lundi, 07 octobre 2013
La Damascène
Son nom est Katia Rasem, poétesse et blogueuse, Damascène d’appartenance, de séjour et de souffrance. Récemment arrêtée par les flics de Bachar, en raison de ses critiques de ce qui se passe en Syrie sans aucun parti pris politique de sa part mais seulement humain. Elle vient d’être libérée après qu’on lui a fracturé sa main droite pour l’empêcher d’écrire sans se rendre compte qu’elle est déjà gauchère.
Je vous propose ici ma traduction de son premier billet de blog publié juste après sa libération où elle décrit sa détention avec une plume trempée dans la douleur, l'honnêteté, l'intelligence et l’éloquence.
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La guerre n’est-elle pas un enfer?
"On t’a laissé seul sur la terre interdite sans allumettes même. La guerre n’est-elle pas un enfer?"
William Faulkner, Monnaie de singe (titre original : Soldiers' Pay)
Le mur me fait mal, la photo de l'assassin accrochée comme un sourire effronté au-dessus de la tête du général, me fait mal; la fenêtre, si petite comme un timbre collé sur une missive oubliée dans une certaine obscurité, me fait mal; le pied d’un fantassin heurtant le sol, par respect pour le tueur faisant mal au pays, me fait mal; les cris lointains et désespérés, tombant sur mon cœur tels des fouets affamés pour plus de douleur, me font mal..
Oui, ma main me fait mal, cher docteur, comme me feront toujours mal tous les mots que j'avais à dire et n’avais pas dit..
La scène est absolument identique à la première scène du roman "Monnaie de singe" de "William Faulkner":
Dans un train, allant à la guerre, des soldats imaginent des fleurs et des mères tendres qui les attendent dans des contrées lointaines, pour qu’à la lumière de leur imagination, ils puissent savourer leur mauvais vin!
Et pour nous, combien de belles choses devons nous imaginer pour oublier tous les trains que nous avons manqués?
Pour oublier toutes les guerres que nous avons vécues?
Pour oublier à quel point ce monde est vulgaire et minable comme une prostituée pour qui personne ne s'en soucie!
Le chasseur est prisonnier de son désir de proie,
tandis que la proie est libre.
J'ai essayé de les convaincre que je ne suis rien du tout,
que je suis
un insecte sur le face du monde qui comme un géant dormant d’un sommeil profondément effrayant,
le sang d’un tué dont personne ne fait attention à son cadavre,
un lampadaire éclairant une ruelle déserte dans un quartier pauvre,
un mot tombé par inadvertance duquel personne ne se soucie,
une vieille nouvelle,
une blague n'étant plus drôle
un clown n'ayant pas de public pour l'applaudir ni de larmes à verser pour nettoyer son visage de sa profonde tristesse,
un vide au cœur d'un vide, sans tête mais avec un ballon rempli de bla-bla, sans main mais un balai pour le néant,
un seuil où s’assoient la pauvreté, l'hiver et les vielles personnes désespérées,
un petit cierge dans le vent, une flamme mourante dans la longue nuit d'aveugle,
une impasse, un mauvais texte écrit par un poète ivrogne,
une légère poussière dont la mémoire est accablée d’absents,
une missive qui n’arrive pas, un sens qui ne se complète pas ... une voix sans paroles
etc.. etc
Personne ne m’a crue
Moi-même je ne me suis pas crue..
J’entendais le gémissement du geôlier et du bourreau,
J’entendais le pouvoir de silence du prisonnier-victime..
et me souviens de ce que disait Wadi’ Saada:
"Nous n’avons pas entendu les arbres crier sous les haches de bûcheron
mais le gémissement des bûcherons coupant les arbres"
Par :
Katia Rasem
Damas toujours
6 10 2013
Blog : http://katiarasem.blogspot.com/2013/10/blog-post.html?spr...
Twitter : @Badworld_1
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Traduit de l'arabe par
RAFRAFI
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dimanche, 21 juillet 2013
"Chez nous.. en Égypte"
Galal Amer (Né en Juillet 1952, mort le 12 Février 2012) était un journaliste égyptien, bien connu pour sa dérision et son sens de l'humour. Il est diplômé de l'Académie Militaire Égyptienne, et a combattu dans plusieurs guerres, telles que la guerre d'Usure et la guerre d'Octobre. Il est une source d'inspiration pour de nombreux journalistes satiriques arabes. Après sa mort, une rue porte son nom en Alexandrie, où il est né. (Source: Wikipedia)
Ci-après un florilège de ses citations que j'avais traduites de l'arabe et qui restent encore merveilleusement et malheureusement d'actualité. Bonne lecture:
À chacun sa part ...
J'ai fait les guerres d'usure, d'Octobre et du Koweït, et pourtant je n'ai reçu qu'un seul coup de feu lors d'un mariage.
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Le peuple qui ne préfère le changement qu'au lit, on ne lui change que les couches.
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Qu'en Égypte, un ministre est à la fois, consultant, directeur d'usine, possédant une entreprise et loueur de balançoires.
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Les poubelles ce sont les guichets de livraison de déchets comestibles entre riches et pauvres, loin du contrôle de l'ONU.
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Rien n'est stationnaire maintenant en Égypte sauf le temps qu'il fait.
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Celui qui parle plus fort, ne dit rien, et celui qui est sage, personne ne l'écoute.
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Dans le film, l'acteur meurt puis tu le vois dans le prochain film.. La même chose dans les gouvernements.
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Avec moi, tu es beau... Contre moi, tu es un collabo..
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Un faible d'esprit est celui qui croit qu'en Égypte on se soucie des gens à faible revenu.
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Le président se coince, il limoge le 1erministre..Le 1erministre se coince, il limoge le ministre.. Le ministre se coince, il va aux toilettes.
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Un bon citoyen est celui qui ne fourre son nez que dans son mouchoir.
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Chaque jour, la Terre tourne, s'arrête en face de mon immeuble et me demande: as-tu besoin de quelque chose que je t'amènerais à mon retour? Deux paquets de liberté et un quart de justice, lui dis-je.
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Le chef politique du Tiers-Monde, c'est comme les cheveux de la tête chaque fois que tu les coupes, ils repoussent et se renouvellent.
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On a vu la révolution et la contre-révolution et la contre-révolution de la contre-révolution; maintenant on a besoin d'une contre-opposition
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Trois choses, une fois perdues, on ne les récupère jamais: l'amour, la vie et l'argent des banques.
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La grandeur de l'Égypte, c'est qu'elle met entre les sept jours de la semaine, six papiers-calques, ainsi les jours en sortent similaires
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Une histoire d'amour entre un musulman et une chrétienne, pose problème; une autre entre un chrétien et une musulmane, problème aussi. La solution, une histoire d'amour entre "le musulman et le chrétien"!
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Le respect d'un seul côté est comme l'amour d'un seul côté.. c'est une maladie.. Nous respecterons les lois quand elles nous respectent.
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Oh mon dieu, combien sont difficiles ces jours-ci où le sport est transformé en un métier et la religion en une profession.
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Une civilisation de sept mille ans et deux mois, cela fait combien en euros ?
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Sauf chez-nous: sur 9 évadés la police arrive à en arrêter 23, puis continue à traquer ceux qui sont en cavale.
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La surdité partielle aide à entendre les voix de la justification et non pas ceux du changement et mêle l'impulsion des masses et le renflement de celles-ci.
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Si tu veux perdre un peuple occupe-le par une pénurie de gaz et de fuel puis mêle politique, économie, religion et sport.
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Plus important que la façon de nommer un président, c'est celle de l'évincer.. La porte de sortie doit être plus large que celle d'entrée.
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Ceux qui ont raté la révolution de ceux qui avaient un «ordinateur», doivent attendre la révolution de ceux qui sont «anémiques»!
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Deux États n'ont pas de frontières: l'État d'Israël et l'État de droit.
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Toutes les catégories sociales d'Égypte se sont mises en grève, à l'exception des voleurs, par sentiment de responsabilité de leur part.
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Nous sommes tous des «sémites», mais nous sommes plus braves que les Juifs. Eux, ils sont morts dans les fours alors que nous mourrons devant, et sans Hitler. (Pendant la pénurie de pain en Égypte/ MR)
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En raison de la longue stabilité en Égypte, nous avons eu droit à une toile d'araignée dans le plafond du pays.
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La Ligue arabe s'est transformée en un parking public pour des États qui ne sont pas unis par la langue, mais par la tyrannie.
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C'est vrai, l'Égypte a eu accès à la Renaissance
mais elle saluera en passant ceux qui y sont assis
et sortira de l'autre côté.
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Qui vole un «livre» devient universitaire, qui vole une «terre» devient un homme d'affaires, qui vole un «pain» devient un tueur en série.
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On trafique «les vestiges» du passé, «l'argent» d'aujourd'hui et les «savants» de l'avenir.
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Le rédacteur intelligent c'est celui qui respecte le lecteur plus qu'il ne respecte son rédacteur en chef !
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Plat du jour : Préparer un ministre frais et le porter à ébullition jusqu'à l'émanation des déclarations.
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Quel est votre signe horoscope? -Personnellement, je suis "Balance" et suis à la recherche de la justice.
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L'Égypte nous inquiète et fatigue. À mon humble avis, on doit la marier, ainsi on s'en débarrasse en la confiant à un homme.
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On franchira ce calvaire lorsque l'on saura que le policier n'est pas "Caïn" et le rebelle n'est pas "Abel" !
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La police est nécessaire comme l'eau et l'air, mais, comme eux, elle a besoin de purification.
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Dans ce pays certains méritent le «Prix» proposé par Nobel, d'autres, la poudre à canon qu'il a inventée.
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En vertu de la religiosité d'apparence dans laquelle nous vivons, personne n'a plus peur du "Feu d'enfer" sauf les sapeurs-pompiers.
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Je ne repeins mes cheveux ni ne soigne mes rides, mais je résiste au temps autrement : dès que malade je consulte un pédiatre.
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La rose est comme le martyr, elle sacrifie sa vie pour délivrer un message d'amour.
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Chez nous, le sportif se mêle à la masse, l'intellectuel au pouvoir et la sureté de l'État à tout le monde.
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La surdité partielle aide à entendre les voix de la justification et non pas celles du changement et à mêler l'impulsion des masses avec le renflement de celles-ci.
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Le soleil travaille 12 heures par jour, puis les profits vont à ceux qui sont assis à l'ombre.
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Après l'écroulement de l'URSS, Israël lui a piqué les savants soviétiques et nous les almées russes.
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Chez nous, la politique justifie les excès de la sécurité et vice-versa, et on obtient un citoyen-sandwich coincé entre les deux.
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La surface de la liberté est égale à la largeur du "citoyen" multipliée par la longueur du "policier".
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Les passagers ont commencé à porter leurs linceuls en préparation pour le départ du train / (Sur les accidents ferroviaires en Égypte/ MR)
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Quel avenir pour un peuple qui donne son sang sur les routes, sa sueur dans les stades et ses larmes aux examens?
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Ne cherche pas l'ennui... Rassure-toi, il connaît ton adresse.
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Pourquoi le peuple ne s'assied-il pas à une réunion avec le gouvernement pour lui présenter ses excuses?
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Les journaux : une tonne de papier, un kilo de mots et un gramme de vérité.
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Le musulman se sert de sa foi pour gagner une place au ciel. L'islamiste se sert de sa foi pour gagner un siège au parlement.
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On n'a pas le droit de briguer un poste élevé dans son pays. C'est comme un siège d'autobus: réservé aux personnes âgées.
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Et Socrate dit:"L'ignorance est la mère de tous les maux"; As-tu su à présent le lieu où se trouve l'usine à tyrans?
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Stabilité - Prospérité - Développement... : Triple vaccin oral.
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La religion, un lien vertical entre l'Homme et Dieu; on l'a converti en un lien horizontal entre le citoyen et son frère.
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Parole en noir et blanc pour une télévision en couleur.
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Certains "peuples", tout comme certains "dirigeants", refusent le changement.
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Chez nous, pas de différence entre constitution et vélo. Les deux sont conçus pour être montés par une seule personne.
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L'accusé est présumé innocent jusqu'à ce que le gouvernement le laisse tomber.
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Certains "peuples", tout comme certains "dirigeants", refusent le changement.
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Traduit de l'arabe par:
RAFRAFI
Été 2013
Une version bilingue sur ce lien ICI
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lundi, 15 avril 2013
Sagesse mauresque
Le réseau social, Twitter, m'a permis de découvrir non seulement des belles plumes, telles que de Saadiah Mufarreh et de Bothayna AlEssa, auxquelles j'ai consacré précédemment deux notes (1 & 2), mais aussi des érudits dont Mohamed Mokhtar Al Shinqiti qui continue d'agrémenter le réseau par ses tweets de facture savante et savoureuse, touchant presque à tous les domaines du savoir.
Convaincu qu'une pensée à la fois authentique et humaniste, devrait rayonner en permanence afin de parer au fanatisme, à l'ignorance et au simplisme, je n'ai pas hésité à traduire de l'arabe vers le français certains de ses plus pertinents tweets, dignes de maximes voire d'axiomes, et que je vous propose ci-dessous.
Mais d'abord, qui est-ce Mohamed Al Mokhtar Al Shinqiti?
Se présentant comme Islamiste d'horizon humaniste, Dr Mohamed Mokhtar Al Shinqiti, d'origine mauritanienne, est professeur d'histoire des religions et de l'exégèse (tafsir). Il a enseigné à la faculté des études islamiques à l'Université du Qatar et à l'Université yéménite d'Al-Imane. Et c'est à l'Université du Texas qu'il a obtenu son doctorat.
Ainsi parlait Al Shinqiti
La société:
- Aujourd'hui on n'a pas besoin de faire ses preuves en excluant les autres, mais on a besoin de plus d'humanité.
- Chaque crime est un péché, mais tout péché n'est pas un crime. Jusqu'à quand va-t-on confondre morale et droit ?
- La liberté est l'essence même de la nature humaine. Notre malheur c'est d'en faire un moyen et non pas une fin.
- L'État est une nation politique, la nation est un État culturel. À chacun sa logique et ses droits sur l'individu.
- Après la culture de contrainte, l'humanité entame celle de la persuasion, notre nation n'aura pas d'avenir sans celle-ci.
- Si vous trouvez une société qui considère la philosophie comme mécréance et l'art comme débauche, sachez que sa culture est stérile.
Le printemps arabe
- Le printemps arabe est une fatalité, et un déterminisme historique irréversible, quelque soit le coût ou la durée.
- Le printemps arabe mène une guerre ouverte contre la Russie et secrète contre l'USA. Je ne sais pas laquelle est-elle la plus féroce.
- Dans toute révolution, il y a des erreurs; mais c'est le prix à payer... tout comme lorsque vous prenez un médicament et devez subir ses effets secondaires.
- Le but des révolutions c'est de libérer les peuples et non pas de les gouverner.
- On avait essayé en Irak le pouvoir des sunnites et celui des chiites. Dans le deux cas le résultat était amer. À quand, en Irak, le pouvoir devient celui de tous les Irakiens?
La démocratie
- La démocratie permet à la société de gérer seule ses valeurs, sans la rendre ni islamique ni laïque, mais libre de choisir ce qu'elle veut être.
- Les cancres et les oisifs préfèrent le confort de l'ignorance à l'angoisse de la science, et la pérennité de la tyrannie au dynamisme de la démocratie.
- La démocratie ce n'est pas une philosophie, c'est un système politique qui peut accueillir toutes les philosophies. C'est-là sa force.
Religion et pouvoir
- Contraindre l'individu et la société à la religion, c'est former des hypocrites et non pas des croyants.
- Dans les sociétés libres, la foi est plus importante que l'Islam. Dans les sociétés répressives, c'est l'inverse.
- Religiosité sans liberté c'est de l'esclavage et non pas un acte d'adoration du Créateur.
- Toute religiosité qui ne rend pas l'Homme plus humain, n'a rien d'une vraie religion.
- Le sectarisme c'est venger le passé sur l'avenir, c'est abattre l'aube pour s'accrocher au pieu de la nuit.
- La défaite du sectarisme vient par le triomphe de l'individu libre sur une communauté close, et non pas par le triomphe d'une communauté sur une autre.
- La culture de contrainte en religion finit toujours par une fausse religiosité qui défend les oppresseurs contre les opprimés.
- Les salafistes cherchent toujours un précédent pour chaque nouvelle idée, comme si l'idée qui n'en avait pas était adultérine.
- Exiger la cohérence en matière de religion pour coexister c'est déclarer la guerre à la plupart des êtres humains.
- Dans la charia islamique, l'amalgame de ce qui est moral et de ce qui est juridique, est la pire des confusions méthodiques de notre jurisprudence politique d'aujourd'hui.
- Lorsque la Charia (Loi islamique) devient dans l'esprit de certains pratiquants un simple code de restrictions et de limitations, il n'est pas surprenant que ceux-ci considèrent la liberté et la Charia comme antinomiques.
- Certains pratiquants sont plutôt plus aptes à être des gardes-frontières avec un air maussade, que des dirigeants nationaux ou des guides de l'humanité.
- L'étude de l'histoire a pour but d'en tirer une leçon et de la dépasser, et non pas de détruire le présent et de miner l'avenir.
- La pire des tyrannies est celle du sectarisme religieux, car ce ne serait pas celle d'un État contre une société, mais celle d'une partie de la société contre une autre.
- La culture traditionnelle a été impressionnée par le califat des Rachidun (Califes bien guidés); elle a ignoré la société adulte qui a engendré ce califat.
- Celui qui veut que l'Islam ne soit que valeurs sacrées et abstraites, sans le soumettre à l'expérience de la vie, il devrait l'écarter de la vie.
- Aujourd'hui on a plus besoin de société bien adulte que de califat à la Rachidun (des quatre premiers califes bien guidés), et de légitimité politique que de politique religieuse.
- Une société adulte est une société consciente de ses responsabilités. Elle exerce son autorité sur ses dirigeants. Elle peut être religieusement pratiquante ou non-pratiquante.
- Le laïc prend la révélation pour histoire, le salafiste prend l'histoire pour révélation, les deux sont en tort.
- Le pire d'une institution religieuse, c'est qu'elle amène les gens à s'éloigner du vrai quand elle prêche le faux.
- Les chrétiens arabes forment une composante intégrante de la civilisation islamique et représentent l'un de ses hauts faits.
Pensée
- Il n'y a pas d'idées originales et d'autres importées... Il n'y a que le vrai et le faux, l'humain et l'inhumain.
- Le débat d'idées est une opinion. La controverse sur les faits est une indocilité.
- On passe de la culture de coercition à celle de persuasion. Notre nation n'a d'avenir en dehors de cette nouvelle ère de mérite
- Jamais vu une amoureuse aussi humiliée que l'USA devant Israël. Elle se droitise avec sa droite et se gauchise avec sa gauche.
- La meilleure rivalité, entre l'Homme et son semblable, c'est celle dont l'objet est l'esprit humain.
- Afin d'édifier un nouvel avenir, nous avons besoin d'édifier un nouveau passé.
- En politique, il y a plusieurs degrés entre le (oui) et le (non), et plusieurs nuances entre le blanc et le noir.
Mohamed Al mokhtar Al Shinqiti
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RAFRAFI
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Je fais la prêcheuse
Je vous propose ci-après ma traduction d'un magnifiquue texte écrit récemment par l'écrivaine Koweïtienne Bothayna AlEssa :
Je fais la prêcheuse ! Oui
Je prêche les beaux livres qui font briller les questions et te jettent - sans pitié - dans l'angoisse, l'insomnie et le spleen du questionnement. Je prêche les livres qui te délivrent de la quiétude grégaire et qui te mènent à te demander: Et si tout ce que j'y croyais, apprenais à l'école ou recevais de mes parents... était une falsification de la vérité? Qu'est-ce que la vérité? Je prêche les livres, qui sèment le doute et non pas la certitude. Je fais la prêcheuse! Oui.
Je prêche les poèmes qui poignardent le cœur, qui réparent notre défaillante existence. Je prêche les poèmes qui pénètrent ton foie et se lavent dans ton sang. Je prêche la Tapisserie de Mahmoud Darwish, Les enflures de Susan Aliouène, La poussière de Wadi' Saada, La tombe de Qassim Haddad, La Constitution de la Foi de Nazih Abu Afsh et de nombreux autres textes.. Oui, nombreux, et je me demande comment le monde puisse-t-il paraître sans eux; comment le cœur puisse-t-il s'abluer avec autre chose que la poésie? Je me le demande en continuant le prêche. Oui. Je fais la prêcheuse!
Je prêche les cafés qui donnent vue sur la mer: le croissant est fabuleux, le gâteau Red Velvet est fantastique et l'arôme du café est affriandant. Je prêche la beauté de l'amour des gens qui partagent la nourriture autour d'une table avec des amis, et la discussion philosophique autour d'une tasse de café turc. Je fais la prêcheuse! Oui.
Je prêche l'herbe qui pousse entre les dalles ou "dans les articulations d'une roche" comme disait Darwish. Je fais plus que cela, je prends en photo cette noble herbe, qui défend, de toutes ses forces douces, son droit à la vie, qui balafre la face du mur et sort indemne et toute verte. Je prêche la venue de cette herbe tout comme les peuples d'antan qui ont prédit la venue des prophètes. Je la prends en photo et la largue sur le Net; et sur les réseaux sociaux je dis au monde entier: Regardez l'herbe qui balafre le mur, juste regardez-la, car votre simple coup d'œil est en soi une véritable victoire de la vie. Regardez-la et le miracle se produira. Moi-même je crois aux miracles; je fais la prêcheuse! Oui.
Je prêche les nouvelles fleurs dans le jardin. Je prêche la petite boutique vendant des objets artisanaux, fabriqués par la puissance de l'amour et par celle de la générosité. Je prêche les étrangers, les fous, les poètes et ceux dont les cœurs sont à gagner. Je prêche les miches attiédies, les moineaux et les chrysanthèmes. Je prêche le Ferrero Rocher, la tasse de porcelaine et le chandelier de cristal. Je prêche le film qui fait trembler la terre sous mes pieds et me fait pénétrer dans la vie d'un autre humain.
Je prêche les arbres, les nids, les chardonnerets élégants, les chats errant dans les rues, les pots, les amis, l'écho. Je prêche la pluie, le rêve, l'herbe. Je prêche la gazelle, le caribou et les tortues marines. Je prêche la beauté du monde qui ne tarit pas... Je fais la prêcheuse! Oui, car la beauté est, à mes yeux, un crédo.
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vendredi, 15 mars 2013
En attendant la boule-de-neige
À la suite de ma précédente note intitulée Froid dans le dos et signalée sur ma page Twitter (@RAFRAFI_MED), l'amie Louise-Line Michel (@Louizeline) a partagé sur sa page FB ce poignant échange entre trois personnes sur la dame SDF du 18ème arrondissement parisien. Je vous propose ci-après l'intégralité de cet échange, en espérant voir cette affaire s'accroître en une boule de neige suffisamment grande pour balayer les consciences inertes:
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À propos de la dame SDF à Paris 18è - Échange passionnant entre Nicolas Bleusher, Romain Bunoz et Sylvaine Vaucher:
*Nicolas : Si c'est son choix : car, oui, on peut, on doit l'envisager. Elle refuse notre pitié.
*Romain : Oui, elle est incroyable et vit depuis plus de 3 ans ici, 4- 5 même... C'est juste en bas de chez moi, rue Ordener. Mais quelle douleur dans ses yeux, quelle vie elle a du avoir.... Les jours de marche, elle fait un peu la manche...
Croire que c'est un choix, c'est un peu bizarre, disons qu'elle n'a plus que ça comme choix, l'ultime résignation, la douleur telle qu'on vit immobile.... Faut l'entendre hurler a 4h du mat comme si on l'égorgeait, mais ça doit sûrement être son choix.. :( Pas le choix, car une société entière l'a dégoutée
*Nicolas : Alors c'est un choix de résistance et un signe de sa volonté d'exister encore et malgré nous. Un signe affiché, ostensible même, de sa colère, de sa peine, de sa désolation, de son inaptitude, de son incompréhension, de son refus, de sa hargne, de son défit enfin au monde dans lequel elle survit. Une preuve d'humanité en quelque sorte.
*Romain : Oui, t'as peut être bien raison.... Vu la Hargne qu'elle a, ça m'étonnerais pas ! En tout cas pour lui faire plaisir, il suffit d'un Sudoku, elle en raffole et en fini 5 par jour, ça se trouve en plus elle est agrégée de Math ;°)
*Nicolas : Il faut certainement un mental d'acier et une motivation exceptionnelle pour résister à la rue, à ses dangers, ses aléas, sa violence. Et être totalement poète et fou pour en mesurer toute la beauté - ignorée pour la plupart des autres - les jours et les nuits plus cléments... Bref : quand les écrivants se mettent à raconter ce qu'ils n'ont pas vécu...
*Romain : Ça c'est sûr ! Un sacré mental de citadin aussi car c'est pas le carrefour le plus calme, le moins fréquenté... Au début je croyais qu'elle attendait quelqu'un ou quelque chose pour ne rester qu'à cette endroit précis, mais au bout de 5 ans... et surtout que ni la voirie, ni la police ne la dérange, déloge, alors que tous les autres oui..... Elle est sacrément mystérieuse....
*Nicolas : Et si le message envoyé était : mais laissez-moi donc vous narguer, les biens-dans-le-rang, les aveugles, les muets, laissez-moi donc dans vos nuits confortables gueuler et puis chialer, droite et cassée et faible et si forte, tellement libre, sur mon bout de banc, au bord de vos allées et venues qui ne vous mèneront nulle part, vous les conformes, les enchaînés, les morts, déjà... (Nicolas en mode dramatique)
*Romain : Ouais, ça peut être aussi: je vais me laisser crever sous vos yeux, vous qui m'avez tuée, gentillement mis au ban de la société, ne me laisser qu'un banc où j'ai voulu m'échouer... Je vous déchirerai de remords au petit matin quand vous partez pour l'inutilité... Si vous m'accordez votre pitié d'une pièce, d'un parapluie, je cracherai pour rétablir la vérité ! Et votre non-assistance vous suivra toute la journée, acide comme l'odeur de pisse, âcre, qui prend au nez et que je vous balance juste pour vous emmerder, je resterai là planter au carrefour de la honte, vous qui ne savez pas aider ces cœurs déchiquetés qui parlent aux fantômes.... Vous les avez laissés en proie aux labyrinthes.....
*Sylvaine : ..."Une grande et amère question...." je suis libre dans mon manteau de neige, dans mon âme en froid, dans mon cœur de pluie... ma norme est hors norme et je vous emmerde.
*Nicolas : Et puis il y a aussi la tentation de descendre du train. Un jour. Et de s'apercevoir qu'au moment de vouloir remonter dans la rame elle est déjà trop rapide, la marche trop haute soudain, la main là tendue et que l'on pensait pouvoir agripper n'est pas au bout de la sienne. On reste sur le quai. Les jours passent. C'est l'été, les nuits sont douces. On se fait une raison. On emmerde les trains, les voyageurs, les contrôleurs, le chef de gare. On se dit que l'on a peut-être été con. L'automne est déjà là. On cherche un coin pour ne plus y penser. On garde son billet bien plié dans un coin de sa poche. Au chaud, pour passer l'hiver.
Merci les zam's. Je ne veux pas vous trahir, donc j'y touche pas
(Louise-Line Michel)
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RAFRAFI
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