Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 21 mars 2006

GUERRE ET PAX AMERICANA

medium_ishtar.jpgAu moment où l'on commence à compter par milliers les victimes (tout d'abord de soif) de la sécheresse dans la Corne de l'Afrique (voir note précédente) et où la population palestinienne de la Bande de Gaza, n'ayant plus de pain depuis quelques jours après des semaines de bouclage israélien, s'attend à une vraie famine, voilà que l'on vient hier (20 mars) de commémorer trois années de guerre contre l'Irak, menée par les Etats-Unis avec quelques alliés suivistes et opportunistes.
Ni les préjudices des famines ni ceux des calamités naturelles, dont Katrina, n'ont changé, ne serait-ce que d'un cheveu, la position de Bush qui persiste et signe, en prétendant que la guerre était une bonne décision.
Quand il dit à cette occasion (néfaste) qu'il est prêt à attaquer l'Iran pour la sécurité d'Israël, on y voit déjà un des objectifs de cette politique guerrière des néoconservateurs : protéger Israël quitte à anéantir tous ceux qui l'entourent.
C'était presqu'une des conséquences de la guerre contre l'Irak : déséquilibre stratégique en faveur d'un Israël nucléairement surarmé, contre un monde arabe nucléairement désarmé. Première étape qui, parait-il, serait suivie par une autre, géo-stratégiquement plus élargie, en soumettant l'Iran au même sort irakien, en vue d'instaurer un soi-disant "Grand Moyen-Orient" "démocratique", "protégé" par une pax americana dotée d'une suprématie nucléaire israélienne.
J'ai toujours pensé que la guerre anglo-américaine contre l'Irak, qui dure encore, avait provoqué trois sortes de pertes:
- Celle que je viens de mentionner plus haut, à savoir la perte géostratégique pour les arabes.
- Une perte humaine dont aucun, en principe, ne devrait être indifférent. Rien que pour la période allant du jour de la chute de Bagdad (9 avril 2003) à ce jour, trente cinq mille victimes irakiennes contre 2500 soldats américains et anglais, selon des statistiques officiellement annoncées, sans oublier les victimes parmi les journalistes (un record enregistré par cette hécatombe: 86 journalistes et collaborateurs des médias tués, et 38 enlevés)
- La troisième perte, qui m'importe plus particulièrement en raison de ma vocation, c'est la perte culturelle, et quelle perte! L'histoire nous parle déjà de ce que Bagdad avait vécu lors de l'invasion mongole (en 1258) dirigée par Hulagu qui envoya au dernier calife abbasside, al Mustassam, le message suivant:

«Quand je conduirai mon armée contre Bagdad en colère, que vous vous cachiez au paradis ou sur la terre
Je vous ramènerai depuis les sphères tournantes,
Je vous retournerai en l'air comme un lion,
Je ne laisserai personne vivant dans votre royaume,
Je vais brûler votre ville, votre pays et vous aussi.
Si vous voulez vous sauver et votre famille vénérable, écoutez mon conseil avec l'oreille de l'intelligence. Si vous ne le faites pas vous verrez ce que Dieu a voulu.»

Quelle ressemblance! Rappelez-vous le message télévisé de Bush, adressé à Saddam la veille de la guerre.Passons. medium_x12.jpg
Cette invasion mongole qui a fait près de 80 000 victimes seulement parmi les Bagdadis, avait fait du Tigre, le fameux fleuve qui traverse Bagdad, un autre "Danube bleu", mais d'encre et non pas de lueur. Imaginez des milliers de manuscrits jetés par les soldats de Hulagu dans les eaux du fleuve. Imaginez la quantité d'idées, de théories, de formules et d'équations mathématiques, de poèmes et de et de et de … partis en encre diluée, à jamais, dans les eaux du Tigre!!
Sept siècles et demi plus tard, d'autres milliers de manuscrits anciens, sont partis en fumée (noire cette fois-ci) à la suite d'un obus lancé contre la bibliothèque nationale des manuscrits, sous le regard indifférent des soldats yankees de Bush, qui n'ont protégé que les locaux du ministère du pétrole à Bagdad. Inutile de rappeler le saccage du musée de Bagdad survenu le même jour, et les milliers des pièces archéologiques dérobées ou détruites, dont plusieurs tablettes d'argile trois fois millénaires sont arrivées, entre autre, à Tel-Aviv.
Toujours dans le cadre de cette grande perte culturelle, un dicton arabe me revient à l'esprit, disant: "l'Egypte écrit, le Liban publie et l'Irak lit"... Ceci résume un des aspects de la culture arabe du XXème siècle, où les irakiens étaient connus, entre autre, par leur engouement pour la lecture. Ils étaient ciblés par la plupart des éditeurs arabes, mais à présent, par les obus, les balles, les voitures piégés, les pénuries de toutes sortes, tandis que les savants, les scientifiques, les experts, les économistes...le sont par les meurtres, les enlèvements, si non par l'exode…
C'est bien navrant que les irakiens ont manqué leur salut autonome en laissant aux autres (d'outre atlantique) le soin (indélicat) de détrôner leur tyran.
Churchill disait que, dans une guerre, la vérité en est toujours la première victime. En Irak cette vérité-victime n'est pas seulement éthique, elle est aussi historique et surtout culturelle.
RAFRAFI

Images sources:
- En haut: Ishtar, déesse babylonienne de l'amour et de la fécondité
- Plus bas: caricature d'Al Quds.

13:59 Publié dans Politis | Lien permanent | Commentaires (5) |  Facebook | |

dimanche, 05 mars 2006

L'hypocrisie des plus grands

Je voudrais rassurer les peuples qui meurent de faim dans le monde : ici, on mange pour vous.medium_enfantperdu.jpg
[Coluche]

Dans quelques jours commencera le lugubre compte à rebours pour les trois millions (ça fait un peuple, Non!) d'affamés Somaliens et Kenyans dans la Corne de l'Afrique. L'ange de la mort entamera sa mission par les plus vulnérables, c'est-à-dire les enfants qui sont déjà décharnés avec, comme toujours, le ventre grossi, mais de quoi ? De vent, pardi.
Quand des experts de différentes agences d’aide humanitaire nous disent que deux cent cinquante millions de dollars (l'équivalent de ce que gagnent dix footballeurs dans certaines équipes européennes) suffiront pour tenir en vie, jusqu'en février 2007, ces trois millions de damnés qui, humainement, nous ressemblent comme deux gouttes d'eau, qu'est-ce que l'on attend alors pour débourser cette somme?
Au moment où Chirac continue son voyage d'affaires au pays des princes des pétrodollars, et Bush, sa très coûteuse (en vies humaines et en milliards de dollars) croisade contre des hypothétiques menaces terroristes, le reste des dirigeants du G8 semblent préoccupés eux-aussi, par la grippe aviaire et leurs soucis nationaux.
Mais, pourquoi évoquer le G8 ? Pour sa fameuse déclaration de 2003, annonçant son plan d'action contre la famine en Afrique. Ce G8 avait explicitement confirmé ce qui suit: "Nous reconnaissons que la sécurité alimentaire est un sujet de préoccupation mondiale. Des millions de personnes dans le monde, dont plus de 40 millions en Afrique, risquent de mourir de faim." Et d'ajouter plus loin: "Depuis Kananaskis, nous nous sommes engagés à verser 3,2 milliards de dollars US, dont 1,4 milliard pour l'Afrique subsaharienne, à titre d'aide à l'agriculture et à la sécurité alimentaire à long terme."
La sonnette d'alarme qui vient d'être tirée par quelques occidentaux qui suivent de plus près la genèse de cette horrible famine, souligne que la somme d'argent sollicitée assurera trente mille tonnes de céréales par mois pour une durée de 11 mois. Quand on sait que sur les 250 millions de dollars, seulement 28 millions ont été recueillis jusqu'ici, tandis que des milliards de dollars circulent à tort et à travers dans un monde lui-même de travers, (des milliards de dollars réservés à la lutte contre l'obésité aux États-Unis; quel paradoxe!!), on ne peut que reconsidérer le dicton de Cioran: "Tout homme qui ne meurt pas de faim est suspect."
Cette faim a toujours été dénigrée par les plus illustres de l'Histoire inhumaine de l'humanité. Ali, cousin et gendre du prophète Mohammad, a dit une fois "si la faim était un homme je l'aurais tué". Victor Hugo affirme, quant à lui, que "Tout le monde a droit de vie ici-bas, et la mort de faim est un crime social". Quant à moi, je me demande si Bush, militairement passionné par les libertés et les droits de l'homme dans le monde, savait-il ce qu'un de ses prédécesseurs avait dit à ce propos: "Le premier des droits de l'homme est celui de pouvoir manger à sa faim". Signé, Franklin Roosevelt !! Je m'en doute fort.
Je pourrais, mais très difficilement, accepter l'idée que Bush, patron du monde comme certains le nomment, soit vraiment soucieux du bien-être et des irakiens et des afghans, quitte à en tuer quelques milliers (là, je refuse), mais je ne pourrais pas imaginer que ces millions d'affamés, habitants de l'Afrique, berceau de l'humanité, soient à ses yeux des vénusiens ou des martiens!! Si la vie humaine est si chère pour Bush et ses alliés, la faim ne mérite-t-elle pas d'être combattue tout comme les armes à destruction massives, d'ailleurs encore introuvables!! Quelle hypocrisie!!
On s'affole, on se mobilise à très haut niveau, pour faire face à la grippe aviaire qui n'a tué jusqu'à présent qu'une petite centaine d'individus sur une totalité d'environ 6 milliards et demi (rien à voir avec ce que fait le tabac ou la route!). Par contre, trois millions "d'autres" individus (hommes, femmes, enfants, jeunes vieux..), menacés directement, concrètement et immédiatement de disparition, c'est, peut-être, virtuel pour certains, ou préhistorique pour d'autres!! Quel aveuglement!!
Honte à ceux qui possèdent des richesses et à ceux qui dirigent ce monde! Honte à ceux qui, à la fois, possèdent et dirigent! Honte à ceux qui possèdent ceux qui dirigent! Honte à ceux qui dirigent ceux qui possèdent!
Honte à nous tous, sans distinction.
Honte à moi.
Rafrafi

23:10 Publié dans Politis | Lien permanent | Commentaires (4) |  Facebook | |

lundi, 20 février 2006

Un Meddeb anachronique

medium_imagemea2.jpgÀ côté d'un Max Gallo (Historien et romancier), barricadé derrière un hexagonisme qui frôle le chauvinisme (son dernier livre est intitulé Fier d'être Français. – À mon avis on devrait être plutôt fier de ce qu'on devient ou choisit, et non pas de ce qu'on est !, sinon ça traduirait un sentiment de suprématie, ingrédient de base d'un racisme ou d'un fascisme.) et d'un Philippe Val (directeur de la rédaction de Charlie-Hebdo), qui, lui-même, sur une autre chaîne tv, préfère l'humour du journal danois à celui de Dieudonné (!) et d'Olivier Roy Directeur au CNRS, (auteur de L'islam mondialisé) qui s'est distingué par une lecture plus critique dans les deux sens avec un recul digne d'un chercheur, à côté d'eux donc et non pas face à eux, Serge Moati a choisi trois musulmans bien différents l'un de l'autre, pour animer sa récente émission RiposteS sur France5 intitulée Caricatures choc des images ou des civilisations. La présente note n'est pas pour rendre compte de la teneur de ce débat fort intéressant et parfaitement dirigé par Moati, ni de commenter tous les propos des intervenants. Mais plutôt de focaliser mon propos sur la participation d'Abdelwahab Meddeb, l'un des trois arabo-musulmans présents.
À la différence de Fouad Alaoui (neuropsychologue, vice-président du Conseil Français du Culte Musulman, originaire du Maroc), qui, conscient de sa position et de son rôle, est resté dans le cadre français pour fustiger un discours qui, selon lui, nourrit la notion de choc des civilisations et a appelé au respect réciproque, ou d'Ali Dilem (Caricaturiste algérien, condamné l'an dernier à verser une amende pour offense caricaturale à son président) qui, conscient lui aussi de sa provenance, a émis, malgré sa profession, des réserves vis-à-vis des caricatures danoises qui ont choqué sa mère et le petit peuple de son pays, et signalé aux français présents "Vous êtes entrain de payer la politique des États-Unis. On a vu des bébés bombardés à Bagdad, des hommes tués dans les mosquées, le Coran foutu dans les toilettes... et personne n'a réagit. Je pense, ajoute-t-il, qu'il s'agit d'une accumulation de choses", notre Abdelwahab Meddeb (enseignant la littérature comparée à l'université Paris X-Nanterre) a, quant à lui, choisi l'escalade, l'affrontement et la diabolisation.
Quand Meddeb dit: "Nous sommes en guerre, et l'essentiel, c'est comment faire pour détacher l'islam de l'islamisme, de ces démons islamistes?", c'est déjà hors-sujet de l'émission. En plus, il donne ainsi l'impression de prendre ces islamistes pour des volatiles atteints de grippe aviaire qu'il faut isoler avant de les décimer!
Bien que contradictoires, tous les arguments de ses interlocuteurs ont pratiquement respecté l'ordre du jour de l'émission. N'est-il pas étrange que cet enseignant de littérature comparée, ne parvient pas à comparer les situations et les approches? Les dessins danois (thème de l'émission) n'ont pas été publiés dans le but de détacher l'islam de l'islamisme! Et admettons que c'était le cas, l'effet est tout à fait contraire. La réaction face à ces dessins tendancieux, était presqu'unanime voire euphonique entre musulmans et islamistes, régimes et oppositions, présidents et monarques, imams et fidèles, élites et foules. Meddeb s'est bien trompé d'émission. Il devrait participer à une de ces émissions produites par une chaine officielle d'un État en guerre ouverte contre ses islamistes, et non pas par une chaine à vocation universelle. Pour être moins sévère, je dirais que sa thèse est plus plausible dans un débat islamo-islamique et non pas islamo-occidental, débat déjà miné, sur le plan international, par des stratégies géopolitiques qui, apparemment lui échappent voire le dépassent.
Le Meddeb (Nom de famille, qui veut dire dans le dialecte tunisien: précepteur de l'école coranique d'enfants) que je connaissais, que j'ai rencontré deux ou trois fois dans le cadre d'un dialogue euro-arabe, ce poète arabo-tunisien d'origine, francophone de culture, pour qui je n'ai pas hésité à traduire, quelques uns de ces poèmes vers ma (et sa) langue maternelle, je ne le reconnais plus.
Tantôt intellectualistes tantôt d'un étudiant studieux, ses arguments au cours de l'émission, étaient de facture académique dont avait besoin son voisin, celui de Charlie Hebdo, pour que ce dernier relance la ritournelle orientalo-exotique en disant que personne en Occident n'est contre l'islam, la preuve qu'on n'arrête pas d'aimer les Milles et une nuits, Omar al Khayyâm.. etc. avant d'ajouter en se demandant comment les français n'ont pas essayé de découvrir "ces musulmans modérés" (dont Meddeb) et de les soutenir pour s'exprimer librement. Là, Meddeb lance à son voisin "c'est ce que je fais depuis trente ans". Pauvre Meddeb! il ne cesse pas d'être un trésor enfoui d'Ali Baba, qui reste toujours à découvrir par ceux qui sont en train de faire l'histoire à sa place et en son nom.. Malgré la difficile corrélation Meddeb-occident, qui me rappelle celle des Harkis avec la France, cette méconnaissance des Val et des Gallo d'un Meddeb, intégré et vacciné, s'étend ailleurs pour atteindre entre autre le forum du site de RiposteS, dans lequel deux sur trois commentaires ayant évoqué la participation de Meddeb, n'ont rien retenu de ce qu'il a dit ni même son nom au moins, lui qui depuis trente ans n'écrivait qu'en français et pour les français: le premier commentaire le présente comme suit "surtout le trio VAL GALLO et leur voisin (dont je n'ai pas retenu le nom...)". Pour le remercier, le deuxième commentaire écrit texto: "Merci au monsieur de religion musulmanes à coté de mrs Val et Gallo".
Reste un point qui n'a pas été clarifié (car ce n'était pas le thème du débat) et qui prête à beaucoup de confusion. Qu'est-ce que Meddeb entend par islamistes qu'il qualifie de démons et auxquels il déclare la guerre en invitant tout le monde à faire autant? Est-ce Al Qaeda et ses mouvances? Bush s'en charge déjà, ou du moins il fait semblant (par rapport à Ben Laden notamment) en incitant sans cesse ses alliés à le suivre. Ou bien les partis politiques islamistes, dont l'agenda s'inspire de l'islam? Là, on aura affaire à une variété de partis des plus modérés (le parti au pouvoir actuellement en Turquie) aux plus durs (Hamas récemment au pouvoir) en passant par les frères musulmans en Égypte, les nouveaux partis religieux d'Irak etc. Si ceux-là sont bien les démons islamistes dont parle Meddeb, que faire pour les détacher de l'islam qu'il revendique, tout en sachant qu'ils ont été démocratiquement élus?!
Ajouter au mot Islam le suffixe isme, ne justifie pas la diabolisation de ses adeptes. Si non, quelle différence, moralement parlant, entre chrétienté et christianisme, judaïté et judaïsme? La plupart de ces organismes (partis, mouvements, courants, associations..) qui se disent islamiques (islamiya) et que certains (dont Meddeb) appelle islamistes, aspirent par le biais des urnes à une sorte de démocratie islamique à l'instar des démocraties chrétiennes en Europe (représentées elles aussi par des partis politiques). Selon Dilem, le caricaturiste algérien, les islamistes de tous les pays arabes (où, selon lui encore, il n'y a que des dictateurs qu'ils soient présidents ou souverains) gagneront n'importe quelles élections à condition qu'elles se passent sans fraude ni manipulation. L'indignation de Meddeb (en tant qu'intellectuel incroyant et laïc et c'est son droit le plus absolu dans ce choix) est basée, semble t-il, sur son refus absolu de politiser l'islam ou d'islamiser la politique. Ce refus ne devrait pas, néanmoins, se transformer en discours diabolisant qui risque de frôler l'incitation à la haine. À cet égard, cet islamisme (que je baptiserais islamité) qui enrage Meddeb, est à l'islam ce que le sionisme est à la judaïté. Nul ne nie que l'État sioniste soit un État juif, que pour et par les juifs. Pourquoi ne pas diaboliser donc les sionistes?! Meddeb, a t-il le courage de crier haut et fort, comme il vient de le faire chez Moati, et de se demander de la même façon: "Nous sommes en guerre, et l'essentiel, c'est comment faire pour détacher la judaïté du sionisme, de ces démons sionistes?" Sinon, que pense-t-il du président américain Bush qui s'inspire directement, comme il le dit lui-même, du Bon Dieu pour mener sa politique de guerre en Afghanistan et en Irak?
Je ne pense nullement que Meddeb utilise consciemment, la fameuse et fâcheuse règle des deux poids deux mesures. En fait, il ressemble dans cette affaire à une personne qui s'engage sur un terrain de jeu sans en connaitre la règle ni utiliser les outils adéquats.. Ainsi, pour expliquer à l'auditoire sa vision de l'islam, il s'est mis à lire deux textes. En citant le panthéiste Spinoza pour exalter une certaine unicité cosmico-divine, et le mystique ibn Arabi pour poétiser cette unicité, Meddeb invite les musulmans du monde à ne vivre que d'amour et d'eau fraîche. Cette lecture de l'histoire, bien que très poétique, elle reste en soi très personnelle et très idéaliste, je dirais même qu'elle ressemble à l'eau de rose dont les musulmans arrosent le corps d'un défunt juste avant de l'enterrer.
Meddeb néglige la dimension historique des idées. À ma connaissance, ni les peuples chrétiens d'Europe ni leurs institutions politiques ne se sont inspirés de Spinoza. Seule la franc-maçonnerie l'a fait. Quant à l'apport d'ibn Arabi et des soufis de l'islam du même rang, il s'est transformé, sous les Ottomans, en rituel folklorique avec les marabouts et les charlatans. C'était déjà un des symptômes de la décadence arabo-musulmane. Voilà pourquoi cette lecture d'islam par Meddeb parait-elle anachronique.
Étant passé à côté de l'émission, Meddeb se devrait de proposer à Moati une autre émission sur l'islam et sur la possible cohabitation religieuse et laïque dans cette Europe du XXIe siècle.
RAFRAFI

04:50 Publié dans Politis | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook | |

vendredi, 10 février 2006

Piètre sacrée surenchère

medium_katrina5.jpgJe n'avais nullement l'intention de faire de ce blog une chronique pour tel ou tel évènement, ni un forum ouvert à des pitoyables intrus. Mais le fait est là: l'escalade incendiaire provoquée par les caricatures danoises, me laisse encore sur le qui-vive, en guettant à la fois l'évolution de l'évènement et l'avènement de quelques commentaires outrageux lesquels je suis obligé de supprimer aussitôt reçus (faute de modération logique de quelques commentateurs, et de modération logicielle de ma part).
Juste avant de commencer cette note, une dépêche de l'AFP vient d'annoncer que le quotidien danois Jyllands Posten a mis en ligne sur son site une nouvelle version en arabe présentant ses "excuses". Cette information rapidement reprise par différents médias arabes et arabophones, pourrait mettre fin à cette escalade de colère. (Ouf!)
Mais, Charlie Hebdo, en prenant le train en marche, a préféré monter la surenchère pour tripler ses ventes, et ce en republiant non seulement les "dessins de la colère" mais aussi les caricatures sur la Shoa récemment proposées par des caricaturistes iraniens au journal danois lequel a astucieusement refusé la publication!
Ce qui est franchement stupide de la part de Charlie Hebdo, c'est ce lamentable amalgame que le journal tente d'imposer et de normaliser. Republier à la fois les caricatures danoises (ce qui enfonce davantage le clou) et les caricatures iraniennes, c'est faire un parallèle (qui n'est pas néanmoins rectiligne) entre deux choses foncièrement différentes. Résultat inavoué: désacraliser Muhammad pour sacraliser la Shoa. C'est ce que j'ai aussi compris (mais avec prudence, comme même) en lisant l'éditorial de S. July dans Libé, qui, en parlant de Charlie Hebdo, se demande: "Fallait-il pour autant en arriver à cette caricature de la caricature en établissant une détestable et discutable équivalence?"
Heureusement qu'en dehors de ce marketing caricatural, un courant de sincère sympathie parcourt le globe (via Internet). Comment ne pas être ému, lorsque je lis sur un blog somalien une lettre adressée à son auteur par une personne américaine qu'il ne connaît pas, lui demandant pardon pour l'affront causé par les caricatures? Même émotion, en lisant un commentaire posté sous ma note "je m'appelle Mohamed" par MG (ami écrivain et bloggeur belge) qui très aimablement m'adresse ses excuses pour l'offense dont il n'est point responsable. N'est-ce pas là une des valeurs chrétiennes les plus significatives? Une démarche consolante qui traduit intrinsèquement ce passage de l'Evangile de Luc: Il est venu chercher et sauver ce qui était perdu (Lc 19, 10).
RAFRAFI

06:40 Publié dans Politis | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook | |

jeudi, 09 février 2006

La république d'Ibrahima

"L’Europe des Lumières aurait-elle régressé au point de devenir l’Europe de l’obscurantisme et de la pensée unique? A vrai dire, cette Europe tolérante et relativiste, qu’on nous a vantée à l’école, cette Europe de Diderot et de Voltaire, n’est qu’une fiction savamment entretenue... Je m’explique."
C'est ainsi qu'Ibrahima FALL commence son intervention intitulée Je créerai ma République à moi tout seul sur Agora Vox, suscitant de multiples commentaires hétéroclites dont certains sont aussi lamentables que superficiels (la règle du jeu exige).
Ibrahima est un africain sénégalais, âgé de 30 ans, vit à Dakar et n'est jamais venu en France. Et il ajoute "J’ai fait une formation en lettres modernes avant que mon cœur ne balance vers le droit" l'intérêt de son intervention dans ce vacarme sacro-planétaire, réside dans le dévouement et le bon sens qu'offrent ses propos, malgré les quelques petits excès sans méchanceté.
Un autre intérêt non moins important: c'est cette communion réactionnelle qui, grâce à l'internet, nous permet de nous découvrir et de nous connaître davantage. Rares sont ceux qui savent comment pense un musulman non-arabe et, en l'occurrence, noir africain sur une problématique presque monopolisée par les arabes et les asiatiques. Ainsi, d'un pays majoritairement musulman et longuement présidé par un chrétien (Senghor), s'élève des voix comme celle d'Ibrahima pour interpeller un Occident qui lui semble arrogant et ingrat..
A-t-il tort ou non? L'important c'est qu'il se pose des questions, en quête de quiétude, d'espoir et de confiance. Car il se sent déjà seul au point de créer sa propre république à lui..
c'est touchant.. et c'est naïf pour certains, mais c'est franc et surtout, résolu quand il dit:
"Liberté, avez-vous dit? Vous avez fait votre monde à votre mesure. Laissez-moi en tailler un autre à ma mesure.
De grâce!
Pour toutes ces raisons, je créerai ma propre république, avec mes propres lois, car celles que vous me proposez ne me conviennent pas. Elles sont taillées sur mesure pour vous. Et je me sens seul!
"
Bien d'autres arguments et références qu'avance Ibrahima dans son intervention que je ne peux pas reproduire ici mais que vous pouvez toujours consulter sur Agora Vox pour entendre un autre son de cloche à résonnance africaine..
RAFRAFI

02:15 Publié dans Politis | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |