe et y vive une vie heureuse" (Jerusalem Post du 24 mars 2006). Nous demandons que la loi du retour soit modifiée pour arrêter l'afflux des non-juifs dans le pays, qui mettrait en danger la majorité et le caractère juifs de l'état.»
Le Shass. (Parti «ultra-orthodoxe»). Son leader spirituel le rabbin Ovadia Yossef, excelle dans la haine raciale: «Dans la vieille ville de Jérusalem ils [les Arabes] fourmillent. Qu’ils aillent en enfer– et le Messie les y conduira vite ». Depuis la chaire de sa synagogue de Jérusalem: «Il faut, anéantir les Arabes. Il ne faut pas avoir pitié d’eux, il faut leur tirer dessus avec des super missiles, les anéantir, ces méchants, ces maudits.» Les mêmes Arabes qu’il avait assimilés à des "serpents", êtres nuisibles et venimeux.


ESPACE VITAL ET EXPANSION

Israel Beytenou s'oppose aux discussions de paix commencées depuis la conférence d'Annapolis (novembre 2007) sur les questions-clés du conflit avec les Palestiniens, comme le tracé des frontières, le statut de Jérusalem, le sort des colonies juives et des réfugiés palestiniens. Pour le parti, «Démanteler les colonies sauvages est un casus belli».
Le Herout «prône le projet d’un grand Israël sur les deux rives du fleuve Jourdain (incluant donc l'actuelle Jordanie). Il a ensuite été fermement opposé au retrait de la Bande de Gaza projeté dès 2003, et réalisé en 2005. Dans son programme 2006 en 13 points on lit: Nous croyons d'une croyance sans borne en la réalisation du grand Israël et au droit du peuple juif à sa patrie héréditaire, la terre d'Israël.»


FANATISME ET OBSCURANTISME

Pour le rabbin Ovadia Yossef, chef spirituel du Shass, "les enseignants laïques sont des ânes". En 2000, il a prétendu que les victimes de l’Holocauste étaient des âmes pécheresses réincarnées qui devaient expier par ce biais. En novembre 2003: «Tous les problèmes viennent des Ashkénazes... Vous les Juifs ashkénazes, vous avez été en Occident, en enfer. Pourquoi êtes-vous venus ici ? Ce que vous dites ou faites est sans importance». En 2005 après l’ouragan Katarina: «Il y a eu un tsunami et il y a eu des désastres terribles, parce qu’on n’étudie pas assez la Torah... Les Noirs habitent là-bas [Nouvelle Orléans]. Les Noirs étudient-ils la Torah ? [Dieu a dit] envoyons-leur un tsunami et noyons-les... Bush était derrière [les expulsions de] Gush Katif, il a encouragé Sharon à vider Gush Katif... nous avons eu 15 000 expulsions ici [en Israël], et il y a eu [aux États-Unis] 150 000 [morts]. C’était la rétribution divine... Dieu donne à chacun ce qu’il mérite».
Le Herout: «Nous croyons que les valeurs éternelles de la Torah devraient être fermement enracinées dans la vie de l'état et du peuple juif. Nous appelons l'état d'Israël à ne pas oublier les contributions de Jonathan Pollard (espion israélien) et à œuvrer activement à sa libération des prisons américaines.»
Le Mizrahi «est l'une des branches du sionisme religieux et sa première incarnation historique, défendant l'idée d'un État juif largement basé sur le judaïsme orthodoxe».

Si on ajoute à tout cela les colons armés qui, épaulés parfois par le Tsahal, font une vie d'enfer à leurs voisins palestiniens et n’hésiteraient pas à suivre l’exemple du terroriste Baruch Goldstein (qualifié par Israël, juste de militant sioniste religieux radical israélo-américain !!) l'auteur du massacre du tombeau des Patriarches à Hébron en 1994 où il tua 29 palestiniens et en blessa un certain nombre au moment de leur prière, on peut voir l’image de cette «démocratie» armée jusqu’aux dents et jusqu’au dernier palestinien en ligne de mire sioniste.800px-Chernobil_rabbis.jpg

N.B. après avoir écrit cette note, j’ai reçu un commentaire important sous la note précédente, de la part de Jean-Moïse Braitberg, l’auteur de la fameuse lettre ouverte au président israélien. Je vous invite à le lire.
Rafrafi

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