lundi, 20 novembre 2006
Au féminin présidentiel
Depuis Jeanne d’Arc, la France n'avait pas connu une figure féminine aussi emblématique que cette Pucelle d’Orléans. Même la Révolution, ô combien humaniste ! n'avait pas aidé non plus à en produire.
Au contraire, on a plutôt l'impression que le rôle politique de la femme française avait sciemment été réduit à celui de Marie-Antoinette ou juste symboliquement à celui de Marianne, la mère-patrie. Même Marie de Gournay (1565 - 1645), féministe avant l’heure, a dû attendre presque quatre siècles pour être enfin reconnue par les mouvements féministes de la fin du XXe siècle. À ce propos, en tant que fumeur (hélas!) et fétichiste, je conservais une boite d'allumette vide des années 80 à l'effigie de Marie de Gournay, sur laquelle on peut lire une citation très significative (cliquer sur la photo) de cette théoricienne féministe.
C'est la raison pour laquelle, peut-être, cette France républicaine, traditionnellement jacobine, donc, quelque part patriarcale voire phallocrate, aurait mis plus de temps par rapport à ses voisins (anglo-saxons et germaniques notamment) pour féminiser davantage la vie politique.
À travers l'image-stéréotype d'un pays de modes, de parfums, de muses, c'était plutôt l'image de Brigitte Bardot et de Coco Chanel qui prévalait. Et non pas celle de la très libérale Simone Veil qui a présidé le Parlement européen de 1979 à 1982, ni d'Édith Cresson, la seule femme à avoir accédé au poste de Premier ministre de la France, ni de l'ex-présidentiable Martine Aubry, ni de l'éternelle opposante marxiste Arlette Laguiller, ni du leader écologique Dominique Voynet ni encore de la future "femme de fer" possible, Michèle Alliot-Marie, l'actuelle ministre de la défense.
Ainsi peut-on dire que l'énarque Ségolène Royal plébiscitée par les socialistes de son parti (le PS) comme candidate à la présidentielle de 2007, incarne déjà la Jeanne d’Arc politique dans cette bataille électorale face aux dinosaures masculins de tout poil.
Je n'ai pas l'intention ni de faire des pronostics favorables ni d'adresser des louanges à cette dame qui incarne, dit- on, "une nouvelle manière de faire de la politique". Étant un peu tôt, je me contente seulement de noter cette féminisation des plus hauts postes de responsabilité politique qui avait déjà commencé 45 ans auparavant et continue encore dans des pays d'Orient et d'Extrême-Orient (dont musulmans). Beaucoup d'entre nous connaissent, l'indienne Indira Gandhi, la pakistanaise Benazir Bhutto, la turque Tansu Çiller, les deux philippines : Cory Aquino et l'actuelle Gloria Macapagal Arroyo, la Bangladeshi Khaleda Zia, l'indonésienne Megawati Setiawati Sukarnoputri, la sri lankaise Sirimavo Bandaranaike qui, quant à elle, fut (en 1959) la première femme de l'histoire contemporaine à occuper le poste de Premier ministre dans un pays…
Ce doux tsunami a tardé un peu avant de balayer le monde occidental. Ce n'est que durant les trois dernières décennies que l'on a commencé à voir des femmes arriver au plus haut rang du pouvoir : d'abord en Islande ensuite en Grande Bretagne, à la République d'Irlande, en Allemagne, à la Nouvelle-Zélande, au Chili, en Finlande, puis ailleurs au Mozambique, au Libéria et à la Jamaïque…
Pour revenir en France, je dirais qu'en cas de victoire "Royal" aux présidentielles, le fait que Ségo soit une femme sera pour quelque chose si l'on croit le sondage d'Ipsos. Selon ce dernier, on apprend qu'à la question "Qu'est-ce qui vous attire le plus dans la candidature de Ségolène Royal", 37% des sondés répondent "c'est une femme", tandis que 21% estiment qu'elle "incarne le renouveau de la gauche" et 18% qu'elle est "la seule capable de battre Nicolas Sarkozy au deuxième tour". Chez les sympathisants socialistes, les réponses arrivent dans le même ordre, 41% d'entre eux répondant que c'est d'abord parce qu'elle est une femme, 33% qu'elle incarne le renouveau de la gauche et 30% qu'elle est la seule capable de battre M. Sarkozy.
« Je suis une femme et ça se voit » disait-elle en guise de réaction à plusieurs critiques masculines plus ou moins misogynes. Pour ajouter une toute dernière touche à ce portrait inachevée de la future Marianne socialiste, je cite l'ex-gauchiste franco-allemand, Daniel Cohn-Bendit, co-président des Verts au Parlement européen, affirmant que "Ségolène Royal fait peur à Nicolas Sarkozy", car face à elle, le président de l'UMP paraîtra "aussi ringard que beaucoup d'éléphants" du PS. Selon lui, Ségolène Royal incarne "une nouvelle manière de faire de la politique", et d'ajouter "elle prend des risques". À mes yeux ce risque, risquerait d'être plus équilibré si en face d'elle se levait non pas un Sarkozy en coq mais une Alliot-Marie en Marianne de fer.
RAFRAFI
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jeudi, 09 novembre 2006
Beit Hanoun
Je ne connais pas le prénom de cette petite fille dont l'image ci-contre. Par contre je sais bien qu'elle est palestinienne et surtout qu'elle est encore une enfant. Elle n'a pas l'air de comprendre ce qui lui arrive ni pourquoi ni comment. Mais viendra le jour où elle saura qu'il s'agissait encore d'un massacre israélien et qu'elle s'en est tirée vivante in extremis, légèrement blessée, or que ses deux parents et bien d'autres enfants, frères, sœurs et voisins, ont été écrasés, déchiquetés sous les obus de l'artillerie israélienne.
Que peuvent faire des corps si petits si fragiles si impuissants et par-dessus le marché, en plein sommeil, devant cette intrusion violente et aveugle d'une armée surarmée jusqu'aux dents qui tire sur tout ce qui bouge et ce qui ne bouge pas pour qu'il ne bouge plus ?!
Face à cette atrocité je n'ai ni de rhétorique à développer ni de verbiage spécieux à étaler. Je dirais tout simplement : Pourvu qu'on n'oublie pas.
RAFRAFI
Visitez :
- Chroniques de Palestine, le blog d'Anne P. France
- Pour la paix en Palestine
- la-paix.org/Palestine
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mardi, 07 novembre 2006
Soucis de terroir natal
Exceptionnellement, j'introduis ci-après une note écrite dans ma langue maternelle, l'arabe. La raison est simple, cette note parle d'une date, celle d'aujourd'hui, qui célèbre le 19ème anniversaire du "Changement du 7 novembre 1987" en Tunisie, mon pays d'origine. La teneur de cette note intéresse tout particulièrement un lectorat autochtone dont certains lecteurs sont exclusivement arabophones. --------
RAFRAFI
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vendredi, 06 octobre 2006
Les enfants, quel peuple !
"Car vos enfants ne sont pas vos enfants, ils sont ceux et celles de l'appel de la vie à elle même."
Khalil GIBRAN (Le Prophète)
Les enfants, quel peuple! L'enfance, quel pays! Me disais-je assez souvent. En fait, depuis belle lurette, j'envisageais de parler d'enfants ou d'enfance. De ce peuple qui nous habite nous tous, ou de ce pays qui n'a jamais eu de frontières que dans l'imaginaire de ceux qui manquent d'imagination... de ce pays d'enfants de tous pays... d'enfants du pays de tous les enfants, de tous temps et de tous teints. Parler d'enfants qui, chaque fois en se réveillant, mettent à jour le langage de la fraîcheur et la fraîcheur du langage, c'est parler de rosée matinale et de feuillage.
Mais c'est quoi un enfant si ce n'est encore cette fabuleuse synthèse d'étonnement béat et béant, de voix lactée, de rire viscéral, de colère sonnante et d'élocution trébuchante... bref, une primeur d'être, un petit être, de prime abord délicieux, parfois insaisissable, très souvent craintif, mais toujours loyal, donc, mignon et inévitablement aimable.
Pour être plus subjectif encore, je dirais qu'un enfant en train de manger, me donne l'impression qu'il mange aussi pour moi, pour nous tous. D'où un sentiment de responsabilité qui engendre une attention spontanée envers l'enfant pour qu'il mange à sa faim. Sentiment parental -paternel ou maternel- me diriez-vous ? C'est possible. Mais ce qui est certain c'est qu'il est aussi un sentiment profondément moral voire existentiel : Car un enfant qui ne trouve rien à manger, c'est l'humanité toute entière qui agonise.
L'enfant c'est toi, ma chère lectrice ou mon cher lecteur, avant que tu ne découvres la tristesse, premier symptôme de vieillissement psychique... Avant que tu ne deviennes nostalgique du passé... Ou, comme disait Nietzsche, avant que tu ne commences à croire "que les contes et les jeux appartiennent à l'enfance".
Ainsi dirais-je que l'enfance est le pays des merveilles par excellence. C'est l'âge des pierres précieuses de l'éblouissement, où le temps n'est pas encore une matière à tuer mais à vivre en concevant sans cesse l'espace adéquat. L'enfance c'est ce contact charnel avec les couleurs, les odeurs, les sons. La virginité de la perception où le solide semble toujours compact et le liquide toujours fluide. Où la chimie relève de la magie et la physique de l'acrobatie. L'enfance c'est quand penser veut dire se taire, et parler veut dire penser. C'est quand rêver veut dire vivre et vivre veut dire rêver.
Je dirais aussi que le privilège accordé aux enfants ressemble à celui des philosophes de La Cité platonicienne, où coexistent aussi les travailleurs et les gardiens. Mais avec une différence de taille: les enfants sont plutôt plus heureux que ces philosophes.
Ah! Les enfants, quel peuple vous êtes ?
Pour vous mes petits, tous les drapeaux du monde se valent pour leurs belles couleurs et leurs différents dessins. Pour nous les "grands", ses drapeaux témoignent de la rivalité, très souvent belliqueuse, de la discorde très souvent martiale. Pas de frontières tendues à vos yeux entre deux rives, entre reliefs et plaines, entre forêt et rivières, ou mieux encore, entre deux postes frontières... Vos regards s'étendent librement tous azimuts, à l'instar de vos rêves et de vos petits pas...
On assimile souvent les enfants aux anges! Les adultes ne seraient-ils pas ainsi des démons?! Pour les enfants, qui, semble-t-il, sont plus réalistes, les adultes ne sont que des grandes personnes, tantôt bonnes, tantôt méchantes, ni plus ni moins.
Mais entre enfants, que se passe t-il ? L'entente l'emporte toujours sur la fâcherie. Car le temps plaisant n'est pas à perdre mais à perdurer. Donc, pas de rancune. On efface tout et on recommence. Toujours prêts à partir à zéro, soit pour compter jusqu'à onze ou douze ou parfois un peu plus lorsque salive et respiration concordent - juste assez pour compter membres de la famille, amis et voisins -, soit pour aller de l'avant vers une nouvelle trouvaille qui pourrait être à chaque fois la même...
Qui dit entente dit partage. Là aussi, ce peuple d'enfants est en mesure de donner le bon exemple à nous en tant qu'individus adultes, ainsi qu'à tous les peuples sur Terre. Un enfant c'est quelqu'un qui, habituellement, n'aime pas rester seul ou jouer seul. Pour lui, la compagnie, c'est la joie de vivre. Il n'est pas si exigeant, pourvu qu'il soit entouré d'enfants, comme lui, et toujours avec lui.
Ô enfants, Ô merveilleux peuple. Vous êtes tout ce qu'il y a de plus libres, riches, sincères et humains. Vous êtes tous de ce monde, mais ce monde n'est pas encore à vous, il est à ceux qui vous imitent maladroitement et très souvent brutalement, à ceux qui oublient ce qu'ils étaient et croient qu'ils ont tout compris, aux humanoïdes que sont ces adultes –nous tous- qui vous rendent la vie impossible et infernale. Ne grandissez pas trop vite avant que votre enfance ne soit totalement mûrie. Gardez toujours avec vous, vos petites monnaies, vos cerfs-volants, vos croquis et dessins, vos chansons dorlotantes, les noms et adresses de vos tous premiers amis, vos carnets scolaires, vos jouets, vos premières photos de tous formats, vos premières missives, vos petits projets qui grandiront avec vous, vos petits souvenirs, vos espoirs et surtout vos sourires. Oui, un simple sourire vaut des milliers de formules toutes-faites de politesse. Aux enfants qui n'ont presque rien de tout cela, je dirais: gardez quand même vos rêves, avec quoi vous façonneriez un jour ou l'autre, vos vies, c'est-à-dire notre avenir qui sans vous et sans vos rêves, resterait incertain voire inconnu...
Avant de finir ce billet par un quatrain intitulé enfance, que j'ai composé il y a quelques mois à la suite d'une agréable rencontre avec une enfant, suivi de quelques citations et des liens sur l'enfance, je voudrais lister des prénoms qui, pour moi, sentent et sonnent l'enfance dans toute sa diversité humaine la plus large. Ils appartiennent à des enfants soit que j'adore, que j'aime bien, que je connais, que je connais très peu, ou dont je regrette fort bien leur tragique disparition, ou même seulement dont j'entends parler et voudrais un jour les rencontrer. À eux et à tous ceux qui portent les mêmes ou d'autres prénoms, je dédie le quatrain à:
Elyes, Douraïd, Mohamed-Ali, Marouane, Khalil et Oussama, Grégory, Khaled, Omar et Rayyan, Emna, Yasmine, Férial & Hana, Stelios, Émeline, Zoé, Mehdi, Sonia, Ahmad et Karim, Aya, Amira, Eman, Stéphane, Farés, Adam, Eddora, Faysal, Antoine, Faé, Hédi et Sofiane…
enfance
mon ami l'e n f a n t
prête-moi ton r i r e
a f i n d e r a v i r
ma gaieté d'a n t a n
mon ami b a m b i n
flâne sur les rives
pour que je te suive
la main dans la main
mon cher chérubin
plane sur les toits
ce ciel est à t o i
et ses astres hautains
m o n petit môme
femelle que je vois
m â l e que tu sois
t'es un grand'Homme
Rafrafi 2006
A l'entete illustration : toile de Miro
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Voici quelques très belles citations relatives au thème de l'enfance:
- Enfants dont la mémoire se souvient qu'elle descend des étoiles.
Werner Lambersy
- Car un enfant qui pleure, qu'il soit de n'importe où, est un enfant qui pleure.
Barbara
- Si l'on veut s'approcher des enfants, il faut parfois devenir enfant soi-même.
Nemcova Bozena
- L'enfance est terriblement sérieuse, ne l'oubliez pas. Un enfant engage tout son être. Et nous, hommes graves et mûrs ? À quoi sommes-nous prêts à engager tout notre être ? Nous tenons trop à notre chère carcasse.
VERCORS
- Pourquoi Dieu met-il donc le meilleur de la vie tout au commencement ?
Victor Hugo
- Il y a deux moments de sa vie où tout homme est respectable : son enfance et son agonie.
Henry Millon de Montherlant
- L'enfance a des manières de voir, de penser, de sentir qui lui sont propres; rien n'est moins sensé que d'y vouloir substituer les nôtres.
Jean-Jacques Rousseau
- L'enfance. Cette heureuse et brève période de l'existence où l'on a tout juste assez de conscience pour savourer la joie d'être et d'inconscience pour ignorer les difficultés de la vie.
André Duval
- Il arrive un moment, dans la vie intérieure des familles, où les enfants deviennent, soit volontairement, soit involontairement, les juges de leurs parents.
Honoré de Balzac
- Il est si beau, l'enfant, avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés.
Victor Hugo
- Les enfants n'ont ni passé ni avenir, et, ce qui ne nous arrive guère, ils jouissent du présent.
Jean de La Bruyère
- Il est aussi vain d'écrire spécialement pour le peuple que pour les enfants. Ce qui féconde un enfant, ce n'est pas un livre d'enfantillages.
Marcel Proust
- Les enfants commencent par aimer leurs parents. En grandissant, ils les jugent, quelquefois ils leur pardonnent.
Oscar Wilde
-Il vaut mieux être chassé d'entre les hommes que d'être détesté des enfants.
Richard Henry Dana
- A quoi sert la vie si les enfants n'en font pas plus que leurs pères ?
Gustave Courbet
- J'étais un enfant, ce monstre que les adultes fabriquent avec leurs regrets.
Jean-Paul Sartre
- Les enfants trouvent tout dans rien, les hommes ne trouvent rien dans tout.
Giacomo Leopardi
- Si les enfants devenaient ce qu'en attendent ceux qui leur ont donné la vie, il n'y aurait que des dieux sur la terre.
A. Poincelot
- Il n'existe aucun homme qui n'ait été formé par l'enfant qu'il était.
Maria Montessori
- Qu'aviez-vous envie de faire plus tard quand vous étiez enfant ? " Ce que je voulais faire ? Je m'en souviens très clairement, avec une troublante précision. C'était : rien. J'avais envie de vivre et qu'on me fichât la paix.
Jean d'ORMESSON
- C'est peut-être l'enfance qui approche le plus de la «vraie vie».
Andrée Breton
- Je donnerais tous les paysages du monde pour celui de mon enfance.
CIORAN
- L'éternel enfant. - Nous croyons que les contes et les jeux appartiennent à l'enfance, myopes que nous sommes ! Comment pourrions-nous vivre, à n'importe quel âge de la vie, sans contes et sans jeux ! Il est vrai que nous donnons d'autres noms à tout cela et que nous l'envisageons autrement, mais c'est là précisément une preuve que c'est la même chose ! - car l'enfant, lui aussi, considère son jeu comme un travail et le conte comme la vérité. La brièveté de la vie devrait nous garder de la séparation pédante des âges - comme si chaque âge apportait quelque chose de nouveau -, et ce serait l'affaire d'un poète de nous montrer une fois l'homme qui, à deux cents ans d'âge, vivrait véritablement sans contes et sans jeux.
Friedrich NIETZSCHE
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Ci-après quelques liens, drôles, intéressants ou officiels, autour de l'enfance. Bonne navigation:
Poésie pour les enfants et pour les raffinés
Enfants refugies du monde
Enfants du Monde
Apprendre l'arabe, pour les enfants
UNICEF
Le Musée des enfants
Le site du Défenseur des enfants
Le travail des enfants
Association contre la Mutilation des Enfants
Les devinettes pour les enfants
Les enfants dans la guerre
Webmômes, l'art aux enfants (6 à 12 ans)
Sites pour enfants - La Petite planète
Anniversaires et fêtes d'enfants
Des chansons pour enfants
SOS Enfants sans Frontières
Bonjour les enfants
Enfants palestiniens dans les prisons israéliennes
Enfants de la Palestine
Tout pour les enfants
Partage: Parrainage d'enfants défavorisés
Poésie pour les enfants
Le sommeil et nos enfants
Logos Translations multilingual dictionary
Mots d'enfants: Petit Monde
Une ronde d'enfants autour de la terre
Famidoo
Le poète et l'enfant (anthologie pour enfants)
Comment aider les enfants à comprendre la mort
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lundi, 25 septembre 2006
"Caricatures" papales ?
.. Je ne le pense pas. Car un discours pontifical est forcément plus sérieux qu'une caricature danoise. D'autant plus que c'était le même Pape qui avait disconvenu ces caricatures.. Je constate aussi cette retenue relative des masses musulmanes dont les protestations contre les caricatures avaient été plus virulentes. Si les caricatures danoises étaient tendancieusement provocantes, la conférence de sa sainteté Benoît XVI, était benoîtement blessante...
Cette conférence, donnée par le Pape le 12 septembre courant à l'université de Ratisbonne en Allemagne, avait pour thème central "Foi et raison". Selon lui, l'une ne va pas sans l'autre. Il précise : «Agir de manière déraisonnable (en matière de foi) est contraire à la nature de Dieu», de même qu'«une raison qui est sourde face au divin et repousse la religion au niveau des sous-cultures est incapable de s'insérer dans le dialogue des cultures.»... Énoncé inoffensif si son auteur n'avait fait le parallèle qui a miné son discours: En face de la raison (la raison moderne) qui flanche devant la foi, il y a la foi (islamique) qui échappe à la Raison. Entre les deux, cette théologie (catholique) qui réunit message biblique et pensée grecque..
Pour comprendre les réactions musulmanes aux propos du Pape, propos que le New York Times qualifie de «tragiques et dangereux», je vous propose ici une lecture de l'exposé pontifical comprenant des remarques essentiellement sur la forme.
Le fait de citer à trois reprises (au début, au milieu et à la fin de son exposé), l'empereur byzantin Manuel II Paléologue qui, au XIVe siècle, accusait Mahomet d'avoir semé le Mal et l'inhumanité pour avoir prôné la diffusion de son message par l'épée, ceci prouve que cette citation n'était pas fortuite mais au contraire, ça a servi de référence polémique (très byzantine d'ailleurs) pour arriver à l'affirmation de base suivante:
Partant véritablement de la nature intime de la foi chrétienne et, dans le même temps, de la nature de la pensée grecque désormais fondue dans la foi, Manuel II pouvait dire : Ne pas agir " avec le logos " est contraire à la nature de Dieu.
Et le souverain pontife d’ajouter en guise de conclusion :
" Ne pas agir selon la raison, ne pas agir avec le logos est contraire à la nature de Dieu ", a déclaré Manuel II à son interlocuteur persan à partir de son image chrétienne de Dieu. C'est à ce grand logos, à cette immensité de la raison, que nous invitons nos interlocuteurs dans le dialogue des cultures. La retrouver nous mêmes à nouveau et toujours, c'est la grande tâche de l'université.
D'où par ailleurs le très mince alibi de Benoît XVI qui, après coup, avance que «Ces (propos) étaient en fait extraits d'un texte médiéval qui n'exprime en aucune façon ma pensée personnelle». Surprenant non ! Quand, méthodiquement parlant, on sait qu'à l'opposé des enquêtes ou reportages, l'emploi des citations dans une conférence, exposé, thèse ou étude, doit être justifié, pourquoi le Pape a-t-il donc recouru à ce texte impérial qui "n'exprime en aucune façon" sa "pensée personnelle"? Mais d'abord peut-on admettre cette allégation tardive? Difficilement. Et c'est bien son texte à lui qui contredit ici ses dires. Commentant la première partie de l'extrait, le Pape écrit:
Je n'ai pas l'intention de développer ce thème au cours de cette leçon ; je voudrai m'arrêter sur un seul point plutôt marginal dans la construction du dialogue dans son entier – qui dans le contexte du thème " foi et raison " m'a le plus fasciné et qui servira de départ à mes réflexions sur ce thème.
Certes, "départ" ne veut pas dire postulat. Il peut être contradictoire ou juste une occurrence. Mais lorsqu'en fin de citation, le Pape conclut par:
La phrase décisive dans cette argumentation contre la conversion forcée est la suivante : agir de manière déraisonnable est contraire à la nature de Dieu.
Là, il persiste et signe qu'il s'agit bien d'un extrait concordant, puisque l'argumentation de l'empereur a bien servi de départ à ses réflexions sur le thème de son exposé. Si non, sa conférence en entier n'exprimerait en aucune façon sa pensée personnelle! Du moment que ladite phrase était "décisive dans cette argumentation" pourquoi le Pape ne s'est-il pas contenté d'elle ou du moins, ne s'est-il pas démarqué des propos de l'empereur on y apportant ses réserves? Voudrait-il cautionner indirectement le jugement abrupt de Manuel II envers Mahomet?!
Sur ce point précis, certains ont lu l'extrait d'un œil politique et non pas théologique. Selon eux, Benoît XVI est le Pape mais aussi un chef d'État, dès lors, il aurait bien voulu lancer un double message, l'un à l'Iran (l'interlocuteur musulman de l'empereur est Perse) qui se trouve sur la sellette pour son dossier nucléaire, et l'autre à la Turquie (anciennement Byzance) qui réclame l'appartenance à l'Europe et à laquelle le Pape se rendra prochainement. De ma part je n'exclus pas la dimension politique dans tout message spirituel, qu'il soit ancien ou récent.
Méthodiquement encore, je dirais que Benoît XVI a écarté l'islam de son approche historique: En face d'une chrétienté qui sans cesse évolue, l'Islam, dans son exposé, est figé dans sa période initiale. L'exposé abonde de références historiques. J'en cite le passage suivant, où le Pape exalte une entité géopolitique (l'Europe) fruit d'un long processus historique du christianisme :
Ce rapprochement intérieur mutuel qui s'est opéré entre la foi biblique et le questionnement philosophique de la pensée grecque, est un fait d'une importance décisive non seulement du point de vue de l'histoire des religions, mais aussi de celui de l'histoire universelle – un fait qui nous crée encore aujourd'hui des obligations. Quand on constate cette rencontre, on ne peut guère s'étonner que le christianisme, en dépit de son origine et de son important développement en Orient, ait fini par trouver en Europe le lieu de son empreinte historique décisive. Nous pouvons dire à l'inverse : cette rencontre, à laquelle s'est ajouté par la suite l'héritage romain, a créé l'Europe et reste le fondement de ce qu'on peut avec raison appeler Europe.
Comme si le train de l'histoire ne s'arrête pas à toutes les stations de telle sorte qu'une théologie peut cacher une autre. Certes le Pape n'est pas sensé lire l'histoire telle qu'elle est, mais telle que son idéal spirituel l'exige. Mais encore, à partir du moment ou il établie un parallèle entre les messages islamique et chrétien, comment néglige t-il l'évolution historique de l'islam ne serait-ce que pour rendre à césar ce qui est à césar..
Est-ce que seulement avec "le droit de défendre par l'épée la foi qu'il (Mahomet) prêchait", droit que l'empereur juge comme "chose mauvaise et inhumaine", que l'Islam avait pu durer 14 siècles et cueillir près d'un milliard et demi d'adeptes?! Je n'ai pas l'intention de m'engager ici dans une lecture comparative entre les théologies chrétienne et Islamique. Je laisse cela aux théologiens les plus experts. Tout en restant dans le cadre historique, je dirais seulement qu'en face de l'époque hellénistique, très chère au Pape, l'Islam était passé par des périodes non moins florissantes, non seulement spirituellement mais aussi et surtout rationnellement. .
À l'instar du contact hellénique entre chrétienté et pensée grecque, l'époque abbasside avait connu un contact similaire entre l'islam et cette même pensée grecque. Où on a vu naître le mutazilisme qui s'est développé sur la logique et la rationalité, et combine la foi islamique avec celles-ci, en montrant ainsi leur compatibilité. Ce même contact s'était étendu à l'époque andalouse où grâce à Averroès (Ibn Ruschd), penseur de la foi et de la raison, l'Europe médiévale avait pu découvrir et comprendre Aristote.
Avant de conclure, faut-il rappeler qu'à travers l'Histoire, pratiquement toutes les religions et les idéologies, se sont servies de l'épée pour se maintenir, s'imposer et se propager. Le Pape connaît surement très bien les guerres menées par l'empire byzantin sous l'empereur Julien contre la Perse et sous Justinien Ier, contre les Vandales en Afrique du nord et contre les Ostrogoths; les fameuses croisades; les massacres de la Saint-Barthélemy (voir photo) perpétrés par les catholiques sur les protestants dans une période baptisée "guerres des religions"; l'inquisition; la conquête du nouveau monde, où le fusil et la bible font bon ménage pour soumettre et christianiser les indiens ou les décimer. Qui par ailleurs ne connaît pas les guerres menées par le communisme, en tant qu'idéologie?
Ceci dit, je ne cautionne aucunement le recours à la violence pour imposer telle ou telle doctrine.. Mais l'exposé du Pape aurait pu éviter un paradoxe flagrant qui n'aiderait pas à réactiver un dialogue islamo-chrétien longtemps entretenu par son prédécesseur Jean Paul II
Enfin, parmi les plusieurs dizaines d'articles sur cet événement, j'ai repéré deux articles dans le journal canadien Le Devoir, le premier est intitulé "Contradictions papales et distanciations musulmanes", le deuxième, "Le pape a-t-il tort?"; je vous propose de les lire pour leur pertinence.
RAFRAFI
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