vendredi, 04 mai 2012
Dopage électoral !
Un candidat qui se ressource dans une campagne électorale pour reprendre de nouvelles forces de persuasion, me fait penser au sportif qui, illégalement bien sûr, se dope pour gagner une course ou un match. Le fait que certains politologues qualifient le duel Hollande-Sarkozy, de «judo politique» qui s’est soldé selon eux par plutôt un «match nul» confirmerait cet aspect pugilistique de cette compagne présidentielle. Quant au dopage dans ce marathon vers l’Élysée, il semble être parfaitement légal sans qu’il ne soit unanimement ni forcément convaincant.
Pratiquement tous les candidats au premier tour se sont dopés en se ressourçant, chacun à sa façon, à ses principes de base. Seul Jean-Luc Mélenchon du Front de gauche (comme par allégeance au Front Populaire des années 36-38 dont le slogan électoral était «Pain, Paix, Liberté»), s’est dopé, en plus de l’héritage à la fois radical-socialiste, communiste, écologiste et extrême-gauchiste, de quelques slogans inspirés du Printemps arabe du genre «Prenez le pouvoir», «Révolution citoyenne», «Place au peuple», «La marche pour la 6ème République» etc.. Ce dopage lui a permis, semble-t-il, de réaliser un score (dépassant les 10%) jamais atteint par cette mouvance depuis 1981, mais a aussi indirectement dopé, par ricochet, le Front National, qui réalisa au premier tour le plus haut score de son histoire. Toutefois, le schéma de 2002, où on a vu un deuxième tour entre la droite et l’extrême-droite, ne s’est pas reproduit; et nous voilà devant le schéma classique d’un deuxième tour entre la droite et la gauche (Hollande-Sarkozy). Avec tout de même une différence qui est une première dans l’histoire de la Cinquième République, à savoir un président sortant qui, comme candidat, arrive en deuxième position.
Je m’attendais à voir au moins un de ces deux candidats finalistes dans leur débat télévisé, dire un mot sur ce fameux printemps arabe. Ce n’est pas pour qu’ils s’en dopent, loin de là, ils n’en ont d’ailleurs pas besoin. Mais se contenter d’évoquer l’épiphénomène qu’on appelle «al- Qaïda en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne», autour duquel leurs positions convergent! et négliger ce phénomène historique, à savoir le Printemps arabe, qui est en train de bouleverser le paysage sociopolitique et du Maghreb et du Machrek, cela paraît bizarre!. Non pas de la part de Sarkozy dont le présumé dopage financier par Kadhafi en 2006, ne l’encouragerait pas à aborder ce «Printemps»... Mais Hollande?!!
Enfin, passons…
De par ma position d’observateur non partisan qui se veut objectif, je dirais que face à un Hollande fidèle et nostalgique qui se dope politiquement du Mitterrandisme du Programme Commun des années 70, voire de l’image même du défunt Président, jusqu’au mimétisme, j’ai vu un Sarkozy pragmatique et opportuniste qui n’hésite pas à se doper des voix de l’extrême-droite. Si dans l’autre sens, Sarkozy n’a eu de flirt électoral qu’avec les voix du MoDem et aucunement avec celles de la gauche, Hollande, par contre, a furtivement tendu une perche à l’extrême droite, en promettant, la restauration du scrutin proportionnel. Et c’est bien le mode de scrutin qu’avait rétabii Mitterrand en 86 permettant au Front National d’avoir des sièges au parlement.
Au bout de presque 30 ans de séjour en France, et à l'aide de mes lectures du passé et du présent français, la leçon que je pourrais en tirer, me dit que, hormis Vichy (40-44), cette alternance pendulaire droite-gauche depuis la Constituante de 1789, avait toujours conduit l’élite politique de France vers un compromis renouvelé. Ceci commença déjà à la naissance de ce clivage droite-gauche en 1791, lorsque entre monarchiens qui voulaient donner au Roi le droit de veto absolu et les républicains qui n’en voulaient pas, on a fini par lui accorder le veto suspensif.
Que ce soit sous une gauche au pouvoir avec un programme modéré (le Front populaire) ou avec un système bicaméral (celle de l’après-guerre) ou encore avec le «Tournant de la rigueur» qui va jusqu’à la privatisation et la cohabitation (sous Mitterrand) ou sous une droite gaullienne décolonisatrice et anti-atlantiste (avec De gaulle) ou gauchisante jusqu’à la cohabitation à l’envers (sous Chirac qui finit par devenir «Hollandiste») où même sous Sarkozy l’atlantiste qui recrute des ministres de gauche (Kouchner, Mitterrand-neveu…), la France refuse l’extrême pour ne jongler qu’avec deux pieds bien musclés (que Le Pen dénomme du nom de «UMPS» devant lequel «la France est à genoux»), un centre modérateur (cette fois-ci Bayrou casse le tabou et vote pour Hollande) et deux extrêmes pour le dopage électoral. Démonstration éloquente : l’alliance électorale en 2002 entre, à la fois, toute la gauche, le centre et la droite, et ce juste pour contrer l’extrême-droite, arrivée au deuxième tour en cette année-là.
Pour mieux finir cette note, j’ai à mon tour, besoin de me doper. A cet effet je vous propose une très courte vidéo de 28 secondes seulement, dans laquelle vous allez apprécier, comme moi c’est sûr, le très génial Raymond Devos qui résume juste en deux mots tout ce que je viens de raconter dans cette note. (cliquez ICI)
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vendredi, 13 avril 2012
Adios Mon Bella
Ce n’est pas pour faire rimer Ben Bella avec Mandela, quoique, à mon sens, le chef historique de la révolution algérienne, qui vient de quitter ce bas monde (le 11, courant), était bel et bien le Mandela arabe.
Presque du même âge, ils se partageaient certaines valeurs révolutionnaires mais des péripéties aussi : Résistance-détention-présidence pour Mandela, Résistance-présidence-détention pour Ben Bella.
Mais enfin Ben Bella libéré, et ce depuis 22 ans, au bout desquels ce fils de paysans berbères d’origine marocaine, arrive sagement à récupérer en 2007 son titre de président non pas de l’Algérie mais, à juste titre, du Groupe des sages de l'Union africaine.
Je n’ai pas l’intention de retracer ici la vie légendaire d’Ahmad Ben Bella. Elle est suffisamment connue par beaucoup, sinon elle est d’ores et déjà numériquement à la portée de tous. Mais seulement, et en guise d’hommage, j’essaie de tracer juste quelques traits de son portrait que je me faisais de lui depuis mon très jeune âge.
Pour le Tunisien que je suis, le portrait du leader Algérien ajoutait une touche saillante au paysage d’allégresse à l’aube des indépendances arabes au début des années 60. À côté d’un Bourguiba ou d’un Nasser, Ben Bella semblait à mes yeux plus jeune plus fougueux et plus ambitieux. Son arabisme était plus à gauche que le nassérisme, de même pour son modernisme par rapport au bourguibisme.
À cette époque là, mon âge ne me permettait pas de distinguer les nuances idéologiques des nouveaux régimes en place. Mais plus tard j’ai réétudié cette époque des années soixante et constaté que l’enthousiasme patriotique postcolonial commençait de céder la place à la consternation due aux soubresauts politico-militaires nationaux. À commencer par l’emprisonnement de Ben Bella en 1965, à la suite d’un coup d'État mené contre lui par le colonel Houari Boumédiène. L’arabisation, tous-azimuts, de l’Algérie « imposée » par le pan-arabiste Ben Bella, ne plaisait pas aux plus chauvins des algériens. C’était l’une des raisons de ce putsch.
La consternation battait son plein avec la défaite arabe devant Israël en 1967, suivie par le « Septembre Noir » des palestiniens en Jordanie, ensuite par le décès de Nasser (en 1970) et l’échec de l’expérience socialiste en Tunisie sous Bourguiba. Pour ne citer que les événements régionaux les plus marquants.
Tout au long des années 70 le « trou noir » de la politique arabe n’a cessé de s’élargir. Et ce malgré la volonté d’un autre colonel, libyen cette fois-ci, qui voulait en profiter pour réincarner à la fois Nasser et Ben Bella. Mais le sort fatal qu’il a subi l’an dernier explique bien sa longue et fausse démarche.
Alors que Ben Bella, avait pu tirer profit de son long emprisonnement (15 ans), en se livrant à la lecture et de la pensée arabe et islamique, ancienne et contemporaine, et de la pensée occidentale postmoderniste dont entre autres celle de Michel Foucault. Il en est sorti (en 1980) muni de nouvelle conviction. Son arabisme de gauche évolue vers un arabo-islamisme démocratique avec un zeste d’altermondialisme. D’où d’ailleurs sa création, en 1981 en exil, du « Mouvement pour la démocratie en Algérie ».
Voilà, de sa part déjà, un signe prémonitoire du printemps arabe. Son destin a voulu que la première année de ce printemps soit la toute dernière dans l'hiver de sa vie.
Un autre aspect à souligner de ce grand homme, est le fait qu’il soit comparable non pas seulement à Mandela mais aussi au Marquis de La Fayette.
Officier et homme politique, La Fayette était un héros de la guerre d'indépendance des Etats-Unis, avant d’être une personnalité historique de la Révolution française. Donc il participa à la libération d’un autre pays colonisé par les Anglais, avant de se consacrer à celle de son peuple qui était soumis à la tyrannie monarchique. Tout comme lui, Ben Bella, décoré de la médaille militaire par le général de Gaulle en 1944, participa à la libération de la France, qui était occupée par les Allemands, avant de se consacrer à la libération de l’Algérie, qui était colonisée par la France. Le même principe guidait les deux hommes : LA LIBERTE DES PEUPLES.
Peu de français connaissent ce double aspect parfaitement cohérent chez ce « marquis » de l’Algérie. Et ceux qui le savent déjà, ne peuvent pas ne pas l’apprécier. D’autant plus qu’à la même année où on s’apprêtait de fêter la fin de la Seconde Guerre mondiale et la victoire des alliés contre les nazis, commencèrent les massacres de Sétif et Guelma qui ont fait des milliers de morts parmi les Algériens.
Pour que la mort d’un résistant ne cache pas la mort d’un autre, celle de Raymond Aubrac, survenue, juste la veille de celle de Ben Bella, ne devrait pas être considérée comme la mort du « dernier » résistant de la Seconde Guerre mondiale, mais plutôt de l’avant dernier résistant.
Un geste de reconnaissance envers Ben Bella, provient de l'Olympique de Marseille. Pourquoi ? Tout simplement parce que le leader Algérien était un joueur de cette équipe, et aussi pour l'équipe de France militaire au poste de milieu de terrain alors qu'il était sous-officier de l'armée française.
A l’annonce du décès de Ben Bella, le website de l’OM, publie la nouvelle sous le titre :
« Ben Bella, un président buteur s’est éteint… »
dont voici la teneur ;
"Ahmed Ben Bella, qui fut le premier président de l’Algérie indépendante, est décédé le 11 avril, il avait 96 ans. Né le 25 décembre 1916 à Marnia, en Oranie, au sein d’une famille de commerçants, Ahmed BEN BELLA (de son vrai nom Messaoud MEZZANI) a joué une saison sous le maillot olympien (1939/40), mais il ne disputa qu’une seule rencontre, en Coupe de France à Cannes contre le FC Antibes (9-1), le 29 avril 1940. Un match durant lequel cet attaquant réserviste trouva le chemin des filets à une reprise.
Après avoir participé aux campagnes italienne et française et suite aux événements de Setif en mai 1945, Ben Bella rejoint le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques puis entre dans l’État-major de son organisation paramilitaire clandestine OS (Organisation Spéciale).
Arrêté en 1950, il s’évade en mars 1952 et vit clandestinement en France et en Egypte où il prépare le soulèvement du 1er novembre 1954. Chef historique du FLN, Ben Bella est à nouveau intercepté en 1956. Libéré avec les accords d’Evian (18 mars 1962), il préside le gouvernement avant d’être élu président de la République algérienne le 15 septembre 1963. Renversé par le colonel Boumediene en juin 1965 et séjourne en prison jusqu’en 1979. Exilé en Europe, il rentre en Algérie en 1990 où il restera jusqu'à la fin."
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vendredi, 16 mars 2012
Guella, une vision accomplie
Je me souviens toujours du festival estival de Tabarka en 1980, durant lequel j’ai réalisé un long entretien de presse avec le chanteur-compositeur Feu Hédi Guella, inhumé tout juste hier dans sa Tunisie natale. L’entretien n’a jamais été publié. Sa teneur de gauche n’a pas convaincu à l’époque mon frileux rédacteur en chef tunisien. C’était l’époque où la chanson progressiste engagée battait son plein, d’abord avec le précurseur Cheikh Imam en Egypte, ensuite la troupe de Nass El Ghiwane au Maroc, et Hédi Guella entre la Tunisie et la France.
Sur le plan musical, ce genre de chanson engagée ne correspondait pas aux critères de création auxquels croyait le mélomane que j’étais et suis encore. Toutefois je respectais le talon musical de ces musiciens engagés ainsi que leur aspiration vers un lendemain meilleur et plus juste. Appartenant à la même génération (Seconde génération de l’indépendance, qualifiée de « perdue » ), je partageais en effet cette aspiration mais avec une sensibilité idéologique plus ou moins différente.
Tout comme ma rencontre avec l’Egyptien Cheikh Imam (chez lui au Caire ensuite à Paris) et avec Nass el Ghiwane (aussi à Tabarka), je garde en mémoire celle avec Guella comme un précieux acquis et professionnel et personnel. Le courant de pensées a bien passé entre nous deux. J’ai apprécié sa vocation militante et sa vision panarabe et il a de son côté apprécié mon professionnalisme journalistique ainsi que mon modeste savoir musical. Je n’ai pas pu le rencontrer de nouveau que deux fois seulement. La dernière c’était en 1997 au cours d’une soirée poétique à MAD'ART Carthage. J’y étais convié en tant que poète et lui en musicien luthiste, qui agrémentait la lecture des poètes.
Le choc de sa disparition subite et prématurée, a été quelque peu amorti à mon sens par le fait qu’il put vivre cette révolution tunisienne à laquelle il aspirait et pour laquelle il chantait.
L’interviewe que Guella avait accordée à un journal tunisien francophone voilà tout juste un an et deux jours, donc deux mois après la fuite du dictateur tunisien, m’avait permis de redécouvrir l’authenticité, la lucidité et la sincérité de cet artiste engagé. J’en ai choisi quelques extraits qui dévoilent à la fois la vision militante, musicale et politique de sa génération dont, moi-même, je faisais partie presque intégrante.
Sur son engagement des années 60-80, et sur la révolution du 14 janvier 2011, Guella répond :
Je vais parler de ma génération d’abord. Je crois qu’il est important de rappeler que depuis 1966 cette génération a joué un rôle décisif dans l’histoire des luttes du peuple tunisien. Le fondement idéologique du système bourguibien, et par-là, ses choix stratégiques, ont commencé à se révéler au grand jour à cette époque, à savoir le déni de l’appartenance de la Tunisie au monde arabe, l’alliance avec l’Occident impérialiste, néo-colonialiste, et par voie de conséquence, l’écrasement et l’étouffement de toute voix discordante. Bourguiba, qui n’était que l’écho de la domination culturelle du «clan occidental», a porté deux coups destructeurs. Le premier, en frappant au cœur de notre religion (précisément au jeûne), et ce n’était pas un geste symbolique, car il s’agissait d’un élément constitutif de notre identité. Le second a été porté à la liberté d’expression sans laquelle nulle société ne peut poser un projet de progrès. Ce «grand homme d’Etat» a trouvé devant lui, en 1966 et jusqu’en 1985, peut-être même au-delà, l’avant-garde de nos camarades d’université qui ont dit démocratie, liberté d’expression, d’indépendance syndicale, qui ont dit non à la domination impérialiste et, bien sûr, la Palestine vaincra.
Et d’ajouter
Alors notre regard, je suppose, sur ce que j’appelle, moi, le soulèvement révolutionnaire de l’hiver 2011, que nous fassions partie ou non de groupes ou de mouvements politiques, est celui de la satisfaction d’une attente, ainsi que de l’avènement des masses populaires, loin devant nos visions, nos analyses et les éventuelles stratégies de luttes que nous avons pu imaginer. Un regard de confiance pour tout dire.
Je suis bouleversé par la découverte de la haute conscience politique de notre peuple, et émerveillé par le patriotisme de notre jeunesse pour laquelle nous avons eu bien peur. Et puis, semble-t-il, les responsables actuels, veulent être à l’écoute de cette voix, alors continuons
Entre Bourguiba et Ben Ali, Guella précise :
Bourguiba a dirigé le pays d’une main de fer. C’étaient des condamnations de 15 à 20 ans de prison, et les régimes arabes avaient le même comportement.
J’ajoute à cela que le système bourguibien avait, tout de même, un substrat conceptuel, une idéologie propre, que n’a jamais eu le président fuyard Ben Ali.
Sur sa génération et la révolution, il dit :
Je pense que l’élément déterminant a été la mobilisation consciente des classes laborieuses, pour les revendications catégorielles d’abord, puis, dans un sillage naturel, pour la liberté et la dignité. Notre génération, il faut le reconnaître, n’avait pas la même qualité de conscience et de détermination… C’était un régime (de Ben Ali) de petits mafieux, de tigres en papier. C’est ce qui a sûrement fait que notre peuple traverse le mur de la peur.
entre révolution et «révolution musicale», il ajoute
La révolution saura distinguer le vrai du faux. C’est dans l’ordre historique des choses. Pourtant, nombreux sont ceux qui pensent, aujourd'hui, qu’il suffit d’adhérer au moment révolutionnaire pour exister artistiquement.
A ceux-là, je dis que l’art se maintient toujours. Nul ne doit oublier que cette révolution a eu ses martyrs et qu’il faut offrir à ces martyrs ce qui est à la hauteur de leur sacrifice. Fidélité à leur mémoire et véracité des projets.
Mon Cher Hédi, repose en paix
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jeudi, 20 octobre 2011
Le maillon marquant
Le roi est mort, vive le peuple…
La Libye avait failli rester le maillon manquant de ce collier d’or, parure bien méritée par ce magnifique Printemps Arabe. Mais, avec la fin de Kadhafi, elle est, d’ores et déjà, un maillon bien marquant de ce collier : En finir avec le régime arabe le plus totalitaire, c’est sauver, non seulement le peuple libyen, mais aussi le projet démocratique des deux peuples, tunisien (à l’ouest) et égyptien (à l’est), projet naguère vilipendé par l’ex-dictateur libyen.
Après Ben Ali, le mafioso tunisien qui court toujours, et Moubarak, le patriarche égyptien qui reste sournoisement alité, Kadhafi avait choisi d’être un Néron libyen, dès lors il a bien mérité sa fin après qu’il ait mis son pays à feu et à sang.
Une très bonne leçon qui devrait interpeller bien d’autres despotes arabes aussi têtus et avides de pouvoir.
L’ère des peuples arabes est à présent bien ouverte… Nul, parmi les prétendants, s’il n’est démocrate, n’y entre…
RAFRAFI
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jeudi, 07 avril 2011
Le bémol libyen
Dans l’euphorie populaire crée par cette suite de révolutions pacifiques, que ce soit en Tunisie, en Égypte ou bientôt dans d’autre pays dont le Yémen, nous nous trouvons devant un épisode libyen exceptionnellement dramatique.
Inspirée par les révolutions tunisienne et égyptienne, la révolution des libyens pour la liberté politique, qui, au départ, se voulait civilement civique et pacifique, s’est trouvée face à un va-t-en-guerre jusqu'au-boutiste qui n’est autre que ce colonel Kadhafi, supposé être, à partir de septembre 1969, leur «guide de la révolution».
Depuis 1977, il n’a pas cessé de dire cyniquement qu’il n’exerce plus le pouvoir parce qu’en cette année-là, il l’a « légué » au peuple pour que les libyens l’exercent eux-mêmes et par eux-mêmes, à travers leurs «comités révolutionnaires» (!!). Mais la réalité était toute autre. La preuve ? D’abord, il se contredisait en affirmant toujours qu’il est le «doyen des dirigeants arabes». Ensuite, parce qu’il restait seul maître à bord en ce qui concerne les décisions stratégiques du pays, en bénéficiant de la manne du pétrole et de l’appui de plusieurs tribus libyennes notamment de celle dont il est originaire. Puis, il a tenté voici quelques années d’élargir cette dimension tribale de son pouvoir, lorsqu’avec le consentement de certains dignitaires tribaux africains en visite de mendicité à Tripoli, il s’est proclamé « Roi des rois d’Afrique ». Bien pis encore, lorsque son peuple, supposé dépositaire du pouvoir, a décidé de ne plus vouloir de lui, ce dernier s’est livré à une guerre sans merci et militairement disproportionnée contre son peuple désarmé. Il est allé même à recruter des mercenaires africains et est-européens pour mater dans le sang la révolte populaire, sans hésiter à utiliser des armes lourdes contre les civils.
N’étant pas content des tunisiens qui, selon lui, auraient dû garder leur Ben Ali comme président à vie, et allant jusqu’à proposer à son homologue égyptien Moubarak d’écraser (!) les manifestants de la place Tahrir, ce grand faux « démocrate révolutionnaire» libyen, n’a pas caché sa frénésie du pouvoir. Avec ses fils, devenus à ses côtés, des seigneurs de guerre, il menaça de mettre la Libye à feu et à sang. Il amalgama les attributs à des fins tactiques, en accusant les émeutiers d'être à la fois des agents de l'étranger, des drogués, des membres d'Al-Qaïda. Le trafic militaire discret d’Israël dans cette sale guerre, en lui fournissant des obus dont l’utilisation est sensée être interdite par la loi internationale, l’a discrédité aux yeux de ce qui lui restait de supporters arabes. Il a beau essayé, au début de la révolte, d’amener l’Occident à soi, pensant qu’utiliser l’épouvantail d'Al-Qaïda ramènerait l’Occident à le soutenir contre son peuple insurgé. Hier seulement, il vient de réitérer dans une missive envoyée à Obama, la même rengaine : «Tout le peuple libyen est prêt à mourir pour moi: femmes, et enfants y compris. (...) Nous ne faisons que nous battre contre Al Quaïda. (...) Vous regretterez toute ingérence en Libye».
L’opportunisme du colonel ne me laisse pas, pour autant, indifférent envers cette opération militaire occidentale. L’odeur du pétrole y monte avec les raids. Tout comme l’odeur du cacao en Afrique où la France intervient presque pour la même raison à savoir d’en finir avec l’entêtement d’un Gbagbo, plutôt plus instruit que le colonel libyen, mais aussi tenace pour garder le pouvoir en côte d’ivoire.
L’évolution de la situation en Libye continue à susciter une vive inquiétude auprès de beaucoup de tunisiens et d’égyptiens qui risquent de voir, leurs révolutions subir en amont des retombées plus dramatiques que l’entassement des refugiés aux frontières, et en aval des retombées plutôt paraboliques dans le sens où l’exemple libyen découragerait d’autres peuples arabes avides de liberté qui craignent de se trouver un jour de révolte entre l'enclume d’un régime sanguinaire par vocation et le marteau d’un OTAN militaire par intérêt.
Certes, empêcher un massacre du peuple libyen devrait réjouir quiconque croit sincèrement en son humanité. Mais confier cette tache à l’OTAN c’est jouer avec le feu.
Qui dit que les bombardements de la coalition internationale éviteraient des civils innocents ou même des présumés alliés ? La Libye, quant à elle, vient d’avoir sa part de dégâts « collatéraux » et de «tirs amis»,
Bref, ce que proclame « Le Mouvement de la Paix » réunissant des organisations françaises, dans son communiqué du 25 mars dernier, suffirait à mes yeux à résumer l’essentiel de cette affaire. Les interventions militaires, dit-il, n’ont jamais imposé la démocratie. Il appartient au peuple libyen de décider de son avenir, hors de toute ingérence – même habillée d’humanitaire. Et le communiqué d’ajouter, La communauté internationale doit se garder de voler la révolution libyenne aux profits d’intérêts politiques et économiques peu louables.
Je ne peux pas finir cette note sans préciser que pour ma part et depuis la deuxième Intifada palestinienne déclenchée en l’an 2000, avec les massacres israéliens à Jenine, à Naplouse, à Rafah et l’emprisonnement puis l’empoisonnement d’Arafat dans sa Muqataa à Ramallah, j’ai carrément décidé de ne plus m’attendre à rien de décisif ni de positif provenant de tel ou tel dirigeant arabe, voire de tel ou tel peuple arabe. Les évènements qui s’en suivaient (notamment l’invasion de l’Irak en 2003, la guerre contre le Liban en 2006, celle contre Gaza 2008-2009) entrecoupés, ici et là, de mascarades électorales présidentielles, n’ont fait que me conforter dans ma position d’arabe désespérément déçu et chagriné.
Ma carrière de trente ans de journalisme, m’avait conduit à des rencontres et des prises de position dont je regrette partiellement certaines. Si je ne regrette pas mon mot d’indignation publié en 1986 à la suite de l’opération américaine de bombardement de la résidence de Kadhafi par l’US Air Force sous Reagan, où, Hannah, présentée comme la fille adoptive du colonel, fût , entre autres, tuée à l'âge de deux ans, je regrette en revanche d’avoir rencontré dix ans après ce même colonel et lui serré la main sous sa tente de Syrte.
Il a fallu attendre le 14 janvier dernier (qui rime avec le 14 juillet) pour me sentir renaitre en voyant Ben Ali, le premier despote arabe chassé du pouvoir rien que sous la volonté de son peuple qui ne voulait plus de lui. C’est l’heure des peuples qui s’annonce alors que les libyens sonnent encore le glas d’une époque mais Kadhafi court toujours.
RAFRAFI
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