dimanche, 06 mai 2012
Printemps français
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vendredi, 04 mai 2012
Dopage électoral !
Un candidat qui se ressource dans une campagne électorale pour reprendre de nouvelles forces de persuasion, me fait penser au sportif qui, illégalement bien sûr, se dope pour gagner une course ou un match. Le fait que certains politologues qualifient le duel Hollande-Sarkozy, de «judo politique» qui s’est soldé selon eux par plutôt un «match nul» confirmerait cet aspect pugilistique de cette compagne présidentielle. Quant au dopage dans ce marathon vers l’Élysée, il semble être parfaitement légal sans qu’il ne soit unanimement ni forcément convaincant.
Pratiquement tous les candidats au premier tour se sont dopés en se ressourçant, chacun à sa façon, à ses principes de base. Seul Jean-Luc Mélenchon du Front de gauche (comme par allégeance au Front Populaire des années 36-38 dont le slogan électoral était «Pain, Paix, Liberté»), s’est dopé, en plus de l’héritage à la fois radical-socialiste, communiste, écologiste et extrême-gauchiste, de quelques slogans inspirés du Printemps arabe du genre «Prenez le pouvoir», «Révolution citoyenne», «Place au peuple», «La marche pour la 6ème République» etc.. Ce dopage lui a permis, semble-t-il, de réaliser un score (dépassant les 10%) jamais atteint par cette mouvance depuis 1981, mais a aussi indirectement dopé, par ricochet, le Front National, qui réalisa au premier tour le plus haut score de son histoire. Toutefois, le schéma de 2002, où on a vu un deuxième tour entre la droite et l’extrême-droite, ne s’est pas reproduit; et nous voilà devant le schéma classique d’un deuxième tour entre la droite et la gauche (Hollande-Sarkozy). Avec tout de même une différence qui est une première dans l’histoire de la Cinquième République, à savoir un président sortant qui, comme candidat, arrive en deuxième position.
Je m’attendais à voir au moins un de ces deux candidats finalistes dans leur débat télévisé, dire un mot sur ce fameux printemps arabe. Ce n’est pas pour qu’ils s’en dopent, loin de là, ils n’en ont d’ailleurs pas besoin. Mais se contenter d’évoquer l’épiphénomène qu’on appelle «al- Qaïda en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne», autour duquel leurs positions convergent! et négliger ce phénomène historique, à savoir le Printemps arabe, qui est en train de bouleverser le paysage sociopolitique et du Maghreb et du Machrek, cela paraît bizarre!. Non pas de la part de Sarkozy dont le présumé dopage financier par Kadhafi en 2006, ne l’encouragerait pas à aborder ce «Printemps»... Mais Hollande?!!
Enfin, passons…
De par ma position d’observateur non partisan qui se veut objectif, je dirais que face à un Hollande fidèle et nostalgique qui se dope politiquement du Mitterrandisme du Programme Commun des années 70, voire de l’image même du défunt Président, jusqu’au mimétisme, j’ai vu un Sarkozy pragmatique et opportuniste qui n’hésite pas à se doper des voix de l’extrême-droite. Si dans l’autre sens, Sarkozy n’a eu de flirt électoral qu’avec les voix du MoDem et aucunement avec celles de la gauche, Hollande, par contre, a furtivement tendu une perche à l’extrême droite, en promettant, la restauration du scrutin proportionnel. Et c’est bien le mode de scrutin qu’avait rétabii Mitterrand en 86 permettant au Front National d’avoir des sièges au parlement.
Au bout de presque 30 ans de séjour en France, et à l'aide de mes lectures du passé et du présent français, la leçon que je pourrais en tirer, me dit que, hormis Vichy (40-44), cette alternance pendulaire droite-gauche depuis la Constituante de 1789, avait toujours conduit l’élite politique de France vers un compromis renouvelé. Ceci commença déjà à la naissance de ce clivage droite-gauche en 1791, lorsque entre monarchiens qui voulaient donner au Roi le droit de veto absolu et les républicains qui n’en voulaient pas, on a fini par lui accorder le veto suspensif.
Que ce soit sous une gauche au pouvoir avec un programme modéré (le Front populaire) ou avec un système bicaméral (celle de l’après-guerre) ou encore avec le «Tournant de la rigueur» qui va jusqu’à la privatisation et la cohabitation (sous Mitterrand) ou sous une droite gaullienne décolonisatrice et anti-atlantiste (avec De gaulle) ou gauchisante jusqu’à la cohabitation à l’envers (sous Chirac qui finit par devenir «Hollandiste») où même sous Sarkozy l’atlantiste qui recrute des ministres de gauche (Kouchner, Mitterrand-neveu…), la France refuse l’extrême pour ne jongler qu’avec deux pieds bien musclés (que Le Pen dénomme du nom de «UMPS» devant lequel «la France est à genoux»), un centre modérateur (cette fois-ci Bayrou casse le tabou et vote pour Hollande) et deux extrêmes pour le dopage électoral. Démonstration éloquente : l’alliance électorale en 2002 entre, à la fois, toute la gauche, le centre et la droite, et ce juste pour contrer l’extrême-droite, arrivée au deuxième tour en cette année-là.
Pour mieux finir cette note, j’ai à mon tour, besoin de me doper. A cet effet je vous propose une très courte vidéo de 28 secondes seulement, dans laquelle vous allez apprécier, comme moi c’est sûr, le très génial Raymond Devos qui résume juste en deux mots tout ce que je viens de raconter dans cette note. (cliquez ICI)
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vendredi, 13 avril 2012
Adios Mon Bella
Ce n’est pas pour faire rimer Ben Bella avec Mandela, quoique, à mon sens, le chef historique de la révolution algérienne, qui vient de quitter ce bas monde (le 11, courant), était bel et bien le Mandela arabe.
Presque du même âge, ils se partageaient certaines valeurs révolutionnaires mais des péripéties aussi : Résistance-détention-présidence pour Mandela, Résistance-présidence-détention pour Ben Bella.
Mais enfin Ben Bella libéré, et ce depuis 22 ans, au bout desquels ce fils de paysans berbères d’origine marocaine, arrive sagement à récupérer en 2007 son titre de président non pas de l’Algérie mais, à juste titre, du Groupe des sages de l'Union africaine.
Je n’ai pas l’intention de retracer ici la vie légendaire d’Ahmad Ben Bella. Elle est suffisamment connue par beaucoup, sinon elle est d’ores et déjà numériquement à la portée de tous. Mais seulement, et en guise d’hommage, j’essaie de tracer juste quelques traits de son portrait que je me faisais de lui depuis mon très jeune âge.
Pour le Tunisien que je suis, le portrait du leader Algérien ajoutait une touche saillante au paysage d’allégresse à l’aube des indépendances arabes au début des années 60. À côté d’un Bourguiba ou d’un Nasser, Ben Bella semblait à mes yeux plus jeune plus fougueux et plus ambitieux. Son arabisme était plus à gauche que le nassérisme, de même pour son modernisme par rapport au bourguibisme.
À cette époque là, mon âge ne me permettait pas de distinguer les nuances idéologiques des nouveaux régimes en place. Mais plus tard j’ai réétudié cette époque des années soixante et constaté que l’enthousiasme patriotique postcolonial commençait de céder la place à la consternation due aux soubresauts politico-militaires nationaux. À commencer par l’emprisonnement de Ben Bella en 1965, à la suite d’un coup d'État mené contre lui par le colonel Houari Boumédiène. L’arabisation, tous-azimuts, de l’Algérie « imposée » par le pan-arabiste Ben Bella, ne plaisait pas aux plus chauvins des algériens. C’était l’une des raisons de ce putsch.
La consternation battait son plein avec la défaite arabe devant Israël en 1967, suivie par le « Septembre Noir » des palestiniens en Jordanie, ensuite par le décès de Nasser (en 1970) et l’échec de l’expérience socialiste en Tunisie sous Bourguiba. Pour ne citer que les événements régionaux les plus marquants.
Tout au long des années 70 le « trou noir » de la politique arabe n’a cessé de s’élargir. Et ce malgré la volonté d’un autre colonel, libyen cette fois-ci, qui voulait en profiter pour réincarner à la fois Nasser et Ben Bella. Mais le sort fatal qu’il a subi l’an dernier explique bien sa longue et fausse démarche.
Alors que Ben Bella, avait pu tirer profit de son long emprisonnement (15 ans), en se livrant à la lecture et de la pensée arabe et islamique, ancienne et contemporaine, et de la pensée occidentale postmoderniste dont entre autres celle de Michel Foucault. Il en est sorti (en 1980) muni de nouvelle conviction. Son arabisme de gauche évolue vers un arabo-islamisme démocratique avec un zeste d’altermondialisme. D’où d’ailleurs sa création, en 1981 en exil, du « Mouvement pour la démocratie en Algérie ».
Voilà, de sa part déjà, un signe prémonitoire du printemps arabe. Son destin a voulu que la première année de ce printemps soit la toute dernière dans l'hiver de sa vie.
Un autre aspect à souligner de ce grand homme, est le fait qu’il soit comparable non pas seulement à Mandela mais aussi au Marquis de La Fayette.
Officier et homme politique, La Fayette était un héros de la guerre d'indépendance des Etats-Unis, avant d’être une personnalité historique de la Révolution française. Donc il participa à la libération d’un autre pays colonisé par les Anglais, avant de se consacrer à celle de son peuple qui était soumis à la tyrannie monarchique. Tout comme lui, Ben Bella, décoré de la médaille militaire par le général de Gaulle en 1944, participa à la libération de la France, qui était occupée par les Allemands, avant de se consacrer à la libération de l’Algérie, qui était colonisée par la France. Le même principe guidait les deux hommes : LA LIBERTE DES PEUPLES.
Peu de français connaissent ce double aspect parfaitement cohérent chez ce « marquis » de l’Algérie. Et ceux qui le savent déjà, ne peuvent pas ne pas l’apprécier. D’autant plus qu’à la même année où on s’apprêtait de fêter la fin de la Seconde Guerre mondiale et la victoire des alliés contre les nazis, commencèrent les massacres de Sétif et Guelma qui ont fait des milliers de morts parmi les Algériens.
Pour que la mort d’un résistant ne cache pas la mort d’un autre, celle de Raymond Aubrac, survenue, juste la veille de celle de Ben Bella, ne devrait pas être considérée comme la mort du « dernier » résistant de la Seconde Guerre mondiale, mais plutôt de l’avant dernier résistant.
Un geste de reconnaissance envers Ben Bella, provient de l'Olympique de Marseille. Pourquoi ? Tout simplement parce que le leader Algérien était un joueur de cette équipe, et aussi pour l'équipe de France militaire au poste de milieu de terrain alors qu'il était sous-officier de l'armée française.
A l’annonce du décès de Ben Bella, le website de l’OM, publie la nouvelle sous le titre :
« Ben Bella, un président buteur s’est éteint… »
dont voici la teneur ;
"Ahmed Ben Bella, qui fut le premier président de l’Algérie indépendante, est décédé le 11 avril, il avait 96 ans. Né le 25 décembre 1916 à Marnia, en Oranie, au sein d’une famille de commerçants, Ahmed BEN BELLA (de son vrai nom Messaoud MEZZANI) a joué une saison sous le maillot olympien (1939/40), mais il ne disputa qu’une seule rencontre, en Coupe de France à Cannes contre le FC Antibes (9-1), le 29 avril 1940. Un match durant lequel cet attaquant réserviste trouva le chemin des filets à une reprise.
Après avoir participé aux campagnes italienne et française et suite aux événements de Setif en mai 1945, Ben Bella rejoint le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques puis entre dans l’État-major de son organisation paramilitaire clandestine OS (Organisation Spéciale).
Arrêté en 1950, il s’évade en mars 1952 et vit clandestinement en France et en Egypte où il prépare le soulèvement du 1er novembre 1954. Chef historique du FLN, Ben Bella est à nouveau intercepté en 1956. Libéré avec les accords d’Evian (18 mars 1962), il préside le gouvernement avant d’être élu président de la République algérienne le 15 septembre 1963. Renversé par le colonel Boumediene en juin 1965 et séjourne en prison jusqu’en 1979. Exilé en Europe, il rentre en Algérie en 1990 où il restera jusqu'à la fin."
12:50 Publié dans actu | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
dimanche, 25 mars 2012
Le faiseur de joie
Après « Mon nom n'est pas difficile », sixième recueil de poèmes paru en 2009, la poète égyptienne Fatima Naoot vient de publier son septième recueil intitulé "Le faiseur de joie" chez l’éditeur cairote "Merit Publishing House".
La presse égyptienne a réservé à ce recueil un accueil plutôt élogieux et c’est à juste titre. En guise d’aperçu du recueil je reproduis ci-après ce témoignage égyptien :
"La poète continue d’interpeller les lieux avec ce qu’ils retiennent de dates, de souvenirs et de significations, comme dans les poèmes: La mer Morte; Ma maison est une cinquième colonne; Cordoba; Les fenêtres de la maison; L’atelier du peintre; L'aéroport de Madrid; Un demi-lit; Le théâtre ouvert; Devant la porte de mon enfance; La mer du Nord; Notre vieille rue; La fenêtre de ma mère; Dans votre vieille demeure. Et d’interpeller également les objets et les solides en tant que signes des êtres humains et des événements, comme dans les poèmes: Horloge murale; Le poste de Radio de ma mère; La boîte à jouets; Oiseau; Fleurs de septembre; Balançoire en bois; La poupée de Geisha; Des clous. Dans d'autres poèmes la poète polémique avec le temps, elle le provoque, elle joue son jeu, comme dans les poèmes: La fin des notes de la gamme; Dans la matinée; Les mutations; Une dernière rencontre; Hier; Rose en plastique; A peine la cinquante-cinquième passée; Avant d'arroser les plantes au cours de la journée; Le cygne; Le jour des dix heures; Deux oies. Ses réflexions existentielles sur la vie et l'amour se révèlent à travers de nombreux autres poèmes, tels que: La métisse; Je suis eau; La branche m'a dit; Quelque chose comme du sel; Adam; Le migrant; En dépit de mon bien-aimé; Idole; La mort de la rose; Pour cela les noces sont rompues; Le jour où Gandhi est mort; Une tunique blanche et claire; Tu es mes erreurs, et bien d’autres poèmes. Par ailleurs la poète dédie ses poèmes "A tous les méchants dans le monde", et d’ajouter: "Soyez comme les fleurs, faiseurs de joie, ne soyez pas comme les héros des contes, voleurs de joie".
Avec 166 pages, le recueil contient environ 65 poèmes. Sur la première de couverture un dessin fait par Omar, fils de la poète, atteint d'autisme infantile précoce, illustrant un petit garçon et une petite fille dans des vêtements d'hiver, avec deux visages sans physionomie.
Sur la quatrième de couverture un extrait du poème Cordoba (Cordoue). Je vous propose que nous terminions sur cette traduction du poème :
Cordoue (Cordoba)
Lorsque nous remettrons la Terre à Dieu
nous devrons ramener l'univers à sa posture originelle:
Replanter les forêts que nous avons détruites
Réanimer par notre souffle vital
les squelettes dans lesquels
nous avons enterré vivant l'esprit
Restituer à l'oiseau sa sérénité
et son gazouillis
qu’il avait appris à faire taire
chaque fois que nous - êtres humains-
passions à proximité d'un arbre
Refaire du désert un désert
des prairies un paradis
puis recoller la pomme entamée
sur l'arbre du premier péché
pour que Dieu nous aime
Nous entraîner
à marcher sur le sable
sans que nos pieds longs n’écrasent
les colonnes de braves fourmis.
Nous devrons
disloquer le fleuve de Cordoba
et donner à sa moitié
le nom de: GUADA
et à l'autre moitié :
l'Oued-el-Kabir
puis reconvertir la cathédrale en une mosquée
et la mosquée
en église romaine.
Averroès se mettra debout
entre l'autel et le mihrab
pour dire:
"Le Vrai ne contredit pas le Vrai!"
Puis devant Dieu nous nous tiendrons
en longue file d'attente
pour constater
comment nous
avons opté pour que le Vrai
contredise le Vrai.
-------
Fatima Naoot
Cordoba / Avril 2010
Traduit de l'arabe par RAFRAFI
03:48 Publié dans Art, Livre | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |
vendredi, 16 mars 2012
Guella, une vision accomplie
Je me souviens toujours du festival estival de Tabarka en 1980, durant lequel j’ai réalisé un long entretien de presse avec le chanteur-compositeur Feu Hédi Guella, inhumé tout juste hier dans sa Tunisie natale. L’entretien n’a jamais été publié. Sa teneur de gauche n’a pas convaincu à l’époque mon frileux rédacteur en chef tunisien. C’était l’époque où la chanson progressiste engagée battait son plein, d’abord avec le précurseur Cheikh Imam en Egypte, ensuite la troupe de Nass El Ghiwane au Maroc, et Hédi Guella entre la Tunisie et la France.
Sur le plan musical, ce genre de chanson engagée ne correspondait pas aux critères de création auxquels croyait le mélomane que j’étais et suis encore. Toutefois je respectais le talon musical de ces musiciens engagés ainsi que leur aspiration vers un lendemain meilleur et plus juste. Appartenant à la même génération (Seconde génération de l’indépendance, qualifiée de « perdue » ), je partageais en effet cette aspiration mais avec une sensibilité idéologique plus ou moins différente.
Tout comme ma rencontre avec l’Egyptien Cheikh Imam (chez lui au Caire ensuite à Paris) et avec Nass el Ghiwane (aussi à Tabarka), je garde en mémoire celle avec Guella comme un précieux acquis et professionnel et personnel. Le courant de pensées a bien passé entre nous deux. J’ai apprécié sa vocation militante et sa vision panarabe et il a de son côté apprécié mon professionnalisme journalistique ainsi que mon modeste savoir musical. Je n’ai pas pu le rencontrer de nouveau que deux fois seulement. La dernière c’était en 1997 au cours d’une soirée poétique à MAD'ART Carthage. J’y étais convié en tant que poète et lui en musicien luthiste, qui agrémentait la lecture des poètes.
Le choc de sa disparition subite et prématurée, a été quelque peu amorti à mon sens par le fait qu’il put vivre cette révolution tunisienne à laquelle il aspirait et pour laquelle il chantait.
L’interviewe que Guella avait accordée à un journal tunisien francophone voilà tout juste un an et deux jours, donc deux mois après la fuite du dictateur tunisien, m’avait permis de redécouvrir l’authenticité, la lucidité et la sincérité de cet artiste engagé. J’en ai choisi quelques extraits qui dévoilent à la fois la vision militante, musicale et politique de sa génération dont, moi-même, je faisais partie presque intégrante.
Sur son engagement des années 60-80, et sur la révolution du 14 janvier 2011, Guella répond :
Je vais parler de ma génération d’abord. Je crois qu’il est important de rappeler que depuis 1966 cette génération a joué un rôle décisif dans l’histoire des luttes du peuple tunisien. Le fondement idéologique du système bourguibien, et par-là, ses choix stratégiques, ont commencé à se révéler au grand jour à cette époque, à savoir le déni de l’appartenance de la Tunisie au monde arabe, l’alliance avec l’Occident impérialiste, néo-colonialiste, et par voie de conséquence, l’écrasement et l’étouffement de toute voix discordante. Bourguiba, qui n’était que l’écho de la domination culturelle du «clan occidental», a porté deux coups destructeurs. Le premier, en frappant au cœur de notre religion (précisément au jeûne), et ce n’était pas un geste symbolique, car il s’agissait d’un élément constitutif de notre identité. Le second a été porté à la liberté d’expression sans laquelle nulle société ne peut poser un projet de progrès. Ce «grand homme d’Etat» a trouvé devant lui, en 1966 et jusqu’en 1985, peut-être même au-delà, l’avant-garde de nos camarades d’université qui ont dit démocratie, liberté d’expression, d’indépendance syndicale, qui ont dit non à la domination impérialiste et, bien sûr, la Palestine vaincra.
Et d’ajouter
Alors notre regard, je suppose, sur ce que j’appelle, moi, le soulèvement révolutionnaire de l’hiver 2011, que nous fassions partie ou non de groupes ou de mouvements politiques, est celui de la satisfaction d’une attente, ainsi que de l’avènement des masses populaires, loin devant nos visions, nos analyses et les éventuelles stratégies de luttes que nous avons pu imaginer. Un regard de confiance pour tout dire.
Je suis bouleversé par la découverte de la haute conscience politique de notre peuple, et émerveillé par le patriotisme de notre jeunesse pour laquelle nous avons eu bien peur. Et puis, semble-t-il, les responsables actuels, veulent être à l’écoute de cette voix, alors continuons
Entre Bourguiba et Ben Ali, Guella précise :
Bourguiba a dirigé le pays d’une main de fer. C’étaient des condamnations de 15 à 20 ans de prison, et les régimes arabes avaient le même comportement.
J’ajoute à cela que le système bourguibien avait, tout de même, un substrat conceptuel, une idéologie propre, que n’a jamais eu le président fuyard Ben Ali.
Sur sa génération et la révolution, il dit :
Je pense que l’élément déterminant a été la mobilisation consciente des classes laborieuses, pour les revendications catégorielles d’abord, puis, dans un sillage naturel, pour la liberté et la dignité. Notre génération, il faut le reconnaître, n’avait pas la même qualité de conscience et de détermination… C’était un régime (de Ben Ali) de petits mafieux, de tigres en papier. C’est ce qui a sûrement fait que notre peuple traverse le mur de la peur.
entre révolution et «révolution musicale», il ajoute
La révolution saura distinguer le vrai du faux. C’est dans l’ordre historique des choses. Pourtant, nombreux sont ceux qui pensent, aujourd'hui, qu’il suffit d’adhérer au moment révolutionnaire pour exister artistiquement.
A ceux-là, je dis que l’art se maintient toujours. Nul ne doit oublier que cette révolution a eu ses martyrs et qu’il faut offrir à ces martyrs ce qui est à la hauteur de leur sacrifice. Fidélité à leur mémoire et véracité des projets.
Mon Cher Hédi, repose en paix
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