jeudi, 15 janvier 2015
Schlomo Sand & Charlie
«Je ne suis pas Charlie»
mardi 13 janvier 2015
par L'historien israélien athée Schlomo Sand
Rien ne peut justifier un assassinat, a fortiori le meurtre de masse commis de sang-froid. Ce qui s’est passé à Paris, en ce début du mois de janvier constitue un crime absolument inexcusable. Dire cela n’a rien d’original : des millions de personnes pensent et le ressentent ainsi, à juste titre. Cependant, au vu de cette épouvantable tragédie, l’une des premières questions qui m’est venue à l’esprit est la suivante : le profond dégoût éprouvé face au meurtre doit-il obligatoirement conduire à s’identifier avec l’action des victimes ? Dois-je être Charlie parce que les victimes étaient l’incarnation suprême de la liberté d’expression, comme l’a déclaré le Président de la République ? Suis-je Charlie, non seulement parce que je suis un laïc athée, mais aussi du fait de mon antipathie fondamentale envers les bases oppressives des trois grandes religions monothéistes occidentales ?
Certaines caricatures publiées dans Charlie Hebdo, que j’avais vues bien antérieurement, m’étaient apparues de mauvais goût ; seule une minorité d’entre elles me faisaient rire. Mais, là n’est pas le problème ! Dans la majorité des caricatures sur l’islam publiées par l’hebdomadaire, au cours de la dernière décennie, j’ai relevé une haine manipulatrice destinée à séduire davantage de lecteurs, évidemment non-musulmans. La reproduction parCharlie des caricatures publiées dans le journal danois m’a semblé abominable. Déjà, en 2006, j’avais perçu comme une pure provocation, le dessin de Mahomet coiffé d’un turban flanqué d’une grenade. Ce n’était pas tant une caricature contre les islamistes qu’une assimilation stupide de l’islam à la terreur ; c’est comme si l’on identifiait le judaïsme avec l’argent !
On fait valoir que Charlie s’en prend, indistinctement, à toutes les religions, mais c’est un mensonge. Certes, il s’est moqué des chrétiens, et, parfois, des juifs ; toutefois, ni le journal danois, ni Charlie ne se seraient permis, et c’est heureux, de publier une caricature présentant le prophète Moïse, avec une kippa et des franges rituelles, sous la forme d’un usurier à l’air roublard, installé au coin d’une rue. Il est bon, en effet, que dans la civilisation appelée, de nos jours, « judéo-chrétienne », il ne soit plus possible de diffuser publiquement la haine antijuive, comme ce fut le cas dans un passé pas très éloigné. Je suis pour la liberté d’expression, tout en étant opposé à l’incitation raciste. Je reconnais m’accommoder, bien volontiers, de l’interdiction faite à Dieudonné d’exprimer trop publiquement, sa « critique » et ses « plaisanteries » à l’encontre des juifs. Je suis, en revanche, formellement opposé à ce qu’il lui soit physiquement porté atteinte, et si, d’aventure, je ne sais quel idiot l’agressait, j’en serais très choqué… mais je n’irais pas jusqu’à brandir une pancarte avec l’inscription : « je suis Dieudonné ».
En 1886, fut publiée à Paris La France juive d’Edouard Drumont, et en 2014, le jour des attentats commis par les trois idiots criminels, est parue, sous le titre : Soumission, « La France musulmane » de Michel Houellebecq. La France juive fut un véritable « bestseller » de la fin du 19ème siècle ; avant même sa parution en librairie,Soumission était déjà un bestseller ! Ces deux livres, chacun en son temps, ont bénéficié d’une large et chaleureuse réception journalistique. Quelle différence y a t’il entre eux ? Houellebecq sait qu’au début du 21ème siècle, il est interdit d’agiter une menace juive, mais qu’il est bien admis de vendre des livres faisant état de la menace musulmane. Alain Soral, moins futé, n’a pas encore compris cela, et de ce fait, il s’est marginalisé dans les médias… et c’est tant mieux ! Houellebecq, en revanche, a été invité, avec tous les honneurs, au journal de 20 heures sur la chaine de télévision du service public, à la veille de la sortie de son livre qui participe à la diffusion de la haine et de la peur, tout autant que les écrits pervers de Soral.
Un vent mauvais, un vent fétide de racisme dangereux, flotte sur l’Europe : il existe une différence fondamentale entre le fait de s’en prendre à une religion ou à une croyance dominante dans une société, et celui d’attenter ou d’inciter contre la religion d’une minorité dominée. Si, du sein de la civilisation judéo-musulmane : en Arabie saoudite, dans les Emirats du Golfe s’élevaient aujourd’hui des protestations et des mises en gardes contre la religion dominante qui opprime des travailleurs par milliers, et des millions de femmes, nous aurions le devoir de soutenir les protestataires persécutés. Or, comme l’on sait, les dirigeants occidentaux, loin d’encourager les « voltairiens et les rousseauistes » au Moyen-Orient, apportent tout leur soutien aux régimes religieux les plus répressifs.
En revanche, en France ou au Danemark, en Allemagne ou en Espagne où vivent des millions de travailleurs musulmans, le plus souvent affectés aux tâches les plus pénibles, au bas de l’échelle sociale, il faut faire preuve de la plus grande prudence avant de critiquer l’islam, et surtout ne pas le ridiculiser grossièrement. Aujourd’hui, et tout particulièrement après ce terrible massacre, ma sympathie va aux musulmans qui vivent dans les ghettos adjacents aux métropoles, qui risquent fort de devenir les secondes victimes des meurtres perpétrés à Charlie Hebdo et dans le supermarché Hyper casher. Je continue de prendre pour modèle de référence le « Charlie » originel : le grand Charlie Chaplin qui ne s’est jamais moqué des pauvres et des non instruits.
De plus, et sachant que tout texte s’inscrit dans un contexte, comment ne pas s’interroger sur le fait que, depuis plus d’un an, tant de soldats français sont présents en Afrique pour « combattre contre les djihadistes », alors même qu’aucun débat public sérieux n’a eu lieu en France sur l’utilité où les dommages de ces interventions militaires ? Le gendarme colonialiste d’hier, qui porte une responsabilité incontestable dans l’héritage chaotique des frontières et des régimes, est aujourd’hui « rappelé » pour réinstaurer le « droit » à l’aide de sa force de gendarmerie néocoloniale. Avec le gendarme américain, responsable de l’énorme destruction en Irak, sans en avoir jamais émis le moindre regret, il participe aux bombardements des bases de « daesch ». Allié aux dirigeants saoudiens « éclairés », et à d’autres chauds partisans de la « liberté d’expression » au Moyen-Orient, il préserve les frontières du partage illogique qu’il a imposées, il y a un siècle, selon ses intérêts impérialistes. Il est appelé pour bombarder ceux qui menacent les précieux puits de pétrole dont il consomme le produit, sans comprendre que, ce faisant, il invite le risque de la terreur au sein de la métropole.
Mais au fond, il se peut qu’il ait bien compris ! L’Occident éclairé n’est peut-être pas la victime si naïve et innocente en laquelle il aime se présenter ! Bien sûr, il faut être un assassin cruel et pervers pour tuer de sang-froid des personnes innocentes et désarmées, mais il faut être hypocrite ou stupide pour fermer les yeux sur les données dans lesquelles s’inscrit cette tragédie.
C’est aussi faire preuve d’aveuglement que de ne pas comprendre que cette situation conflictuelle ira en s’aggravant si l’on ne s’emploie pas ensemble, athées et croyants, à œuvrer à de véritables perspectives du vivre ensemble sans la haine de l’autre.
Shlomo Sand
(Traduit de l’hébreu par Michel Bilis)
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samedi, 12 juillet 2014
La France secourue par Gaza (2)
فرنسا تستنجد بغزة
(ترجمة لتدوينة كتبتها بالفرنسية / هنا / ونشرتها في هذه المدونة بتاريخ 4/1/2009)
"كَلاَّ، هذا العنوان ليس خطأ في الكتابة، لكن وفي الوقت الذي بدأ يشنّ الجيش الصهيوني عملياته الهجومية البرّية ضد القطاع بعد ثمانية أيام من القصف، فإنّه يبدو أشبهَ بالهذيان.
وفي الواقع، كنت أنوي الخوْضَ فيه قبل هذا الوقت. نعم، في بعض الأحيان يُعيد التاريخ نفسه، جزئيا أو مقلوبا أو كلاهما في وقت واحد. المُهم هو أن يُعلّمنا درساً. وسأشرح قصديَ...
خلال الأزمة النقدية في أوروبا ما بين 1650 و1730، والناجمة عن انخفاض كمية الذهب القادم من أمريكا، استفادت فرنسا في ظل نظامها القديم، من قَرْض ماليٍ ودون فوائد، تلقّته من غزة.
فرنسا وبسبب تنافسها مع بريطانيا، كانت تسعى إلى تكثيف مبادلاتها التجارية مع المشرق، وقد اختار لويس الرابع عشر (ملك فرنسا)، الرحالة واللغوي الفرنسي "الفارس لوران دارفيو" (1635-1702) Chevalier Laurent d'Arvieux لأن يكون قنصله في الجزائر، ثم في حلب.
هذا الأخير كان على دراية بالمنطقة وكانت له مع ابن عمّه السيد بيرتاندييه علاقات جيدة مع الحُكّام والتجار العثمانيين والعرب ومنهم على وجه الخصوص مَن هُم مِن سوريا الكبرى (وكانت تشمل في ذلك الوقت سوريا-لبنان-فلسطين).
وبهذا تحديداً تمكنت فرنسا من الحصول على القرض بدون فوائد (باعتبار تحريم الربا) مَنَحَهُ لها حاكم غزة "حسين باشا" الذي مكّنها أيضا من تسهيلات وتوصيات لدى التجار المحليين.
في مذكراته، حيث، من بين الأشياء التي رواها، ازدهار الحياة في غزة، روى "لوران دارفيو" أيضا قصة هذا القرض الممنوح من أمير غزة إلى فرنسا.
وقد اخترت في هذا السياق، فقرة من مذكراته (انظر الصورة) وهي مكتوبة بفرنسية ما قبل الكلاسيكية:
"رحلة غزة
..أشرت أعلاه أن "حسين باشا"، حاكم غزة، قد تكرّم بأن يمنحَ للأمة الفرنسية، مبلغاً كبيرا دون فوائد، وذلك لتسديد مبلغ الجِزية الكبيرة التي كان فرضها حسن آغا، حاكم صيدا. كانت التجارة قد شابها آنذاك كساد كبير إلى حد أنّنا ولفترة طويلة لم نتمكّن من تسديد هذا المبلغ، ممّا حدا بحاكم غزة إلى أن يكتب في آخر الأمر، مُضطرًّا، للقنصل مؤكدا على احتياجه إلى أمواله، وراجيا أن تُرسل إليه دون إبطاء.
حينئذ أسرع القنصل إلى تسديد ما نحن مَدينون به لهذا الباشا صاحب الفضل، وجهّز أربع سُفن فرنسية في الميناء، من أجل إرسال المبلغ المطلوب؛ وعندما صار المبلغ جاهزاً، تمّ تحميله على متن سُفن البلد، التي أبحرت إلى راما (الرملة: مدينة في فلسطين) تحت حراسة السيد "أنطوان سوريب" مع بعض الفرنسيين الذين استوجب أن يتعرّف الباشا عليهم.
كان السيد سوريب صديقا مُقربا من هذا الباشا؛ قدّم مبلغ المال لهذا الأخير وتمّ شطْب الدَّين، وتمّ كلّ ذلك بكثير من التّأدب من جانب كِليْ الطّرفين.
عند اجتماع القنصل مع رجال الأُمّة بعد عودة السيد سوريب، تبيّن أنّه لم يكن يكفي تسديد المبلغ الرئيسي؛ بل كان لا بدّ من تبليغ باشا غزة بأواصر الامتنان التي نكنّها تجاه سَخائه الخارق للعادة والذي أبداه تُجاهنا في تلك المناسبة. فجهّزنا لذلك عددا لا بأس به من السترات الواقية مصنوعة في البندقية (فينيسيا) بألوان مختلفة؛ وأضفنا إليها كميات من القماش القرمزي ونسيج السّاتان والمُوسِلين، وكميات من السكر والشموع وبعض الهدايا.
وقد تم اختيار السادة "سيزار رافالي" و"جان-باتيست كامبون"، لمرافقة السيد سوريب الذي كُلّف بالذهاب إلى باشا غزة وتقديم هذه الأشياء المهداة إليه من القنصل ومن الأُمّة (الفرنسية). وقد انضمَمْتُ إلى هؤلاء النواب الثلاثة من أجل رؤية فلسطين، والقيام بالرحلة برًّا..."
(من مذكرات "شوفالييه دارفيو")
___________________
من جهة أخرى، تجدر الإشارة إلى أن نسيج الشاش المستعمل للتضميد والمنسوج حاليا في فرنسا (بعد أن كان يتم استيراده من غزة منذ نهاية العصور الوسطى) هو نوع من القماش التي يستمد اسمه بالفرنسية la gaze من مكان تصنيعه الأول أي: غزة.
وعندما نعرف أن الشاش (انظر الصورة) صار يستعمل أساسا في مجال الطب (كضمادات وكمادات) فلا يسعنا سوى أن نرثي لحال غزة التي لم تعد تجد من الشاش la gaze ما يكفي لتضميد جراح أطفالها، جرّاء القصف الصهيوني.
محمد الرفرافي
تويتر : @RAFRAFI_MED
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dimanche, 08 décembre 2013
Les fruits de la lumière !
Une réflexion littéraire sur la lumière, faite par l'écrivain saoudien Mohammed al-Rittiyane, donne matière à réflexion chez tout humain, dont moi-même, épris par cet élément universel. C'est pour cette raison que je vous propose ici ma traduction de ce texte, en bribes, intéressant et intrigant:
Les fruits de la lumière !
02/12/2013
(1)
La lumière que vous voyez et qui ne vous montre rien... est une lumière trompeuse!
(2)
L'obscurité: une lumière noire.
C'est l'optimiste qui le dit.
(3)
Toute «lumière».. est causée par quelque chose de brûlé!
(4)
Le fameux dicton dit :
«Mieux vaut allumer une seule et minuscule chandelle que de maudire l'obscurité».
Mais, que feriez-vous si on vous dérobait la chandelle?
À ce moment-là, il faudrait maudire le voleur, ta faiblesse, l'obscurité et le régime en place qui ne lui demande pas des comptes.
(5)
Parce qu'il est habitué à l'obscurité.. la lumière subite l'a aveuglé.
Comment convaincre un ignorant que la coupable est l'obscurité et non la lumière?
(6)
Il est facile de voir la lumière dans l'obscurité..
Mais qui c'est qui a le don de voir l'obscurité dans la lumière!?
(7)
Méfiez-vous des lumières des panneaux d'affichage:
- Elles troublent vos yeux.
- Elles vous distraient pendant que vous conduisez..
- Elles envisagent de subtiliser votre portefeuille!
(8)
Une des phrases merveilleuses dit –à peu près–, que vous ne pouvez pas faire la «lumière» sur l'obscurité pour l'étudier, car celle-ci va disparaître à ce moment-là.. Que faire donc?
Devrions-nous discuter de l'obscurité et l'analyser dans le noir.. ou, plutôt nous contenter de la supprimer !
Mais comment la supprimer sans la «voir» et la comprendre?!
Je crois qu'il nous faut des yeux extraordinaires, capables de voir l'obscurité dans le noir avant d'y jeter la lumière!
(9)
Le poète dialectal Abdullah al-Massoudi dit dans l'une de ses magnifiques illuminations:
Je ne suis que celui qui éteint la lumière et décrypte l'obscurité!
(10)
La lumière du soleil nous dévoile.. Il n'y a personne dont l'ombre est blanche!
----
Mohammed al-Rittiyane
Source: araa.com
Traduit de l'arabe par:
RAFRAFI
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mercredi, 20 novembre 2013
Tacloban, le panier de morts
Se mettant dans la peau d'une jeune fille victime du typhon Haiyan, la poétesse et nouvelliste saoudienne Belqees Mulhim a écrit un poème que je qualifierais de biblique et d'un caractère à la fois effroyable et tendre. Je vous propose ci-dessous ma traduction de l'arabe de ce magnifique poème, intitulé, Tacloban, ville martyre.
(Tacloban* qui veut dire panier de pêche, est la capitale et la ville la plus peuplée de la région VIII des Philippines.) :
Tacloban, ville martyre
Le rêve n'était pas soyeux
il m'a manqué entre deux cieux
et ne m'a pas emporté en l'air, ni ceinturé de jasmin
Ce jour-là, à l'aube, le rêve tomba en colère comme un monstre
déchira ma chemise
pela ma peau
brisa mes os
et s'empara de tout mon corps
Entre deux vagues, je me voyais inhaler la noyade
et soulevais deux cadavres avec moi
Par terre, nous nous sommes allongés, nous les trois
Amihane, Dato et moi
Nous nous sommes reconnus alors que nous tenions
les doigts d'un arbre
Nos cris étaient chastes comme le murmure
La mer nous observait
Les maisons dansaient
Les enfants glissaient vers le ciel
Le ciel était en train de dresser une table pour les martyrs
Personne ne me voyait trembloter
Dato essayait de pêcher la bouche d'Amihane
Amihane était en train de téter l'obscurité au milieu de la détresse!
» Haiyan « ne savait pas comment l'herbe pousse dans nos poumons
ne connaissait pas la taille de nos petits lits
ni nos humbles prières
Pour cela, il nous a engagés dans une accolade sans arrêt
où une vague surmonte une autre
où la mort nous ballotte comme une balançoire
Balqees Mulhim
Poétesse et nouvelliste Saoudienne
Ambassadeur bénévole de la culture dans le golfe Arabo-Persique
...........
*Le typhon qui a frappé la ville de Tacloban en Philippines, tuant 10.000 personnes et blessant des centaines de milliers d'autres.
RAFRAFI
22:28 Publié dans actu, Art | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |
vendredi, 15 novembre 2013
Fadi.. un poète captif
Depuis plusieurs semaines déjà, Fadi Joumer, (فادى جومر) poète et parolier syrien n'a pas donné signe de vie depuis son arrestation par les services secrets d'Assad pour avoir osé continuer de parler librement.
En solidarité avec ce poète, je vous propose ci-dessous ma traduction de l'arabe d'un tout dernier texte, qu'en guise de lettre adressée à B. Assad, Fadi avait écrit et mis en ligne (Ici), avant son arrestation :
(Ci-contre, photo de Fadi Joumer)
Toi, dépositaire des canons et avions, sais-tu combien de chansons je garde dans ma mémoire? Combien de poèmes? Sais-tu que je mémorise les pièces de théâtre de Fairouz mot par mot? Sais-tu combien de fois ai-je aimé et combien de fois ai-je été aimé? Sais-tu que pendant un an et demi, j'ai écrit des mots forts et beaucoup moins craintifs que tes peureuses cartouches?
Pendant trente-trois ans, j'étreignais la Syrie dans mon ivresse et dans mes prières. Ne connais-tu pas « Mahmoud Joumer»? Sais-tu qu'il m'a dit : Meurs pour que ton frère vive? Sais-tu quand ai-je su que ton père était un menteur? Je le savais depuis que j'étais en quatrième année, quand la maîtresse nous a dit que la Syrie est un État entièrement souverain.. Je me suis alors levé et lui ai dit: Qu'en est-il du Golan Qu'en est-il d'Alexandrette (Iskenderun)? Sur ce, l'administration de l'école convoqua mon père et lui demanda de me réprimander et de contrôler mon comportement; mon père m'a au contraire laissé user de mon libre arbitre.
Connais-tu Dir Attia? Connais-tu ses noces? Connais-tu le champ? As-tu déjà grimpé un arbre pour cueillir des noix? Je suis de là-bas, de ces lieux-là.. Ne te rends-tu pas compte combien d'air pur j'ai dans ma poitrine? Sais-tu que je me suis rendu dans chaque lieu en Syrie et que j'ai mangé dans chaque maison? Sais-tu que je connais par cœur toutes les chansons du pays? Sais-tu pour combien de temps avais-je travaillé? Et comment j'achetais du vin avec tout l'argent que j'avais gagné de mon travail?
De toute ma vie je n'ai jamais eu peur pour que j'aie peur de toi! Tu ne m'as pas vu au volant de ma voiture rouler à 160 km par heure tout en étant ivre et heureux? J'avais cinq ans quand je me suis levé pour lire sans frousse un poème devant cinq mille personnes dans le stade d'Al-fayhaa, alors que tu tremblais en lisant à partir d'une feuille que l'on t'a donnée pour les condoléances de ton frère! Es-tu stupide? Crois-tu que tu auras raison de moi? Crois-tu que tu peux me tuer? J'ai dix mille ans de civilisation et ne meurs pas d'un obus..
N'aie pas peur pour moi mais pour ton sniper de mourir juste par un regard de mes yeux.
Fadi Joumer (Damas)
Traduit par
RAFRAFI
20:11 Publié dans actu, Art | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |